« être », définition dans le dictionnaire Littré

être

Définition dans d'autres dictionnaires :

Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

être [1]

(ê-tr'), je suis, tu es, il est, nous sommes, vous êtes, ils sont ; j'étais ; je fus ; je serai ; je serais ; sois, qu'il soit, soyons, soyez, qu'ils soient ; que je sois, que tu sois, qu'il soit, que nous soyons, que vous soyez, qu'ils soient ; que je fusse ; étant ; été v. n.
  • 1Il sert en général à lier l'attribut au sujet, à indiquer l'existence de l'attribut dans le sujet, à attribuer à quelqu'un ou à quelque chose une qualité, un état, etc. ; c'est là le sens propre et primitif. La terre est ronde. Louis XIV fut roi de France. Il était négociant. Mais soit cette croyance ou fausse ou véritable, Corneille, Poly. II, 3. Je suis toujours moi-même et mon cœur n'est point autre, Corneille, Cinna, III, 4. Et ne l'écouter pas est le faire enrager, Molière, Mélic. I, 3. Je crois que deux et deux sont quatre, Molière, D. Juan, III, 1. Son pays le crut fou [Démocrite] ; petits esprits ! mais quoi ! Aucun n'est prophète chez soi ; Ces gens étaient les fous, Démocrite le sage, La Fontaine, Fabl. VIII, 26. Combien de gens, seigneur, s'ils faisaient même chose, Sachant ce qu'ils étaient et voyant ce qu'ils sont, Auraient à votre cour moins d'orgueil qu'ils n'en ont ! Boursault, Ésope à la cour, v, 3. Rarement un esprit ose être ce qu'il est, Boileau, Ép. IX. J'étais père et sujet, je suis amant et roi, Racine, Théb. v, 4. Mardochée à ses yeux est une âme trop vile, Racine, Esth. II, 1. Qu'ils soient comme la poudre et la paille légère Que le vent chasse devant lui, Racine, ib. 1, 3. Jetez-moi dans les troupes comme un simple soldat, je suis Thersite ; mettez-moi à la tête d'une armée dont j'aie à répondre, je suis Achille, La Bruyère, IX. Être chrétien et n'être pas pénitent était une nouveauté, Massillon, Car. Jeûne. Séparez ce que nous sommes du ministère que nous remplissons, Massillon, Car. Parole. Ce qui rend la ferveur si essentielle est la majesté de celui que nous prions, Massillon, Car. Prière 2. Il ne faut que des substantifs pour nommer tous les objets dont nous pouvons parler ; il ne faut que des adjectifs pour en exprimer toutes les qualités ; enfin il ne faut que le seul verbe être pour prononcer tous nos jugements, Condillac, Gramm. I, 13.

    Soyons se dit souvent, surtout dans le style élevé, en se parlant à soi-même. Soyons indigne sœur d'un si généreux frère, Corneille, Hor. IV, 4. Étouffe tes soupirs, malheureuse Constance ; Soyons en tous les temps digne de ma naissance, Voltaire, le Prince de Navarre, III, 3. Ah ! soyons sage, il est bien temps de l'être, Voltaire, Enfant prod. III, 6. Soyons vrais, de nos maux n'accusons que nous-mêmes, La Harpe, Warwick, v, 5.

    Terme de manége. Être droit, se dit d'un cheval qui ne boite point.

  • 2Avec un sens antonomastique, par suppression de l'attribut, avoir l'existence réelle. Dieu, dans l'Écriture sainte, s'appelle celui qui est. Et je garde avec vous la même liberté Que si votre Sylla n'avait jamais été, Corneille, Sertor. III, 2. Que l'homme, étant revenu à soi, considère ce qu'il est au prix de ce qui est, Pascal, Pensées, art. I, 1. Qui sait même ce que c'est qu'être, puisqu'il n'y a rien de plus général et qu'il faudrait d'abord, pour l'expliquer, se servir de ce mot-là même, en disant : c'est être… ? Pascal, Entret. avec M. de Saci, p. XI, édit. HAVET. Quoique fils d'Abraham, il [Jésus-Christ] était devant qu'Abraham fût fait, Bossuet, Hist. II, 6. Notre âme n'est pas devant notre corps, et quelque chose lui manque lorsqu'elle en est séparée, Bossuet, ib. Et les faibles mortels, vains jouets du trépas, Sont tous devant ses yeux comme s'ils n'étaient pas, Racine, Esth. I, 3. Et confonds tous ces dieux qui ne furent jamais, Racine, ib. I, 4. Hâtons-nous aujourd'hui de jouir de la vie ; Qui sait si nous serons demain ? Racine, Athal. II, 9. Peut-être sommes-nous cause qu'on y a fait [dans les autres planètes] le procès à des philosophes qui ont voulu soutenir que nous étions [que la terre avait des habitants], Fontenelle, Mondes, 4e soir. Les espèces inférieures sont pour les espèces supérieures : la plante est pour la brute, la brute pour l'homme, l'homme pour des natures plus parfaites ; celles-ci pour d'autres plus parfaites encore, Bonnet, Œuvres mêlées, t. XVIII, p. 198, dans POUGENS. Accablés du soin d'être et du travail de vivre, Saint-Lambert, Saisons, III.

    Il se dit aussi d'une existence purement idéale. En un mot, une conversion qui n'est pas entière, n'est point du tout, Massillon, Car. Pâques. Où la vertu n'est point, la liberté n'est pas, Ducis, Abufar, II, 7.

    Cela n'est pas, je doute que cela soit, c'est-à-dire cela n'est pas vrai, réel, je doute que cela soit vrai.

    Cela sera, cela ne sera pas, c'est-à-dire cela arrivera, cela n'arrivera pas.

    Vous n'étiez pas encore au monde, ou, simplement, vous n'étiez pas encore, quand… c'est-à-dire vous n'étiez pas encore né, quand…

    En poésie et dans le style élevé, n'être plus, avoir cessé de vivre. J'apprends en ce moment que mon père n'est plus, Corneille, Othon, v, 9. Nos pères ont péché, nos pères ne sont plus, Et nous portons la peine de leurs crimes, Racine, Esth. I, 5.

    Le prétérit fut, ou, impersonnellement, il fut, se dit pour signifier que quelque chose a cessé d'exister. Il fut des Juifs, il fut une insolente race, Racine, Esth. II, 1. Homère m'a guidé dans les champs où fut Troie, Delille, Imagin. VII.

  • 3Être, se dit quelquefois pour exprimer la réalité, par opposition à l'apparence. Rien n'est bon que d'avoir une belle et bonne âme : on la voit en toute chose comme au travers d'un cœur de cristal : on ne se cache point ; vous n'avez point vu de dupes là-dessus ; on n'a jamais pris longtemps l'ombre pour le corps ; il faut être, il faut être, si l'on veut paraître…, Sévigné, Lett. 9 sept. 1675.
  • 4Se trouver en un lieu. Soyez ici ou là, que m'importe ?

    Fig. Être ailleurs, ne pas prêter son attention. Répétez, je vous prie, j'étais ailleurs.

  • 5Être, se construit avec certains adverbes et avec des locutions adverbiales. Mais laissez-moi passer entre vous deux, pour cause : Je serai mieux en main pour vous conter la chose, Molière, Princ. d'Él. I, 2. Soyons de concert auprès des malades, Molière, Am. méd. III, 1.

    Être bien, être mal avec quelqu'un, être avec quelqu'un dans de bons, dans de mauvais rapports.

    Être bien, être mal, se porter bien, se porter mal. Et sans ces adverbes : Comment est notre malade, comment va-t-il ?

  • 6Être, construit avec la préposition à, exprime en particulier l'appartenance, la dépendance. Cette maison est à moi. Avant que d'être à vous, je suis à mon pays, Corneille, Hor. II, 5. Mais, pour en disposer, ce sang est-il à vous ? Corneille, Poly. IV, 3. Que si j'étais à moi, je voudrais être à vous, Corneille, Tois. d'or, V, 1. Que dis-je ? votre vie, Esther, est-elle à vous ? N'est-elle pas au sang dont vous êtes issue ? N'est-elle pas à Dieu dont vous l'avez reçue ? Racine, Esth. I, 3. Vous n'êtes point à vous ; le temps, les biens, la vie, Rien ne vous appartient, tout est à la patrie, Gresset, Sidnei, II, 6.

