« étoile », définition dans le dictionnaire Littré

étoile

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

étoile

(é-toi-l') s. f.
  • 1Primitivement et dans le langage ordinaire, tout astre, soit fixe, soit errant. Jamais étoile, lune, aurore ni soleil Ne virent abaisser sa paupière au sommeil, Corneille, Médée, II, 2. Cette obscure clarté qui tombe des étoiles, Corneille, Cid, IV, 3. Aurait-il [Dieu] imprimé sur le front des étoiles Ce que la nuit des temps enferme dans ses voiles ? La Fontaine, Fabl. II, 13. Thalès plaçait la terre au centre du monde, il la croyait sphérique, il a pensé que les étoiles ne sont pas d'une autre substance, Condillac, Hist. anc. III, 14. Pour toute réponse à cette vive attaque, l'empereur le prit par la main [le cardinal Fesch], le conduisit à la fenêtre, l'ouvrit, et lui dit : Voyez-vous là haut cette étoile ? - Non, sire. - Regardez bien. - Sire, je ne la vois pas. - Eh bien ! moi, je la vois, s'écria Napoléon, Ségur, Hist. de Nap. II, 3. La lune est dans le ciel et le ciel est sans voiles ; Elle éclaire de loin la route des étoiles, Et leur sillage blanc dans l'océan d'azur, Lamartine, Harm. I, 10.

    Fig. Personne éminente ou chère. Quand… Je demande à mon cœur tous ceux qui ne sont plus, Et que, les yeux flottants sur de chères empreintes, Je pleure dans mon ciel tant d'étoiles éteintes, Lamartine, Harm. IV, 10.

    L'étoile du matin, l'étoile du soir, la planète Vénus. Est-ce vous qui faites paraître en son temps sur les enfants des hommes l'étoile du matin, ou qui faites lever ensuite l'étoile du soir ? Sacy, Bible, Job, ch. XXXVIII, v. 32. Là le lac immobile étend ses eaux dormantes Où l'étoile du soir s'élève dans l'azur, Lamartine, Méd. I, 1.

    L'étoile du berger, la planète Vénus.

    Il fait clair d'étoiles, la nuit est claire et les étoiles brillent.

  • 2Étoile fixe, ou, simplement, étoile, astre fixe qui brille de sa lumière propre. Ces masses prodigieuses qu'on appelle des étoiles ne sont qu'un point à nos yeux et ne nous paraissent presque que des étincelles, Nicole, Ess. de mor. 1er traité, ch. 8. Les étoiles fixes ne sauraient être éloignées de la terre moins que de vingt-sept mille six cent soixante fois la distance d'ici au soleil, qui est de trente-trois millions de lieues, Fontenelle, Mond. 5e soir. Il [Tycho-Brahé] a composé avec tant d'exactitude un nouveau catalogue des étoiles fixes, que ce seul ouvrage peut mériter à son auteur le nom que quelques-uns lui ont donné de restaurateur de l'astronomie, Rollin, Hist. anc. liv. XXVII, ch. 2. Les étoiles fixes sont autant de points de comparaison dont les astronomes ne peuvent se passer… aussi s'est-on donné des soins infinis dans tous les siècles pour connaître le nombre et la situation des étoiles fixes, Mairan, Éloges, Halley. Chaque étoile fixe est un soleil comme le nôtre environné de planètes, Voltaire, Jenni, 8. … Lorsque la nuit sur ses immenses voiles De leur rayon tremblant fait briller les étoiles, Ducis, Abufar, I, 3. Ses grands yeux noirs brillaient sous la noire mantille : Telle une double étoile au front des nuits scintille Sous les plis d'un nuage obscur, Hugo, Orient. 33.

    L'étoile polaire, étoile située à la queue de la Petite Ourse, et très voisine du pole boréal.

    Étoiles fondamentales, certaines étoiles dont l'observation est presque toujours facile et qui servent aux marins.

    Étoiles groupées, amas nébuleux ressemblant à de petites comètes, à la vue simple.

    Étoiles doubles, groupe de deux étoiles qui forment un système et dont l'une tourne autour de l'autre, conformément aux lois de la gravitation.

    Étoiles doubles, multiples, se dit aussi de groupes d'étoiles placées dans des directions visuelles si voisines qu'elles paraissent ne former qu'un astre.

    Étoiles changeantes, étoiles qui présentent des variations de couleur.

    Familièrement. Loger, coucher à la belle étoile, coucher dehors, en plein air. La nuit m'ayant surpris dans un endroit où il n'y avait aucune habitation, il fallut me résoudre à coucher à la belle étoile, Lesage, Estev. Gonz. ch. 46.

    Faire voir à quelqu'un les étoiles en plein midi, lui donner un grand coup sur les yeux, sur la tête, qui lui fait voir mille bluettes, et aussi lui en imposer, lui en faire accroire.

    On dit d'un prédicateur qu'il voit les étoiles, quand il bat la campagne et perd le fil de son sermon.

