« échelle », définition dans le dictionnaire Littré

échelle

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

échelle [1]

(é-chè-l') s. f.
  • 1Machine composée de deux longues pièces de bois servant de supports à des bâtons disposés de manière à former un escalier. Monter à l'échelle. Tenir l'échelle. On punit comme voleurs ceux qui tiennent le pied de l'échelle. Tenir l'échelle pendant qu'il monte, Pascal, Prov. 6. Vous seul, Seigneur, vous seul, une échelle à la main, Vous portâtes la mort jusque sur leurs murailles, Racine, Bérén. I, 3.

    Échelle double, échelle qui sert pour monter à l'assaut et où deux soldats montent de front, et aussi échelle qui est composée de deux échelles réunies par le sommet à l'aide d'une charnière, et qui peut servir sans être appuyée contre un mur ou un arbre.

    Échelle à incendie, échelle de fer portée sur un chariot et se repliant sur elle-même, qu'on emploie dans les incendies.

    Fig. Tenir l'échelle, aider à l'élévation de quelqu'un.

    Après lui il faut tirer l'échelle, c'est-à-dire on ne peut mieux faire que lui : locution qui signifie que l'homme qui a monté a fait la besogne, et qu'on peut tirer l'échelle, étant inutile qu'un autre monte après lui. Lui fit concevoir tant d'audace, Qu'il en monta sur le Parnasse, Puis tira l'échelle après soi, Maître Adam, dans RICHELET. Il faut tirer l'échelle après celui-là, Molière, Méd. m. lui, II, 1.

    Faire la courte échelle à quelqu'un, joindre les mains de manière que le camarade puisse y poser un pied, puis porter l'autre sur une épaule et s'élever ainsi jusqu'aux fruits d'un arbre, jusqu'à la fer être d'une maison, etc. Je lui ai fait la courte échelle, et il a atteint cette branche.

    Fig. Faire la courte échelle, aider quelqu'un à se pousser. Ce n'est pas là ce que je vous demande ; est-il bon camarade ? peut-il pousser les autres ? les faire valoir ? les élever ? leur faire la courte échelle ? Scribe, la Camaraderie, II, 1.

    Terme de jurisprudence. Tour de l'échelle, servitude qui donne au propriétaire du bâtiment auquel elle est due le droit de placer une échelle sur l'héritage du voisin pour réparer son mur. On nomme aussi tour de l'échelle un espace d'un mètre qu'un propriétaire possède au delà d'un mur de clôture.

    Fig. Ce qui est, à cause de son usage, comparé à une échelle. Encelade fendra ce pénible fardeau Qui lui servit d'échelle, et, depuis, de tombeau, Rotrou, Herc. mour. III, 3. Sur un bois glorieux Qui fut moins une croix qu'une échelle des cieux, Rotrou, St Gen. II, 8.

  • 2Échelle de corde, sorte d'échelle faite de corde et qui s'attache à l'aide de crochets au point où l'on veut monter. Elle attacha à un balcon une échelle de soie que le comte lui avait donnée, et fit entrer par là ce seigneur dans l'appartement de sa maîtresse, Lesage, Diable boit. 4.

    Échelle de meunier, escalier droit et à jour.

    Terme de marine. Tout degré, tout escalier fixe ou mobile. Échelle de dunette.

  • 3Potence. Autrefois l'échelle était l'insigne de la haute justice. Je sais me démêler prudemment de toutes les galanteries qui sentent tant soit peu l'échelle, Molière, Avare, II, 1.
  • 4Échelle sociale, ensemble des diverses conditions de la société considérées dans leur superposition respective.

    Échelle des êtres, théorie philosophique qui suppose que, depuis la matière brute et les derniers des êtres organisés jusqu'aux plus élevés, il y a une série non interrompue d'êtres de plus en plus parfaits. Quand on aura la nomenclature exacte de toutes les espèces que notre globe renferme, alors, et seulement alors, on pourra dire si l'échelle des êtres naturels est réellement interrompue, Bonnet, Cons. corps organ. Œuvres, t. V, p. 377. L'échelle de la nature pourrait n'être pas simple, et jeter de côté et d'autre des branches principales qui pousseraient elles-mêmes des branches subordonnées, Bonnet, Contempl. nat. 3e partie, ch. 26.