    Être à…, être lié par les nœuds du mariage, de l'amour. Ce qu'elles nous sont [les liens qui nous attachent à elles] ferait qu'avec justice On nous imputerait ce mauvais artifice, Corneille, Hor. II, 8. Je vous vis, je formai le dessein d'être à vous, Racine, Mithr. I, 2. Je ne suis point à vous, je suis à votre père, Racine, ib. II, 6. Nous en avons parlé cent fois le comte et moi, sans qu'il sût ce que je vous suis, Dancourt, la Folle enchère, sc. 22.

    Être à, être au service de. … Je connais ce valet, il est à don Fadrique…, Th. Corneille, Engagem. du has. I, 6. Cela vient d'un gentilhomme qui était à M. de Turenne, Sévigné, 201.

    Je suis tout à vous, tout disposé à faire ce qui vous sera agréable.

    Je suis à vous dans un moment, c'est-à-dire attendez-moi, je reviens à l'instant, ou je vais m'occuper de vous. Je suis à toi dans un moment, Hamilton, Gramm. 4.

    Il n'est plus à lui, se dit d'un homme dont l'esprit est dans une agitation extrême. Je ne suis plus à moi quand j'entends ce discours, Corneille, Poly. II, 1.

    On dit dans un sens analogue, n'être plus soi-même. Je ne vous connais plus ; vous n'êtes plus vous-même, Racine, Andr. III, 1.

    Être à, se dit aussi de la situation, du temps, de l'occupation, etc. Le malade est à l'agonie. Il est à son travail. Il est au lit. Ma famille est à la campagne. Nous sommes au mois de janvier. Vous êtes à la fin du trimestre.

    Être à jeun, se dit d'une personne qui n'a pris aucun aliment dans la journée.

    Être à mépris, être méprisé. Et toi, pour te montrer que tu m'es à mépris, Voilà ton demi-cent d'épingles de Paris, Molière, Dép. am. IV, 4.

    Être à, se dit, dans le langage des mathématiques, des rapports et des proportions. 2 est à 4 comme 8 est à 16. Comme le produit d'un terrain inculte est au produit d'un terrain cultivé, de même le nombre des sauvages dans un pays est au nombre des laboureurs dans un autre, Montesquieu, Esp. XVIII, 16.

    Être à quelque chose, s'en occuper, y prêter attention. Il est tout à ce qu'il fait. Vous n'êtes pas à ce que je vous dis.

    Être à, suivi d'un infinitif, être occupé à… Je fus samedi tout le jour chez Mme de Villars à parler de vous, Sévigné, 15.

    Être longtemps à, mettre beaucoup de temps. Il est longtemps à faire son ouvrage. Ces soleils sont parfois longtemps à se lever, Tristan, M. de Chrispe, IV, 2.

    Familièrement. Il est toujours à se plaindre, ils sont toujours à se quereller, il ne cesse de se plaindre, ils ne cessent de se quereller.

    Être à faire, à savoir, etc. c'est-à-dire ne pas faire encore, ne pas savoir encore, etc. Ah ! sire, êtes-vous donc à vous apercevoir Qu'il sème…, Mairet, Solim. II, 2. Ce glorieux vainqueur est encore à savoir Le mauvais traitement qu'il me fait recevoir, Mairet, Soph. I, 4. Je n'étais pas à savoir en combien de choses elle [Mlle Choin] entrait, Saint-Simon, t. VIII, p. 264, édit. CHÉRUEL. Je n'étais pas à dire mon avis avec colère à Mme la duchesse d'Orléans sur sa manière d'être avec Monseigneur, Saint-Simon, t. VIII, p. 262.

    Être à plaindre, à blâmer, être digne de pitié, de blâme. Cela est à vendre, à louer, c'est-à-dire on veut vendre, on veut louer cela.

    On dit aussi cette marchandise est à prendre ou à laisser.

    Cela est à faire, cela est à recommencer, c'est-à-dire on devra faire, recommencer cela.

    Être homme à, être capable de… Albert n'est pas un homme à vous refuser rien, Molière, Dép. am. I, 2.

    Impersonnellement. Il est à croire, à désirer, etc. on doit croire, désirer, etc.

  • 7Être, construit avec la préposition de, indique le rapport de l'effet à la cause, l'origine, l'extraction. Cette tragédie est de Corneille. Cet enfant est de lui. Cette marchandise est de fabrique anglaise. Ces figues sont du Levant. Ces damnables complots sont des gens de la cour, Rotrou, Bélis. II, 9. Le poëte Épiménide, qui fit un voyage à Athènes du temps de Solon, était de Crète, Rollin, Hist. anc. Œuvres, t. IV, p. 483, dans POUGENS. Ces lois viennent des dieux, le reste est des humains, Voltaire, Orphel. II, 3.

    Être de, exprime la profession, la condition. Il est d'Église, d'épée, de robe.

    Il exprime la matière. Cette statue est de marbre.

    Il exprime l'occupation. Je suis de service, de garde. Un interne est de garde dans un hôpital. Il est de semaine.

    Marque la participation. Il est de moitié dans l'affaire. Il sera de la partie. [Ils] Sont de tous leurs cadeaux, de toutes leurs parties, Molière, Éc. des f. IV, 8. Mais, monsieur, cela serait-il de la permission que vous m'avez donnée, si je vous disais…, Molière, Don Juan, I, 2. On ne voit pas que vous évitiez ces entretiens, ces lieux, ces plaisirs qui sont pourtant de toutes vos confessions, Massillon, Car. Inconst. Je vous supplierais de permettre que le nonce du pape en Pologne fût du souper, Voltaire, Lett. à Cath. 20. Aussi disait-on de Fontenelle qu'il avait été le patriarche d'une secte dont il n'était pas, D'Alembert, Élog. Despréaux. M. de Melun fut du voyage, Genlis, Mlle de Clermont, p. 116, dans POUGENS.

    Être du nombre de, ou, simplement, être de, être parmi. Je ne suis pas de ces gens qui…

    Je suis d'avis que…, c'est-à-dire mon avis est que… Le prince [Alexandre] ayant mis l'affaire en délibération, Parménion était d'avis d'accepter ces offres, et dit que pour lui il le ferait s'il était Alexandre, Rollin, Hist. anc. Œuvres, t. III, p. 303, dans POUGENS.

    Cela est bien de son caractère, cela est bien de lui, c'est-à-dire cela est conforme à son caractère, à sa manière de penser et d'agir.

    Cela n'est pas du jeu ou de jeu, c'est-à-dire cela n'est pas selon les règles du jeu, ne fait pas partie des conventions.

    Exprime la manière d'être. Cet enfant est d'une grande intelligence. Cette étoffe est d'un teint trop clair. Il est d'une jalousie qui devient tous les jours plus insupportable, Genlis, Théât. d'éduc. la Bonne mère, II, 3.

    Être de, avec un substantif, exprime quelquefois la nécessité, l'obligation d'une chose. Dans ce lieu une mise décente est de rigueur. Comme si le respect qu'on a pour les anciens philosophes était de devoir, et que celui qu'on porte aux plus anciens pères était seulement de bienséance, Pascal, Autorité en phil.

    Exprime la conformité. Ces habitudes ne sont plus de nos mœurs.

    Être de l'avis, de l'opinion de quelqu'un, partager son avis, son opinion.

    Être de quelque chose à quelqu'un, l'intéresser. Le Rhône et Lyon me sont de quelque chose, Sévigné, 39.

    Il ne m'est de rien, nous ne sommes pas parents.

    Familièrement. Il ne m'est ni d'ève ni d'Adam, je n'ai pas avec lui de parenté si éloignée qu'elle soit.

    Impersonnellement. Il est d'homme sage, etc. c'est l'action d'un homme sage. Pourquoi cette ruine ? était-il d'homme sage De mutiler ainsi ces pauvres habitants [arbres fruitiers] ? La Fontaine, Fabl. XII, 20.

    Il est de la justice, etc. la justice commande.

    La peste soit du butor ! Peste soit de vous ! Voy. PESTE.