    Compter les étoiles, perdre son temps, pousser la curiosité trop loin

    Poétiquement. Porter le front, avoir le front dans les étoiles, être au comble de la gloire. Quand la faveur… Vous ferait devant le trépas Avoir le front dans les étoiles, Malherbe, IV, 5.

  • 3Étoiles tombantes, étoiles filantes, petits corps que l'on voit pendant la nuit traverser l'air et s'éteindre presque aussitôt, et qui proviennent de régions célestes placées bien au delà de l'atmosphère terrestre. La plupart des météores, les feux follets, les exhalaisons, les étoiles tombantes, les phosphores naturels et artificiels, les bois pourris et lumineux, ont-ils d'autres causes que l'électricité ? Diderot, Interprét. de la nat. n° 35. Encore une étoile qui file, Qui file, file et disparaît, Béranger, Étoiles fil.
  • 4 Fig. Destinée, fortune, influence prétendue des astres. Aussi, pourvu que je vous aie favorable, il ne m'importe que les étoiles me soient contraires, Voiture, Lett. 29. Un destin tout-puissant, une invincible étoile Aux yeux de ma raison attache un sombre voile, Mairet, Panthée, I, 7. À ma mauvaise étoile imputons mon ennui, Rotrou, Vencesl. III, 2. Mais, madame, accusez une étoile fatale, Rotrou, ib. v, 2. Il semble que nos actions aient des étoiles heureuses ou malheureuses, à qui elles doivent une grande partie de la louange et du blâme qu'on leur donne, La Rochefoucauld, Réflex. 58. Son étoile est d'être utile à M. de Lavardin, Sévigné, 438. Tout le monde croit que l'étoile [le crédit] de Quanto [Mme de Montespan] pâlit, Sévigné, 310. L'étoile du roi résiste à Ruyter, Sévigné, 225. C'est mon étoile, disent-ils, c'est mon ascendant, c'est l'astre puissant et bénin qui a éclairé ma nativité, qui met tous mes ennemis à mes pieds, Bossuet, Polit. VII, VI, 5. Ils se trouvent dignes de leur étoile, La Bruyère, VIII. Je crois qu'à la fin je serai un sot ; il semble que ce soit mon étoile et que je ne puisse m'en dispenser, Montesquieu, Lett. pers. 54. Ils étaient très orgueilleux et très ignorants ; il n'y avait d'étoiles que pour eux ; le reste de l'univers était de la canaille dont les étoiles ne se mêlaient pas, Voltaire, Dict. phil. Astronom. Berger, tu dis que notre étoile, Règle nos jours et brille aux cieux, Béranger, Étoiles filantes. Je m'en prends à mon étoile, et j'accuse les dieux qui ne veulent pas nous voir ensemble si près d'eux [au sommet des Pyrénées], non plus que Castor et Pollux, Courier, Lett. I, 23.

    Être né sous une heureuse, sous une fâcheuse étoile, réussir, échouer en ce qu'on fait.

    Lire dans les étoiles, se dit des faiseurs d'horoscope.

  • 5Petit artifice qui imite dans les airs l'éclat d'une étoile. Chaque fusée en éclatant lance un bouquet d'étoiles.
  • 6Ornement qui a quelque ressemblance avec une étoile. Un manteau parsemé d'étoiles. La coupe transversale d'une racine de vigne offre une étoile à neuf ou dix rayons parfaitement bien dessinée des mains de la nature, Bonnet, Usage des feuilles, 5e mém.
  • 7Insigne de décoration, ainsi dit à cause de ses rayons.

    L'étoile des braves, l'étoile de l'honneur, la croix de la Légion d'honneur. Ils [les maréchaux] préfèrent au cordon bleu De l'honneur l'étoile sacrée, Béranger, Deux cousins. L'étoile de l'honneur brille sur sa poitrine, Barthélemy.

    Ordre de l'Étoile polaire, ordre de chevalerie institué en Suède. M. de Linné fut le premier homme de lettres décoré de l'ordre de Étoile polaire, Condorcet, Linné.

    Ordre de l'Étoile, ordre de chevalerie institué à Paris en 1351 par le roi Jean.

  • 8Fêlure en forme d'étoile faite à une bouteille, à une vitre, etc. Il est prudent de vider les bouteilles qui ont une étoile.
  • 9 Terme d'imprimerie. Sorte d'astérisque qui sert à remplir un vide, ou à marquer un renvoi.

    Monsieur trois étoiles, s'emploie pour désigner quelqu'un qu'on ne veut pas nommer ; ce qui s'indique, en écrivant ou en imprimant : Monsieur ou M.***. Des initiales d'abord ; on attribue à M. le comte trois étoiles… ; et puis demain le nom en toutes lettres, Scribe, Le Puff, IV, 1. Ces madrigaux niais et doux, Qui peignent, avec ou sans voile, Des bergères toutes à tous, à qui les adresserions-nous Sans madame de trois étoiles ? Pons, (de Verdun), Contes et poésies, p. 64.