    Échelle de Jacob, échelle mystérieuse allant de la terre au ciel et vue par Jacob en songe.

  • 5 Terme de géographie et de topographie. Ligne divisée en parties égales et placée au bas d'une carte ou d'un plan pour servir de mesure, chacune des divisions répondant à une longueur connue telle que lieue, mille, mètre, kilomètre, etc. Carte, plan sur une grande, sur une petite échelle. Plan à l'échelle d'un dix-millième, d'un cent-millième, c'est-à-dire que toutes les distances sont dans la réalité 10 000 fois, 100 000 fois aussi grandes qu'elles sont figurées sur le plan.

    Fig. Travailler sur une grande échelle, faire un ouvrage de grande proportion, faire de grandes affaires. On dit aussi, en un sens opposé : sur une petite échelle.

    Terme de perspective. Échelle de front, division des parties égales sur la ligne horizontale, pareille à la ligne de la terre ; échelle fuyante, division des parties inégales et de plus en plus petites sur une ligne de côté, depuis la ligne de terre jusqu'au point de vue.

  • 6Moyen de mesure, de calcul. Il faut se faire une échelle pour y rapporter les mesures qu'on prend, Rousseau, Ém. v.

    Échelle de proportion, tableau indiquant par des divisions linéaires ou par des nombres les variations éprouvées par des valeurs commerciales.

    Fig. Nous avons en morale, pour évaluer les crimes, une autre échelle de proportion, La Harpe, Cours de littér. t. V, p. 232, Ledentu, 1825.

    Terme de fondeur. Échelle campanaire [du latin campana, cloche], règle qu'ont les fondeurs pour proportionner la longueur, la largeur et l'épaisseur d'une cloche à son poids, et pareillement celles de son battant, pour lui faire rendre certain son.

    Terme de teinturerie. Un certain nombre de nuances dont les teinturiers varient leurs couleurs.

  • 7 Terme de mathématique. Échelle arithmétique, nom de la progression arithmétique par laquelle se règle la valeur relative des chiffres simples dans un système quelconque de numération.

    Échelle logarithmique, ligne droite divisée en parties inégales et qui représente les logarithmes des nombres ou ceux des sinus et des tangentes.

  • 8 Terme de physique. Échelle d'un baromètre, d'un thermomètre, les différents degrés qui marquent sur ces instruments les mouvements des liquides qu'ils contiennent.

    Échelles des ponts, divisions arbitraires, ou véritables mesures linéaires, indiquées sur les piles des ponts pour faire connaître la hauteur de l'eau au-dessus d'un point qui est le zéro de l'échelle, et qui est établi soit à l'étiage, soit au niveau des points les moins profonds du lit. L'échelle du Pont-Royal, à Paris.

  • 9 Terme de musique. Échelle diatonique, succession des tons de la gamme. Échelle chromatique, série des douze demi-tons que contient une octave dont on a divisé chaque ton entier en deux parties censées égales. Échelle enharmonique, série d'intervalles moindres d'un demi-ton, et communément appelés quarts de ton ou commas, sur la considération desquels est fondé le genre enharmonique. Il suffit d'examiner son échelle [du chant grégorien] pour se convaincre de sa haute origine, Chateaubriand, Génie, III, 1, 2.
  • 10 Terme de marine. Proprement, lieu où un bâtiment pousse à terre une échelle ou une planche pour y opérer le débarquement de ses passagers ou de ses marchandises, Jal

    Échelles du Levant, nom de certaines villes de commerce qui sont sur la Méditerranée, vers le Levant, telles que Smyrne, Alep, le Caire, etc. où plusieurs nations de l'Europe tiennent des consuls et ont des bureaux qui se nomment comptoirs. Ce qui pressera le grand vizir de se résoudre promptement, ou de satisfaire l'ambassadeur ou de laisser embarquer tous les Français des échelles, Duquesne, Lettre à Seignelay, 8-24 oct. 1681, dans JAL.