  • 8 Terme de généalogie. Être du trois au quatre, du cinq au quatre avec quelqu'un, être dans un degré de parenté tel que les deux personnes dont il s'agit, appartenant à deux branches différentes, aient un bisaïeul, un trisaïeul commun ; ainsi la parenté du grand Condé avec M. de Vardes était du cinq au quatre, c'est-à-dire qu'ils avaient un trisaïeul commun, la Trémouille. Ce qui fait que l'on exprime ainsi cette parenté, c'est que le point de départ n'est compté qu'une fois : la Trémouille, une fille, une fille, une fille, Condé, cinq ; de l'autre côté, une fille, un garçon, une fille, Vardes, quatre. Elle [la princesse de Tarente] n'est que du trois au quatre avec madame la Dauphine ; il faut être son neveu ou sa nièce pour qu'elle compte cela pour quelque chose, Sévigné, Lett. 25 mai 1680.
  • 9Être, construit avec la particule en, exprime le point où l'on est parvenu dans un travail, dans une affaire, et quelquefois l'état où l'on est réduit. Où en êtes-vous de votre ouvrage ? Où en est l'affaire ? Où en êtes-vous de votre procès ? j'en suis à faire nommer un rapporteur. Voilà où j'en suis. Juge, Araspe, où j'en suis, s'il veut tout ce qu'il peut, Corneille, Nicom. II, 1. Et où en eussiez-vous été, si on eût pris vos poëmes au pied de la lettre ? Fontenelle, Homère, Ésope.

    Il ne sait où il en est, il est troublé au point qu'il ne sait plus ce qu'il fait. Je ne sais où j'en suis, Corneille, Ment. v, 6.

    En êtes-vous là ? croyez-vous cela ? ou bien êtes-vous dans cette résolution, dans cette erreur ?

    Où en sommes-nous ? se dit par indignation ou par plainte, quand on voit quelque grand désordre.

    Il n'en est pas où il croit, il est bien loin de ce qu'il espère ou imagine.

    On supprime quelquefois la particule en. Tu n'es pas où tu crois ; en vain, tu files doux : Ton excuse n'est point une excuse de mise, Molière, Amph. II, 3.

    En être, être de la partie, de l'affaire, etc. Je vous baise les mains, je m'en vais ici près Chez mon oncle dîner. - ô Dieu ! le galant homme ! J'en suis. , Régnier, Sat. VIII. On proposait une chasse, elle déclara qu'elle en voulait être, Fénelon, Tél. VII. Ma foi, je n'en suis plus ; ceci devient tragique, Campistron, Jaloux désabusé, IV, 6. S'il faut prendre longtemps de la peine, je n'en suis plus, Rousseau, Confess. IV.

    J'en suis pour ce que j'ai dit, je garde l'opinion que j'avais exprimée.

    Elliptiquement et familièrement. Il en est, il est d'une société, d'une bande suspecte, de la police.

    Elliptiquement et populairement. C'en est, je crois que c'en est, se dit, par euphémisme, des excréments humains.

    Cela n'en est pas, celui-là n'en est pas, c'est-à-dire on ne doit pas faire cela. Il s'agit de jeux, et les coups n'en sont pas.

    J'en suis pour ma peine, pour mon argent, j'ai perdu ma peine, mon argent. J'en suis pour une dent, j'y ai perdu une dent. J'en suis pour mon honneur ; mais à toi, qui me l'ôtes, Je t'en ferai du moins pour un bras ou deux côtes, Molière, Sgan. 6. Peste soit du lourdaud qui me vient fracasser ; Je crois que j'en serai du moins pour une côte, Legrand, Roi de Cocagne, III, 9. J'en fus pour mes lorgneries et mes soupirs, dont même je m'ennuyai bientôt, Rousseau, Confess. VI.

    En être sur, pointiller sur… Quand je vois des gens en être avec moi sur le plus ou sur le moins…, La Bruyère, VI.

    En être, se dit du résultat, des conséquences d'une chose. On l'a traité outrageusement, et il n'en a rien été. Il en sera de cette affaire ce qu'il vous plaira.

    On peut aussi supprimer la particule en : Il sera de cette affaire ce qu'il vous plaira.

    Il en sera ce qu'il plaira à Dieu, se dit pour exprimer qu'on se résigne à la volonté de Dieu, à l'événement quel qu'il soit.

    Ce qui en est, la réalité, la vérité. On prétend qu'elle plut au roi, je ne sais ce qui en est, Mme de Caylus, Souven. p. 142, dans POUGENS.

    Il en est, il n'en est pas de, exprime la similitude, la conformité. Il en est des peintres comme des poëtes, ils ont la liberté de feindre. Il en est de même de tout le reste.

    Il n'en est rien, c'est-à-dire cela n'a aucune vérité, cela est faux. Ne croyez pas cette nouvelle, il n'en est rien.

    Il n'y a pas lieu à mettre en, lorsque la phrase a un complément qui en tient lieu. Je prie Dieu, monseigneur, qu'il ne soit rien de tout ce que je viens dire, Guez de Balzac, liv. II, lett. 6.

  • 10Être construit avec la particule y. Y être, être chez soi. Y être pour quelqu'un, avoir donné l'ordre précis de recevoir une personne. Et pourquoi lui dire que je n'y suis pas ? est-ce pour les personnes comme elle qu'on n'y veut pas être ? Dancourt, Chev. à la mode, II, 8.

    Par plaisanterie. Allez voir là dedans, et, plus souvent, allez voir dehors si j'y suis, se dit pour renvoyer quelqu'un avec qui l'on ne se gêne pas ou contre qui l'on se fâche. Voyez là dedans si j'y suis, Legrand, Roi de Cocagne, II, 10.

    Je n'y suis pour rien, je n'ai pris aucune part à la chose dont il s'agit, ou je n'y suis pas compromis. Avez-vous perdu à cette faillite ? Non, je n'y suis pour rien.

    Vous n'y êtes pas, vous ne comprenez pas. Il y est, il a compris. M. de Lauzun épouse dimanche, au Louvre, devinez qui… c'est assurément Mlle de Créqui. - Vous n'y êtes pas, Sévigné, 9. Comment ? je n'y suis pas ; vous plairait-il de recommencer ? La Bruyère, V.

    Il n'y est plus, il ne fait plus attention, ou il est dérouté.

    La tête n'y est plus, il est fou, il est tombé en enfance.

  • 11Être se construit avec différentes prépositions.

    Être après, être occupé à. On est venu lui dire et par mon artifice, Que les ouvriers sont après son édifice, Molière, l'Étour. II, 1.

    Être après quelqu'un, l'obséder, le poursuivre, ou le harceler en paroles. Je ne puis bouger sans qu'il soit après moi. Vous êtes bien moqueur, pourquoi êtes-vous toujours après moi ?

    Être avec quelqu'un, vivre habituellement avec lui. Y a-t-il longtemps que vous n'êtes plus avec votre frère ?

    Être avec quelqu'un, se trouver quelque part avec lui. Vous étiez avec moi lorsqu'il me parla.

    Être avec quelqu'un, rester avec lui. Soyez avec madame, Molière, Mis. III, 6. Dans le langage biblique, le Seigneur est avec lui, le protége. Le Seigneur était avec lui, et tout lui réussissait heureusement, Sacy, Bible, Genèse, XXXIX, 2.

    Être en, désigne la manière d'être. Être en toilette, en robe de chambre, en pantoufles. Être en fête, en promenade. Une exposition en plein midi. En printemps, en hiver. Déguisé en Turc.

    Être dans une affaire pour un quart, pour un dixième, y avoir un intérêt d'un quart, d'un dixième.

    Être pour, suivi d'un infinitif, être propre à, capable de. Ce serait pour monter à des sommes très hautes, Molière, Fâch. III, 3. Morbleu ! vous n'êtes pas pour être de mes gens, Molière, Mis. I, 1. Lui aurait-on appris qui je suis, et serais-tu pour me trahir ? Molière, l'Avare, II, 2. Il y a quelques dégoûts avec un tel époux, mais cela n'est pas pour durer, Molière, ib. III, 8.

    Être pour, suivi d'un substantif, être du parti de. Je ne suis point pour Albe et ne suis plus pour Rome, Corneille, Hor. I, 1.

    Dieu est pour nous, Dieu nous protége.

    Être pour, être destiné à. Ceci, cette part est pour vous. Mes vœux sont pour vous. Sa dernière pensée a été pour vous. Ce que je dis n'est que pour le contenter.

    Être pour, être d'avis de. Vous hésitez ? Moi je suis pour la promenade.

    Être sans fortune, sans amis, n'avoir point de fortune, point d'amis.

    On dit de même être sans connaissance, sans vie, sans pitié, etc.

    Être… sans…, rester… sans… On fut quelque temps à la cour sans entendre parler des affaires d'Angleterre, La Fayette, Mém. cour de Fr. Œuvres, t. II, p. 390, dans POUGENS. On fut deux ans sans entendre parler d'elle, Genlis, Veillées du château t. I, p. 169, dans POUGENS.

    Vous n'êtes pas sans savoir… vous n'ignorez pas sans doute.

    Cela n'est pas selon la raison, selon la loi, selon les convenances, etc. cela n'est pas conforme à la raison, à la loi, aux convenances, etc.