  • 10 Terme de vétérinaire. Étoile en tête, ou, simplement, étoile, marque blanche et particulière des robes foncées, existant au front du cheval et du bœuf. Comme on faisait beaucoup de cas des chevaux qui avaient, sur le devant du front, une espèce d'épi ou rebroussement du poil qu'on appelle étoile ou pelote, ils vinrent à bout d'en faire paraître, Dict. des arts et mét. Marchands de chevaux.

    Fausse étoile, marque artificielle que les maquignons font aux chevaux qui n'en ont pas de véritable.

  • 11Étoile de mer, astérie. Diverses espèces de vers d'eau douce, les vers de terre, les orties et les étoiles de mer, coupés par morceaux, se reproduisirent de bouture comme le polype, Bonnet, 1er mém. Reprod. salamandre.
  • 12 Poétiquement. Étoile se dit pour fleur en étoile. Tandis que l'étoile inodore [le bluet] Que l'été mêle aux blonds épis, Émaille de son bleu lapis Les sillons que la moisson dore, Hugo, Orient. 31.
  • 13Point central où aboutissent plusieurs allées, qui forment comme autant de rayons d'étoiles. Ce fut Chandenier qui fit percer une étoile régulière à mon père qui voulait bâtir, Saint-Simon, 38, 183. C'est une sorte d'étoile où concourent quelques allées qui resserrent entre elles un parterre moins étendu qu'irrégulier, Diderot, Mém. La promenade du sceptique.
  • 14 Terme de fortification. Étoile ou fort à étoile, ouvrage de fortification fait à angles saillants et qui a six pointes.
  • 15Point graisseux en forme d'étoile qui se voit dans le bouillon ; on dit aussi les yeux du bouillon. S'il pensait y trouver une étoile de graisse, Régnier, Sat. x.
  • 16 Terme de chirurgie. Étoile, ou bandage étoilé, ou, simplement, étoilé, bandage improprement comparé à une étoile, parce que les jets de bande forment à peu près un X par leur entre-croisement.
  • 17 Terme de coiffeur. Extrémité d'une tresse de cheveux.
  • 18 Terme de marine. Petit anneau de fer-blanc, contenant la mèche qui éclaire le compas de route.
  • 19Pièce de la cadrature d'une montre ou d'une pendule à répétition.

    Une des pièces du moulin à mouliner les soies.

    Outil pour faire une étoile sur le dos des livres.

    Instrument pour vérifier le calibre des canons.

    PROVERBE

    On ne peut aller contre son étoile, on ne peut résister à sa propre destinée.

HISTORIQUE

XIe s. Clere est la lune, les esteiles flambient, Ch. de Rol. CCLXVIII.

XIIe s. Là sus au ciel mainte estoile flambie, Ronc. p. 147. Enpris [j'] ai greignor [plus grande] folie Que li faus enfes [enfant] qui crie Pour la bele estoile avoir Qu'il voit haut et clair seoir, Couci, III. As esteilles s'en vunt e à la tenebrur, E se sunt comandé à Deu nostre seignur, Th. le mart. 49.

XIIIe s. Li oel qui en son chief estoient à deus estoiles resembloient, la Rose, 2990. …Dont aucunes gens cuident que ce soit li dragons, ou que ce soit une estele qui chiet [tombe], Latini, Trés. p. 120.

XVe s. Car fortune n'est pas si très cruelle, Qu'elle voulsist hors de ce monde oster Celle qui est des princesses l'estoille, Orléans, Ball. 56.

XVIe s. Estoient logez à l'enseigne de l'estoile [en plein air], Jean D'Auton, Annales de Louis XII, dans LACURNE. Sa clarté [de ton livre] nous suffit ; l'homme n'a plus que faire D'estoiles au matin quand le jour est levé, Ronsard, Sonn. à des Caurres. À midy estoile ne luit, chat-huant ne sort de son nid, Leroux de Lincy, Prov. t. I, p. 97.

ÉTYMOLOGIE

Wallon, siteul ; norm. ételle ; il ételle, il fait clair d'étoiles ; provenç. estela, stela ; espagn. estrella ; ital. stella ; du latin stella.

SUPPLÉMENT AU DICTIONNAIRE

ÉTOILE. Ajoutez : - REM. Dans la locution loger, coucher à la belle étoile, il ne faut pas croire que le sens soit : coucher aux rayons des belles étoiles, ou du moins la locution a commencé par : coucher à une auberge dont l'enseigne est la belle étoile. Cela résulte de la phrase citée à l'historique : Estoient logez à l'enseigne de l'estoile [en plein air]. On comprend très bien la façon de cette plaisanterie : c'est un jeu de mots entre une prétendue enseigne d'auberge portant des étoiles, et les étoiles du ciel sous lesquelles couche celui qui n'a pas de logis.