    Échelles barbaresques, places situées sur les côtes de la Barbarie. Aben Hamet s'embarqua à l'échelle de Tunis, Chateaubriand, Dern. Abenc. 153.

    Il se dit aussi d'autres localités de l'Orient. Toutes ces liaisons avec les différentes échelles de l'Inde font entrer chaque année vingt-cinq à trente millions dans le Bengale, Raynal, Hist. phil. III, 30.

    Faire échelle, relâcher dans un port du Levant. On dit plus souvent faire escale.

  • 11 Terme de marine. Sorte de bec très avancé ayant la figure d'un triangle équilatéral qu'on a comparé à l'une des parties d'une échelle double et qui se trouve dans quelques-uns des bâtiments latins de la Méditerranée.
  • 12Sorte de crible pour nettoyer le grain.
  • 13 Terme de botanique. Échelle de Jacob, la polémoine bleue (polemonium caeruleum, L.).

HISTORIQUE

XIIe s. Par iloec est es chambres Roberz del Broc entrez ; à eschieles i ad les chevaliers muntez, Th. le mart. 144.

XIIIe s. Et li Venicien furent en la mer, es nez [nefs] et es vaissiaus, et drecierent les eschieles et les mangoniaux et les pierrieres, Villehardouin, LXXIV. Il font eschiel [s'échelonnent] en la mer, ce est à dire qu'il s'esloingnent de le autre entor de cinq milles, et ensi se partent [s'écartent] le une jouste l'autre vingt nes [nefs], si que cent miles tienent de mer ; et tantost qu'il voient aucune nef de mercaant, il font luminaire de feu le une à l'autre, et en cestes manieres ne pot aler nule nef pour cete mer qu'il ne l'auent [ayent], Voy. de Marc Pol, ch. 183, p. 224, dans JAL. Cil qui jurent vilainement de Dieu et de nostre dame doivent estre mis en esquele une hore du jour, Beaumanoir, 42. Il fist mettre un orfevre en l'eschiele à Cezaire, en braie et en chemise, Joinville, 293.

XVe s. Si y eut là [au siége de Duras] fait sur les eschelles plusieurs grands appertises d'armes, Froissart, II, II, 11. Un gentilhomme nommé Verdun, par l'adveu et du consentement du duc de Bretagne, prit d'eschelle les places de Conac et de Saint-Maigrin, Berry, Chroniques depuis 1402, p. 434, dans LACURNE.

XVIe s. S'arresterent au pied des degrez de l'eschelle [escalier] par où l'on monte en la salle du chasteau, Jean D'Auton, Annales de Louis XII, p. 314, dans LACURNE. Elles furent appelées climacides, comme qui diroit eschelieres, pour autant qu'elles se courboient à quatre pieds et faisoient eschelles de leur dos aux femmes des princes et des roys, Jean D'Auton, Com. disc. le flatt. 7. Ils ont avec eulx douze charrettes d'eschales, de la mesure qu'il les fault, Carloix, V, 23. Les ennemis vindrent avec un grand nombre d'eschelles bonnes, et bien doubles et renforcées, Du Bellay, M. 420. Pilori et eschelles sont signes de hautes justices ; et qui peut avoir et faire l'un, il peut semblablement avoir et faire l'autre, Coustum. génér. t. I, p. 14.

ÉTYMOLOGIE

Wallon, hâle ; nam. chaule ; picard, ékelle ; Berry, échalle ; provenç. et espagn. escala ; ital. scala ; du latin scala.

SUPPLÉMENT AU DICTIONNAIRE

1. ÉCHELLE. Ajoutez :
14 Fig. et populairement. Monter à l'échelle, s'emporter vivement et pour peu de chose.

REMARQUE

La locution proverbiale : après lui il faut tirer l'échelle, a été modifiée de manière à prendre un sens plus général et à signifier : considérer comme fini. C'est la prétention de tous les gouvernements de vouloir, comme on dit vulgairement, tirer l'échelle, et d'écrire à tout propos le mot fin, Ed. Texier, le Siècle, 27 mars 1870. Il ne faut pas toujours tout recommencer ; marchons en avant, mais ne tirons pas l'échelle, P. Janet, Rev. des Deux-Mondes, 15 nov. 1873, p. 374.