    C'est selon, la chose dépend des circonstances.

    Être sous, dépendre de. J'étais sous un dur maître.

    Être sous, suivre les leçons de. J'étais sous tel professeur.

    Être sur, siéger sur, être placé sur. Être sur les tréteaux. Un grand causeur, s'il est sur les tribunaux, ne laisse pas la liberté de juger, La Bruyère, Théophr. 7.

    Être sur, s'occuper de quelqu'un, de quelque chose, en converser. … Nous étions tout à l'heure sur toi, Molière, le Dép. I, 2. Sur quoi en étiez-vous, mesdames, lorsque je vous ai interrompues ? Molière, Critique, 5. Vous êtes là sur une matière qui depuis quatre jours fait presque l'entretien de toutes les maisons de Paris, Molière, ib. 6. L'autre ouvrage considérable et qui n'est pas encore imprimé, est la traduction de Quinte-Curce, sur laquelle il [Vaugelas] avait été trente ans, la changeant et la corrigeant sans cesse, Pellisson, Hist. Acad. t. I, p. 300, dans POUGENS.

    Dans le langage de l'Écriture, la main de Dieu est sur… signifie le châtiment infligé par la colère divine. La main de Dieu fut sur lui, son règne fut court, et sa fin fut affreuse, Bossuet, Hist. I, 6.

  • 12Être que de, être de, être à la place de ; ne se dit qu'avec les conjonctions si ou quand. Quand je serais de vous, je ne le ferais pas davantage. Si j'étais que de vous et que j'eusse une nièce, Je saurais m'en défaire aussitôt…, Th. Corneille, Bar. d'Albikrac, IV, 7. Si j'étais que de vous, je lui achèterais dès aujourd'hui une belle garniture de diamants, Molière, Am. méd. I, 1. Mais enfin si j'étais de mon fils son époux, Je vous prierais bien fort de n'entrer point chez nous, Molière, Tart. I, 1. Je ne souffrirais point, si jétais que de vous, Que jamais d'Henriette il pût être l'époux, Molière, Femm. sav. IV, 2.
  • 13 Impersonnellement. Il est, c'est-à-dire il y a, on trouve. Il est des hommes que la résistance anime. Est-il puissance capable de contraindre la volonté ?

    Un coquin s'il en est, un coquin s'il en fut, se dit pour exprimer qu'un homme est aussi coquin qu'il est possible. Grand et hardi menteur s'il en fut jamais, Guez de Balzac, Lett. à Conrard, 28 avril 1653.

    Des grammairiens ont demandé s'il fallait écrire s'il en fut ou s'il en fût. Le verbe n'est pas au subjonctif, comme on le voit quand le verbe est un présent.

    Il est en… de, il est au pouvoir de… Il est en vous de l'éviter [la colère du ciel] par un prompt repentir, Molière, Festin, IV, 9.

    Il n'est pas en moi de faire telle chose, je n'ai pas le pouvoir de faire telle chose, ou bien mon caractère ne me le permet pas.

    Est-il, signifiant il est certain, ne s'emploie que dans des phrases construites ainsi : toujours est-il, or est-il. Vous soutenez cet homme, toujours est-il qu'il a commis une mauvaise action. Or est-il que j'en fais un tel fondement, que je ne vous rends pas même les devoirs ordinaires, Guez de Balzac, liv. VI, lett. 3. Or est-il que le Fils de Dieu a voulu choisir la parole pour être l'instrument de sa grâce, Bossuet, Prédic. 3.

    Il n'est rien de si beau que…, nulle chose n'est aussi belle que…

    Il est midi, une heure, trois heures, c'est-à-dire l'heure actuelle est midi, une heure, trois heures. Quelle heure est-il ? à l'heure qu'il est.

    Il est jour, il est nuit, il fait jour, il fait nuit.

    Il n'est que lundi, mardi, etc. nous ne sommes encore qu'à lundi, mardi. J'y reçus une de vos lettres ; et, quoiqu'il ne soit que lundi et que celle-ci ne parte que mercredi, je commence à causer avec vous, Sévigné, Lett. 19 juill. 1677.

    Ce qu'il peut être, autant qu'il peut être. Et Pompée est vengé ce qu'il peut l'être ici, Corneille, Pomp. v, 4.

    Il n'est que telle chose, c'est-à-dire il n'est rien de tel que, cela seul convient. Pour perdre des amants celles qui s'en affligent Donnent trop d'avantage à ceux qui les négligent ; Il n'est lors que la joie, elle nous venge mieux, Corneille, Mél. III, 5.

    Il n'est que de… c'est-à-dire le mieux est de… Il n'est que de prendre les choses comme elles viennent. Il n'est que d'être fin et de soir et de nuit, Régnier, Épît. II. Il n'est que d'être libre, et en deniers comptants, Régnier, ib. II. L'éclat d'un tel affront l'ayant trop décriée, Il n'est à son avis que d'être mariée, Corneille, Suite du Ment. I, 1. Ma foi, il n'est que de jouer d'adresse en ce monde, Molière, Mal. im Interm. I, sc. 6. Il n'est que d'entreprendre pour réussir, Exil de Cicéron, dans DESFONTAINES. Il n'est pour se haïr que d'être un peu parent, Boissy, Babillard, sc. 3. Il n'est que d'être roi pour être heureux au monde ; Bénits soient tes décrets, ô sagesse profonde, Qui me voulus heureux, et, prodigue envers moi, M'as fait dans mon asile et mon maître et mon roi, Chénier, Élég. XXIV. Il n'est que de s'entendre ; cet homme-là et moi sommes quasi d'accord, Courier, I, 282.

    Il n'est que de… signifie aussi : en fait de choses dont il s'agit, la meilleure vient de. Il n'est pommes que de Normandie. Il n'est pruneaux que de Tours.

    Il n'est pas que… avec ne, et le verbe suivant au subjonctif, il n'est pas supposable que… Il n'est pas que vous ne sachiez quelques nouvelles de cette affaire, Molière, l'Av. v, 2. Il n'est pas que vous n'ayez ouï parler du goût bizarre de cet empereur qui préféra les écrits de je ne sais quel poëte aux ouvrages d'Homère, Boileau, Dissert. sur Joconde.

  • 14Être, construit avec ce antécédent, voy. pour les règles de cette construction CE, à l'article et aux remarques.

    Ce se rapportant à une personne, à une chose, à une action déjà déterminée. C'est ce que je désirais. C'est bon. C'est vrai. Vous m'aviez bien promis des conseils d'une femme, Vous me tenez parole et c'en sont là, madame, Corneille, Cinna, IV, 4. Est-ce là ce beau feu, sont-ce là tes serments ? Corneille, Poly. v, 3. De grâce, est-ce pour rire, ou si tous deux vous extravaguez de vouloir que je sois médecin ? Molière, Méd. m. lui, I, 6. Hé parbleu ! je l'aurais pendue [citrouille] à l'un des chênes que voilà ; C'eût été justement l'affaire, La Fontaine, Fabl. IX, 4.

    Ce se rapportant à une personne, à une chose, à une action indiquée seulement dans la suite de la phrase. C'est moi qui l'ai dit. Qui de vous deux aujourd'hui m'assassine ? Sont-ce tous deux ensemble, ou chacun à son tour ? Corneille, Poly. v, 3. A-ce été sous mon nom que j'ai brigué l'empire ? Corneille, Pulch. III, 3. Mais est-ce un coup bien sûr que votre seigneurie Soit désenamourée ? ou si c'est raillerie ? Molière, Dép. amour. I, 4. Sont-ce encore des bergers ? - C'est ce qu'il vous plaira, Molière, Bourg. gent. I, 2. Sont-ce des vers que vous lui voulez écrire ? Molière, ib. II, 6.

    C'est… que, avec un substantif. C'est une plate composition que cette comédie, cette comédie est une plate composition. En un mot, c'est un ambigu de précieuse et de coquette que leur personne, Molière, Préc. I.

    C'est… que, avec un infinitif. Si ce n'est pas à moi trop de témérité que d'oser aspirer à l'honneur de votre alliance, Molière, la Pr. d'Él. v, 1. C'est une lâcheté que de se faire expliquer trop sa honte, Molière, le Fest. de P. I, 3. Vous moquez-vous ? ce serait être fou que d'aller parler à une statue, Molière, ib. III, 7.

    Est-ce que, se dit pour interroger. Est-ce que vous feignez d'ignorer ma naissance ? Rotrou, Herc. mour. IV, 2. Est-ce qu'on croit encor mon supplice trop doux ? Racine, Mithr. v, 4. Est-ce que de Baal le zèle vous transporte ? Racine, Athal. III, 3. Est-ce que vous avez un autre évangile à suivre ? Massillon, Car. Pet. nombre des élus.

    C'est à vous de… il vous appartient de… C'est à moi d'obéir, puisque vous commandez, Corneille, Poly. I, 4. C'est à moi de mourir, mais c'est à vous de vivre, Corneille, Théod. III, 3. C'est bien à vous de faire l'habile homme ! Molière, Am. méd. II, 4. C'est à moi de parler et d'être le maître, Molière, Méd. m. lui, I, 1. Ma fille, c'est à nous de montrer qui nous sommes, Racine, Iphig. II, 4. C'est à l'amour de rapprocher Ce que sépare la fortune, Rousseau J.-B. Cantate XIX. C'est à vous de frémir et non de l'accuser, Ducis, Hamlet, I, 2. C'est à vous à… il vous appartient de. C'est à vous à régler ce qu'il faut que je fasse ; C'est à vous, Émilie, à lui donner sa grâce, Corneille, Cinna, III, 3. C'est à monsieur à me mettre de la façon qu'il veut, Molière, Sicil. 12. C'est à vous à juger de son crime, Voltaire, Brutus, v, 5. Et ce n'est pas à vous à me croire inflexible, Voltaire, Alz. IV, 2.

    Ce n'est pas que… avec l'indicatif, signifie après tout. Ce n'est pas qu'il faut quelquefois pardonner à celui qui, avec un grand cortége, un habit riche et un magnifique équipage, s'en croit plus de naissance et d'esprit : il lit cela dans la contenance et les yeux de ceux qui lui parlent, La Bruyère, II.

    On aura le même sens avec le subjonctif précédé de ne. Ce n'est pas qu'il ne faille quelquefois pardonner…

    Ce n'est pas que, avec le subjonctif, signifie aussi : on ne doit pas dire, prétendre à cause de cela. Ce n'est pas qu'il faille renoncer au monde.

    Ce que c'est que de… , à quoi aboutit… , voilà le sort. Ce que c'est que de nous ! Voyez ce que c'est que du monde aujourd'hui, Molière, l'Ét. I, 9.

    Voilà ce que c'est, voilà en quoi consiste la chose, voilà ce dont il s'agit ; et aussi quelquefois : la chose est faite maintenant comme il convient.

    C'est-à-dire, voy. DIRE.

  • 15Soit ! expression elliptique d'assentiment. Vous le voulez ; soit ! j'irai avec vous.

    Ainsi soit-il ! formule qui termine certaines prières.

    Expression de souhait. Sois-je du ciel écrasé, si je mens ! Molière, Mis. I, 2. Jésus soit notre joie ! Bossuet, 3 Purif. Son sang soit sur nous et sur nos enfants, Bossuet, Hist. II, 10.

    Elliptiquement. Soit fait selon votre volonté, c'est-à-dire qu'il soit fait… Entre nous soit dit. Soit dit confidemment, je crois qu'il est jaloux De tous les sentiments qui m'attachent à vous, Gresset, Méchant, v, 5.

    Soit, conjonction, voy. SOIT.

  • 16 Elliptiquement. N'était, n'eût été, si ce n'était, si ce n'eût été. N'était, n'eût été que je suis votre ami. N'était l'amitié que j'ai pour vous. Et encore n'était le hasard et la perte, Je voudrais…, Régnier, Ép. II. Mais par ma foi, madame, n'était que je lui ai déjà vu jouer mille fois le même rôle, je ne saurais qu'en dire, Baron, Homme à bonnes fort. III, 2.

    Fût-il… quand même il serait… On résolut sa mort, fût-il coupable ou non, La Fontaine, Fabl. x, 2. Fût-elle mon ennemie, je la louerais de même, Genlis, Ad. et Théod. t. III, lett. 40, p. 279, dans POUGENS.

    Ne fût-ce… que, quand ce ne serait que… Despréaux est pour eux une grande autorité, ne fût-ce que parce qu'il est mort, D'Alembert, Latin des modernes.

  • 17Cela étant, vu que la chose est ainsi. Et cela étant, qui doute qu'il ne fallût faire des prières générales ? Guez de Balzac, liv. I, lett. 5. Cela étant, Valère mon maître n'a plus qu'à chercher fortune ailleurs, Lesage, Crisp. riv. de son maître, sc. 2.

    Étant ou en étant, dans une construction absolue, c'est-à-dire ne se rapportant ni au sujet ni au régime de la phrase. Roquebrune n'était pas d'avis qu'on le reçût, en étant des poëtes comme des femmes, Scarron, Roman comique, III, 5. Je n'ai parlé que des noms communs, étant indubitable que c'est fort bien parler que de dire…, Lancelot, Gramm. génér. II, 10. Je dis qu'étant impossible que Dieu emprunte rien du dehors, il ne peut avoir besoin que de lui-même pour connaître tout ce qu'il connaît, Bossuet, Libre arb. 3. Vous ne pouvez différer, étant important de ne vous pas arrêter davantage, Bossuet, Lett. quiét. 477. Nous étant défendu de fixer notre cœur à la terre, la situation doit nous paraître la plus souhaitable, Massillon, Car. Prosp.

    Étant se rapportant au régime. On connaîtra que, n'étant autre chose qu'un poëme ingénieux, on ne saurait le censurer sans injustice, Molière, Tart. Préf.

  • 18Être s'emploie comme auxiliaire des verbes passifs (en ses temps simples et composés : je suis aimé, j'ai été aimé), et d'un grand nombre de verbes neutres (seulement en ses temps simples : je suis venu, j'étais venu. Cependant on pourrait dire : Il devait venir quand j'aurais été parti). Cicéron fut exilé de Rome. Le pont a été emporté par la débâcle. Il est sorti d'Abraham. Ils sont tous morts. Je vous aurais trouvé si je fusse venu à temps. … [l'ours] Vivait seul et caché ; Il fût devenu fou ; la raison d'ordinaire N'habite pas longtemps chez les gens séquestrés, La Fontaine, Fabl. VIII, 10.

    Il est aussi auxiliaire dans tous les verbes réfléchis, directs ou indirects, mais seulement avec ses temps simples. Il s'est emparé de la ville. Elle s'est cassé le bras. Ils se sont blessés en jouant. Chez ces gens pour toujours il [le follet] se fût arrêté, La Fontaine, Fabl. VII, 6.

  • 19Être se dit pour aller, quand on est allé dans un lieu et qu'on en est revenu ; ce qui fait voir qu'en ce sens être a d'abord gardé sa signification naturelle ; il est allé à Rome exprime simplement qu'il a fait le voyage de Rome, sans dire s'il est de retour ; il a été à Rome exprime qu'il est revenu ; être pour aller ne s'emploie qu'aux temps passés : je fus, j'ai été, j'aurai été, j'aurais été, je fusse, ayant été. J'ai été premièrement tout contre l'arsenal au bout du faubourg St-Germain, du faubourg St-Germain au fond du Marais, Molière, Am. méd. II, 3. Mon cheval a fait tout cela aujourd'hui, et de plus j'ai été à Ruel voir un malade, Molière, ib. La comédie de Racine m'a paru belle, nous y avons été, Sévigné, à Mme de Grignan, 15 janv. 1672.

    C'est abusivement qu'on emploie être pour aller en d'autres circonstances ; cependant, dans l'usage vulgaire, on se sert souvent de je fus et j'ai été au sens d'aller avec un infinitif suivant ; et on en trouve des exemples dans d'excellents auteurs et dans de très anciens textes. Il fut recevoir le corps de son frère jusqu'à Pavie ; son frère n'avait été qu'une journée au-devant de lui, Perrot D'Ablancourt, Tacite, 134. Et nous fûmes coucher sur le pays exprès, C'est-à-dire, mon cher, au fin fond des forêts, Molière, Fâcheux, II, 7. À peine ai-je été les voir trois ou quatre fois, depuis que nous sommes à Paris, Molière, Impromptu, 1. Je fus retrouver mon janséniste, Pascal, Prov. 1. Elle fut au-devant d'elle les bras ouverts, Sévigné, 17. Quand un Porphyre, quand un Julien l'apostat, ennemis d'ailleurs des Écritures, ont voulu donner des exemples de prédictions prophétiques, ils les ont été chercher parmi les Juifs, Bossuet, Hist. II, 5. Il prit deux perdrix et fut chez sa maîtresse, Hamilton, Gramm. 4. Si on eût eu à chercher un homme heureux, on l'eût été chercher bien loin de lui et bien plus haut, mais on ne l'y eût pas trouvé, Fontenelle, Varignon. Tu ceignis en mourant ton glaive sur ta cuisse, Et tu fus demander récompense ou justice Au Dieu qui t'avait envoyé, Lamartine, Méd. II, 7.

PROVERBES

On ne peut pas être et avoir été, on ne peut être vieux et jeune tout ensemble.

Il faut être tout un ou tout autre, il faut avoir une conduite, une manière de penser décidée.

REMARQUE

1. Être se conjugue avec l'auxiliaire avoir : J'ai été, et non je suis été ; ce que dit l'italien : io sono stato ; italianisme qui au XVIe siècle essaya de se glisser.

2. Ce furent mes sœurs qui y allèrent. L'euphonie fait admettre le singulier dans les locutions interrogatives : Fut-ce mes sœurs qui le firent ?

3. Les constructions du verbe être suivant que le sujet est au singulier ou le complément au pluriel, et vice versa, présentent de l'embarras. Il y a trois cas : 1er cas. Un sujet au singulier avec un complément au pluriel, et le verbe au singulier. Une tragédie doit être des passions parlantes, Voltaire, Lett. d'Argental, 12 mars 1740. Cette construction ne fait pas difficulté. 2e cas. Un sujet au singulier, avec un complément au pluriel, et le verbe au pluriel. Le reste des hommes sont des coquins, Pascal, Imag. 8. Tout ce que je vois ne sont que de vains simulacres, Bossuet, Brièveté. L'effet du commerce sont les richesses, la suite des richesses, le luxe, Montesquieu, Espr. XX, 6. La seule chose qui les surprenne [les éléphants] sont les pétards qu'on leur lance, Buffon, Éléphant. Sa nourriture ordinaire sont des fruits, des amandes, des noisettes, de la farine et du gland, Buffon, Écureuil. Tout cela ne sont que des arguties et des subtilités, Rousseau, Prom. 3. Cette construction est archaïque, et aujourd'hui, dans des cas pareils, on met de préférence le verbe au singulier. 3e cas. Un sujet au pluriel, avec un complément au singulier et le verbe au singulier. Et deux ans, dans le sexe, est une grande avance, Molière, Mélic. I, 4. Quatre ou cinq mille écus est un denier considérable, Molière, Pourc. III, 9. Ici deux ans, quatre ou cinq mille écus sont considérés chacun comme un chiffre unique, et le sens entraîne avec soi d'une façon naturelle la construction du verbe au singulier.

4. L'Académie remarque à propos du verbe être que les grammairiens (et il vaudrait mieux mettre : quelques grammairiens) l'appellent verbe substantif. Cela est vrai ; mais il aurait fallu ajouter : 1° qu'ils lui donnent ce nom par opposition à tous les autres verbes, qu'ils nomment verbes adjectifs ; 2° que, dans tous les cas, ces deux dénominations sont fort mauvaises, puisque substantif et adjectif désignent deux espèces de mots, et verbe une troisième ; et que le rapprochement de ces mots contradictoires n'a absolument aucun sens ; 3° que Dumarsais, considérant que tout verbe se résout dans le verbe être suivi de son participe présent, appelait être le verbe simple ou absolu, et tous les autres des verbes composés ; 4° que ces mots entraînaient une confusion, puisque, à un autre point de vue, mettre est un verbe simple, et admettre, commettre, etc. des verbes composés ; 5° que Beauzée a trouvé le véritable nom en appelant être le verbe abstrait ; et alors tous les autres verbes sont concrets, comme réunissant au sens du verbe être celui de leur participe ; ou attributifs, parce que ce participe commence l'attribut dans la proposition où ils entrent.

HISTORIQUE

IXe s. Nul plaid qui cist meon fradre Karle in damno sit [qui soit en dommage à ce mien frère Charle], Serment. In nulla aiudha [en nulle aide] contra Lodhuwig non li vi [y] er [serai], ib.

Xe s. Buona pulcella fut Eulalia, Eulalie. Chi [qui] rex eret [était] à cels dis [à ces jours] sovre pagiens, ib. Por o [pour cela] s' furet [fuerat] morte à grant honestet, ib. Seit niuls, Frag. de Val. p. 467. Et si fu co [cela], ib. p. 467. E eret [était] mult las, ib. p. 468. Si astreient [seraient] li Judei perdut, si cum il ore sunt, ib. p. 468. E io ne dolreie [je ne serais pas affligé] de tanta millia hominum, si perdut erent [seront] ? ib. p. 469. Quand il se erent convers [quand ils se seront convertis] de via sua mala, ib. p. 469. Seietst [soyez] unanimes in dei servitio, ib. p. 469.

XIe s. Si ceo fust u evesqué u abeïe, Lois de Guil. 1. À grant dolur ermes [nous serons] hoi desevrez [séparés], Ch. de Rol. CXLV. [Des pechés] Que je ai fait dès l'hore que nés [je] fui, ib. CLXXII. Il ne pot [peut] estre [il est impossible] qu'il seient desevrez, ib. CCLXXXVI. Mais li quens Guenes. se fut bien pourpenset, ib. XXXII. N'est hom quil [qui le] veit e conoistre le sait, Qui ce ne die…, ib. XXXIX. De là [ils] s'en furent [s'en allèrent] pour la chrestientet, ib. LIII. Se vous mourez, esterez sainz martirs, ib. LXXXVII. Set ans touz pleins ad ested en Espeigne, ib. I. Li reis Marsil esteit en Saragoce, ib. II. Que nous seiuns conduit à mendier, ib. Quant chascuns ert [sera] à son meillor repaire, ib. IV. Charles serat ad Ais à sa chapele, ib. Dient paien : ainsi puet-il bien estre, ib. Là où cis [ceux-là] furent, des autres i ot bien, ib. VIII. S'est qu'il demandet [s'il y a quelqu'un qui le demande], ne l'esteut [il n'est besoin de] enseigner, ib. Seit qui l'ocie, toute pais puis auriumes, ib. XXVIII.

XIIe s. Ah ! rois de gloire, tu soies mercié, Ronc. p. 160. À dame Deu soiez…, ib. p. 17. S'il est qui croire veuille ma volonté, ib. p. 20. Qui mout sont à prisier, ib. p. 30. Là s'est armez li cortois Olivier, ib. p. 49. Sempres morrai, mais cher me sui venduz, ib. p. 93. Tant a esté [tant est allé], [que] devant la tour antie Est descenduz voyant sa baronie, ib. p. 115. D'une grant terre qui fu au roi Orsaire, ib. p. 145. Si [je] m'i confort [en son souvenir], quant ele m'est lointaine [absente], Couci, VIII. Mais itant fu à moi reconforter Que, nuit et jour, en plorant [je] la remir [regarde], ib. x. Mais il convient qu'à sa volonté [je] soie, ib. XX. D'hui cest jour en un an soiez prest d'ostoier [entrer en campagne], Sax. XVI. Comment vous a esté entre la gent foraine [étrangère] ? ib. XX. Mult nota les paroles que li quens respundi, Pur ço que li quens ert [était] cusins al rei Henri, Et erent d'un conseil et durement ami, Th. le mart. 51. Se vus nel delivrez, nus sumes mal bailli : Li reis e saint iglise e nus iermes [serons] huni, ib. 12. Et quant vous estes eschapé Et li besoin sont trespassé, Dont ne vous est gaires de nous [vous ne vous souciez guères de nous], Roman de Brut, v. 6346. Mon tré [tente] tendez en milieu del mostier, Et en ces porches esseront mi sommier, Raoul de C. 150. Et jo li serrai pur pere, e il me serrad pur fiz, Rois, p. 144. Uns hom astoit en la terre Us, ki out num Job, Job, p. 441.

XIIIe s. Quant nous fusmes [allâmes] au bois arcoier et joier, Alexandre, dans DU CANGE, arcuare. La dame à qui je sui, s'el me velt retenir, Vidame de Chartres, Romancero, p. 114. Jà pour autre ne me devra guerpir [quitter], Quant el saura com je lui ai esté Fins et verais, courtois, sans repentir, Le Comte D'Anjou, ib. p. 124. Et tout cil qui avoient devant esté contre lui estoient ce jour à sa volenté, Villehardouin, LXXXVI. Il i avoit un Grieu [Grec] qui miex estoit de l'empereour que tuit li autre, Villehardouin, XCVII. Ensi demorerent huit jors pour atendre les nes [vaisseaux] qui encore estoient à venir, Villehardouin, LXI. Ilec troverent Guillaume de Braiecuel et cex qui avoec lui estoient, qui mout estoient à grant paor, Villehardouin, CXXXVIII. Tant se travailla Jofrois li mareschaux à l'aide des barons qui estoient dou conseil au marchis, Villehardouin, CXX. Et de corone d'or [je] fui par vous coronnée, Berte, XVI. Si [elle] saignoit com ce fust perceüre de clou, ib. XXXII. Ainsi com vous orrez [ouïrez], s'il est qui vous le die, ib. LX. Dame, ce dist Constance, si soit com dit avez, ib. CXXXII. Pour ce qu'il ert [était] divenres [vendredi]…, ib. I. Vers le lion [il] s'en va, ou soit sens ou folie, ib. II. Ne soiez vers les pauvres ne sure [aigre] ne amere, ib. IV. Sire, fait-ele, c'estroit [ce serait] lait, Lai de l'ombre. Et tant furent ensamble qu'il en ot un filg et une fille, Chr. de Rains, p. 9. Et li rois respondi que li legas disoit sa volenté, ne ne savoit pas à quoi ce montoit : car Sarazin estoient moult sage et estoient sour le leur, et bien veoient lor meillour quant temps et lius en estoit, ib. p. 101. Sire, ormais n'est que dou haster la besoigne, ib. p. 51. Evain en son cuer porpensoit Que s'ele encor une en avoit, Plus belle estroit la compaignie, Ren. 61. Car c'est cele qui la bonté Me fist si grant qu'ele m'ouvri Le guichet del vergier flori, la Rose, 1264. Je t'enseignerai bien autre hui ; Autre, non pas, mès ce meïsmes, Dont chascun puet estre à meïsmes [être à même], Mès qu'il prengne l'entendement D'amors ung poi plus largement, ib. 6462. Trop sunt dolentes et confuses Pucelles qui sunt refusées, ib. 5860. Avis m'iere [m'était] qu'il estoit mains [matin], Il a jà bien cincq ans, au mains [au moins], En mai estoie, ce sonjoie, El tems amoureus plain de joie, ib. 45. Enciez [avant] qu'il vint, si m'escria : Vassal, pris ies [tu es], noient n'i a Du contredire, ne defendre, ib. 1694. Il fu que [il y eut un temps où] toutes les bonnes viles et li castel de Lombardie furent à l'empereur de Romme, en son domaine, et tenues de li, Beaumanoir, XXX, 64. Aucuns dons et pramesses porroient estre convenencié qui ne seroient pas à tenir, Beaumanoir, VI, 24. Donques quant plusor parchonier ont compaignie en tix [tels] heritages, il doivent estre à ferme ou à loier, Beaumanoir, XXII, 4. Tout soit il ainsi que commune renommée keure [coure] entre une feme qui est en mariage, qu'ele est bien de plusors homes carnelment, Beaumanoir, XVIII, 4. S'on esperoit qu'il se fust tués par aucune maladie, par le [la] quele il ne fust pas à soi, si oir [ses héritiers] ne doivent pas perdre ce qui de li vient, Beaumanoir, LXIX, 10. Nous en sons [sommes] bien entré en voie, N'i a si fol que ne le voie, Quant Constantinoble est perdue, Rutebeuf, 101. Un chevalier qui estoit à monseigneur Erart de Brene, Joinville, 244. Sire, il me semble que il iert [sera] bon que vous retenez les formens et les orges et les ris, Joinville, 216. Et dit l'en que nous estions trestous perdus dès celle journée, se le cors le roy [le roi de sa personne] ne feust [ne se fût trouvé là], Joinville, 227.

XIVe s. Quant nous avons communellement delettacion en aucune chose, c'est signe que nous suymes [sommes] à telles choses enclins, et quant nous avons tristesce en aucunes choses, c'est signe que nous suymes enclins à l'opposite, Oresme, Eth. 55. S'ainsi sons [nous sommes] pris au broi [piége], s'iert [ce sera] de grant lachetey, Girart de Ross. v. 3270.

XVe s. Orai-je un petit d'escusance De ce quelors trop jones ere [j'étais] Et de trop ignorant maniere, Froissart, Espinette amoureuse. Et tel que fui, encor le sui, ib… Beau fieulz, es-se [est-ce] Belle chose de bien ouvrer ? Froissart, ib. Or, regardez si je disoie bien voir [vrai], veez là les vingt six mille hommes d'armes ; si ils sont trois mille lances, ils sont cent mille, Froissart, II, Il, 212. Ainsi estoient menacés les Anglois par les François, et donnoient grand marché, et montroient par leurs paroles que tout fut à eux, Froissart, II, IÏI, 40. Lors demanda le roy à son conseil qu'il estoit de faire, Froissart, I, I, 51. Et quant le jour du parlement qui estoit assigné à Mons, fut venu, ils y furent, Froissart, I, I, 101. Et sachez que, si ne fussent les gentils hommes qui dedans Aubenton estoient et qui la gardoient, elle eut esté tost prise et d'assaut, Froissart, I, I, 103. Sitost que le jour fut…, Froissart, I, I, 144. Quand messire Aghos des Baux sentit que ceux de la Reole se vouloient rendre, il ne voulut oncques estre à leur traité, mais se partit d'eux, Froissart, I, I, 237. Votre capitaine où est-il ? ne veut-il point estre de ce traité, ib. Si avoit un frere par son pere qui avoit esté [feu son père], ID. I, I, 147. Il ne peut estre que en un tel ost que le roi d'Angleterre menoit, qu'il n'y ait des vilains garçons et des malfaiteurs, ID. I, I, 272. Et fit depuis si grands prouesses [Watelet de Mauny] qu'on n'en pourroit savoir le nombre, si comme vous orrez avant en l'histoire, s'il est qui vous le die, Froissart, I, I, 46. Tu es l'aisné fils du roi, auquel, par la grace de Dieu, tu es à succeder, et es à estre notre roi et seigneur, Monstrelet, I, 48. Et les aucuns disoient que le duc de Baviere avoit laschement faict qu'il n'avoit tué le duc de Bourgongne soudainement et s'en estre allé en Allemaigne, et il n'en eust plus esté, Juvénal Des Ursins, Charles VI, 1413. Et eussent les choses esté plus triumphantes, se n'eust esté le temps, qui moult fut mal advenant, J. de Troyes, Chron. 1482. Ce mout doutoit le roy, qui estoit tourné contre luy, et plus lui en estoit que de tous les aultres à qui il avoit à faire, Fenin, 1413. Et de tels y en eut qui bien se doubtoient de ce qui en estoit, mais rien n'en dirent à present, ID. 1407. Et sagement savoit jeter son regard et ses semblans, que nul n'apperceust où son cœur estoit, Boucic. I, 8. Qui, pour le moins, ay tousjours esté des chambellans [de Louis XI], Commines, Prol. Le quel me print en son service, et fut l'an mil quatre cens soixante quatre, Commines, I, 1. Et faisoit le cas si enorme que nulle chose qui se peut dire à ce propos pour faire honte et vitupere à un prince, ne fust qu'il ne dist, ib. Mon cousin, vous soyez le très bien venu, ID. IV, 10. Moult se tenoit bienheureux de ce qu'il pouvoit estre bien d'icelle [être bien avec elle], Perceforest, t. I, 1, f° 66.

XVIe s. D'estre assis je n'ai plus d'envie : Il n'est que d'estre bien couché, Marot, II, 247. Et fusse Helaine au gracieux maintien, Qui me vinst dire, amy, fais mon cueur tien, Je respondrois : point ne seray muable, Marot, II, 398. Les fons du temple estoit une fontaine, Où decouroit un ruisseau argentin, Marot, I, 182. Bref, fust de nuict ou fust de jour, Je ne songeois rien que l'amour, Du Bellay, J. VII, 23, verso. Prenez le cas que cinq ou six hyvers Soi'nt jà passez, et qu'avec longue peine Ils soi'nt venus en accroissance pleine, Du Bellay, J. VII, 23, verso. Soyez doux et clement, la doulceur te doit plaire, Du Bellay, J. VIII, 41, verso. [Socrate se retiroit avec fierté] regardant tantost les uns, tantost les aultres, amis et ennemis, d'une façon qui encourageoit les uns et signifioit aux aultres qu'il estoit pour vendre bien cher son sang et sa vie à qui essayeroit de la lui oster, Montaigne, III, 6. N'estoit que… [si ce n'est que], Montaigne, I, 7. Estre d'avis que…, Montaigne, I, 14. Le roy qui est à present [qui règne], Montaigne, I, 16. Ce sont vices toujours conjoincts, Montaigne, I, 22. C'estoient les formes vrayement romaines, Montaigne, I, 24. Est ce à toy de nous gouverner ? Montaigne, I, 89. Il est en nous de… [nous pouvons], Montaigne, I, 115. Il nous faudroit des topographes qui nous feissent des narrations des endroicts où ils ont esté, Montaigne, I, 234. Puisque nous en sommes sur le froid, Montaigne, I, 261. Pompeius le feut veoir, Montaigne, I, 301. Satan est l'adversaire qui machine nostre ruine, le peché est les armeures desquelles il use pour nous opprimer et meurtrir, Calvin, Inst. 728. Qu'est-ce autre chose que… ? Calvin, ib. 701. Si ne feront-ils jamais tant par leur belle rhetorique, qu'une mesme chose soyent deux, Calvin, ib. 61. Estes vous encore à savoir que les femmes n'ont amour ni regret ? Marguerite de Navarre, Nouv. XXXII. Le pauvre gentilhomme ne savoit où il en estoit [qu'en penser], Marguerite de Navarre, ib. LIII. Madame fust hyer disner aux Loges, dont elle s'est bien trouvée, Marguerite de Navarre, Lett. 68. Je feusse plus toust partie, n'eust esté la grant envie que j'avois de voir Chumbert, Marguerite de Navarre, ib. 152. Le cardinal d'Armaignac a esté à la mort, abandonné des medecins, Marguerite de Navarre, ib. 142. Ils demeurerent long temps muets, comme si fussent esté des images, Yver, p. 636. Le guet nous prit, j'en fus pour mes trois jours au Chastelet, D'Aubigné, Faen. II, 11. Il n'est pas que vous n'aiez veu un sonnet à sa louange qui a fort couru, D'Aubigné, ib. II, 12. Ce lict m'est un tombeau, puis qu'ils [les martyrs protestants] n'ont point de tombeaux, D'Aubigné, Hist. I, 132. A il jamais esté que les tyrans, pour s'asseurer, n'aient… ? La Boétie, 61. Toujours il a esté que cinq ou six ont eu l'oreille du tyran, La Boétie, 62. Il n'est pas qu'eux mesmes ne souffrent quelques fois de luy, La Boétie, 65. Et faire que ma cité n'ait point faute d'aucune chose qui soit pour l'embellir et orner, La Boétie, 199. Il avoit abandonné à piller à ses soudards quelques vases d'or qui avoient anciennement esté à Alexandre le grand, Amyot, P. Aem. 38. Un peu avant que je fusse la premiere fois à Athenes, on dit qu'il y advint une telle chose, Amyot, Démosth. 45. Et si Heraclides par envie a esté desloyal et meschant, est ce pourtant à dire que Dion par courroux doive maculer sa vertu ? Amyot, Dion, 59. [Voyant tout cela] il se tourna devers ses familiers, et leur dit : C'estoit estre roy cecy, à vostre advis, n'estoit pas ? [n'est-ce pas ?], Amyot, Alex. 37. La premiere chose qu'on leur donna, furent du sel et des lentilles, Amyot, Crassus, 38. Les Egyptiens disent qu'il fut aussi en leur païs, Amyot, Lyc. 6. Qu'il ait esté en Afrique et en Espagne et jusques aux Indes, je ne sache personne qui l'ait escrit, Amyot, ib. Si j'estois à renaistre au ventre de ma mere, Ronsard, 810. …E+ par esclats les lances acerées Furent toucher les voutes etherées, Ronsard, 619. Car l'amour et la mort n'est qu'une mesme chose, Ronsard, 304. …Pour faire voir clairement à chascun Que les vortus et les dames n'est qu'un, Ronsard, 765. La perte des grands rois sont les langues flateuses, Ronsard, 663. L'impudence aujourd'hui sont les meilleures armes Dont on se puisse aider…, Ronsard, 978. Une autre branche de la dissolution, sont les excez de table, et tenir grand equipage, Lanoue, 16. Ils repliqueront que ce que j'ay allegué sont conseils evangeliques et non preceptes obligatoires, Lanoue, 75. Une des plus singulieres choses qu'on remarque en France, sont les beaux edifices dont les campagnes sont parsemées, Lanoue, 166. La seconde cause furent les voyages qui s'entreprirent pour la conqueste de la terre saincte, Lanoue, 228. Plusieurs choses qui se firent alors et qui arriverent, fut plus par hazard et inopinément quasi que par conseil, Lanoue, 652. Le dit sieur de Vieilleville fut [alla] estrader avesques 200 salades, Carloix, II, 13.

ÉTYMOLOGIE

Bourguign. Être ; Berry, je seus, je suis ; provenç. esser ; catal. esser, ser ; espagn. et portug. ser ; ital. essere ; d'une forme latine barbare essere, pour esse, être, du radical es ou as, qui fait aussi, dans le grec ἐστὶ, ἐσμὲν, etc. dans l'allemand ist, et dans le sanscrit asmi, le verbe abstrait. Le verbe être est formé de trois verbes latins différents : 1° esse, qui a donné l'infinitif estre, le présent je suis, tu es, il est, nous sommes, vous êtes, ils sont, le subjonctif je sois, le futur je serai, le conditionnel je serais ; 2° fuo, qui a donné le prétérit je fus et le subjonctif je fusse (voy. FUS, pour l'étymologie) ; 3° stare, qui a donné l'imparfait j'estois, le participe présent estant, et le participe passé esté (voy. le verbe ESTER). D'après Vaugelas, qu'il soit, qu'ils soient se prononçait sait, saient ; c'est une prononciation usitée encore en Normandie. L'ancienne langue, à côté de l'imparfait estoie, avait un autre imparfait ere ou iere qui représente le latin eram, et, à côté du futur serai, elle avait un autre futur ere ou iere qui représente le latin ero. Dans le latin barbare esse-re, re provient d'une assimilation faite mal à propos avec les verbes en ĕre ; car déjà, dans es-se, se représente ce re.

SUPPLÉMENT AU DICTIONNAIRE

1. ÊTRE. Ajoutez :
20Être, avoir été, à l'infinitif, pris substantivement. Le seoir est aussi naturel que l'étre debout ou le marcher, Malherbe, Lexique, éd. L. Lalanne. Ce qui est plus assuré, c'est l'avoir été, Malherbe, ib.

REMARQUE

5. Vous n'étiez pas encore quand… se dit pour signifier : Vous n'étiez pas encore né quand… (voy. au Dictionnaire ÊTRE 1, au num. 2). J. J. Rousseau a étendu cette locution au présent avec emploi affirmatif. L'envie et la haine sont maintenant contre moi à leur comble ; elles diminueront… alors, si je suis encore, vous me servirez et l'on vous écoutera, Lett. à Moultou, 22 juin 1762. Cela est moins conforme à l'usage, mais se comprend et est correct.

ÉTYMOLOGIE

Ajoutez : L'imparfait j'estois est dit provenir du latin stabam ; c'est une erreur qu'il faut corriger, d'après ce qui est dit dans l'Hist. de la langue franç. t. II, p. 201 : « J'estois, tu estois, il estoit a été tiré, sans contestation aucune, de stabam, stabas, stabat ; en effet la dérivation est correcte, et il ne serait possible d'élever aucun doute, sans le dialecte normand, qui offre, si je puis user de ce terme, un réactif plus délicat et qui fait apparaître le véritable élément. Le verbe stare est de la première conjugaison ; par conséquent, son imparfait, que l'on suppose être devenu celui du verbe être, confondu, il est vrai, dans les autres dialectes sous une forme commune, s'en dégagerait dans le dialecte normand, et ferait je estoe, tu estoes, il estot. Or il n'en est rien, et cet imparfait du verbe être y est toujours je esteie, tu esteies, il esteit, désinences caractéristiques des autres conjugaisons et ici, en particulier, de la troisième. Je esteie ou je estoie, suivant les dialectes, est imparfait régulier de l'infinitif étre, verbe de la troisième conjugaison et dérivé d'un bas-latin estere, qui prévalut dans les Gaules, au lieu de essere (pour le changement de ss en st comp. l'anc. franç. tistre, de tessere, dit pour texere). Le verbe stare a son représentant qui fait à l'infinitif ester et à l'imparfait, dans les autres dialectes, je estoies, tu estoies, il estoit, mais dans le normand je estoe, tu estoes, il estot, aussi distinct ici, par la forme que par le sens, de l'imparfait du verbe substantif. »