« accord », définition dans le dictionnaire Littré

accord

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accord

(a-kor ; le d ne se lie pas : un accord harmonieux, a-ko-r harmonieux. L's du pluriel ne se lie pas davantage : des accords harmonieux, des a-ko-r harmonieux. Cependant, d'après une autre prononciation, l's se lie : des a-kor-zharmonieux) s. m.
  • 1Réunion des cœurs ou des esprits sur un même point, assentiment. L'accord des sentiments et des volontés. Le bon accord entre parents. Ces frères passèrent leur vie dans un parfait accord. Comme par un accord général.
  • 2Être d'accord, s'entendre, être du même avis. Les moins sévères lois en ce point sont d'accord, Corneille, Hor. V, 3. Ils sont parfaitement d'accord entre eux, Fénelon, Tél. VI. Quoiqu'ils parussent n'être jamais d'accord en rien, Fénelon, Tél. XII. Quand deux personnes qui pensent sont d'accord sans s'être donné le mot, il y a beaucoup à parier qu'elles ont raison, Voltaire, Lettre à d'Alembert. Je devrais bien plutôt d'accord avec les dieux…, Voltaire, Œd. V, 2. Je ne suis pas si bien d'accord avec vous du jugement que vous faites de nos deux poëtes, Voiture, L. 187.
  • 3Être d'accord de, consentir à. Quels que soient ses mépris, peignez-vous bien sa mort, Madame, et votre cœur n'en sera pas d'accord, Corneille, Perth. II, 1. Toute votre justice en est-elle d'accord ? Corneille, Cid. V, 8.
  • 4Être d'accord, confesser, reconnaître. Le roi même est d'accord de cette vérité, Corneille, Cid, IV, 2. César est généreux, j'en veux être d'accord, Corneille, M. de Pomp. V, I. Qu'aux pressantes clartés de ce que je puis être, Lui-même soit d'accord du sang qui m'a fait naître, Molière, Amph. III, 5. Vaillant, j'en suis d'accord, mais vain, fourbe, flatteur, Rotrou, Venc. I, 1. Autant qu'il est d'accord de vous avoir aimée, Molière, Amph. II, 6.
  • 5Être d'accord, être conclu, arrangé. Je vais appeler mon père pour lui dire que tout est d'accord, Molière, Le Mar. forcé, 16. Mon affaire est d'accord, Corneille, Ment. III, 1.

    Voltaire condamne cette expression, prétendant qu'elle ne se dit que des personnes ; mais on dit : Tout est d'accord, et cela justifie Corneille.

  • 6Être d'accord, s'accorder avec, être concordant. La forme du corps et le tempérament sont d'accord avec la nature, Buffon, le Chat.
  • 7Tomber d'accord, s'accorder, consentir à, reconnaître. Si son père et le mien ne tombent point d'accord, Corneille, Ment. V, 4. Ces cœurs en sa faveur tombent soudain d'accord, Corneille, Théod. IV, 4. J'en ai fait tomber d'accord ma mère, Sévigné, 247. Je tombe d'accord que c'est un bœuf, Hamilton, Gramm. 7.

    Marg. Buffet, dans ses Observ. p. 32 (en 1668), prétend que : Il est tombé d'accord de cette affaire, est une locution vicieuse, et qu'il faut dire : Il est demeuré d'accord. Il est certain qu'elle est bizarre et peu facile à expliquer. Tomber d'accord, c'est comme si on disait tomber du même avis ; et il faut prendre tomber dans le sens de cette phrase-ci : Cela tomba parfaitement pour lui. Les puristes du XVIIe siècle ne voulaient pas recevoir cette locution qui alors n'était pas fort ancienne, mais qui, on le voit, était employée par Corneille. L'usage l'a confirmée. Pourtant demeurer d'accord n'est sujet à aucune objection.

  • 8Demeurer d'accord, avouer, reconnaître. Il faut demeurer d'accord que ce terme était familier aux spirituels, Bossuet, Or, 6. Pour demeurer d'accord de sa capacité, Molière, Méd. m. lui, I, 5. On doit demeurer d'accord que les Français ont quelque chose en eux de poli, de galant, que n'ont point les autres nations, Molière, Sic. 14. Je demeure d'accord que je trouve bien mieux mon compte avec l'un qu'avec l'autre, Molière, Pr. d'El. II, 2e interm. Une grâce dont il faut que vous demeuriez d'accord, Molière, Les Préc. 5. J'en demeure d'accord, Corneille, Ex. d'Hor. Il demeure d'accord de tout, Sévigné, 44. Il ne pouvait demeurer d'accord de ce que le fils d'Ulysse lui disait, Fénelon, Tél. XXIII.
  • 9D'accord, loc. adv. j'en conviens, j'y consens. Eh bien ! d'accord, j'ai commis une faute.
  • 10Mettre d'accord, accorder. J'y veux mettre d'accord l'amour et la nature, être père et mari dans cette conjoncture, Corneille, Nic. IV, 3. Le feu, l'air et le temps, les enfers et le sort, Pour nous faire périr, se sont tous mis d'accord, Mairet, M. d'Asdrub. I, 3. Mettez-nous d'accord, monsieur, Molière, Festin de pierre, II, 5. Aussi n'est-ce que par là que je vous veux mettre d'accord, Molière, ib. Dites-moi donc, seigneur, ce qu'en jugent vos yeux, S'ils laissent votre cœur d'accord de vos promesses, Corneille, Agés. II, 2.
  • 11Convention, accommodement. L'accord conclu entre la France et l'Allemagne. Il fait un tel effort Que, la ville aux abois, on lui parle d'accord, Corneille, Rod. I, 6. Il voudrait qu'un accord, avantageux ou non, L'affranchît d'un emploi qui ternit ce grand nom, Corneille, Sert. I, 2. Conclure un accord, Corneille, ib. III, 2. Argatiphontidas ne va point aux accords [à l'arrangement des affaires d'honneur], Molière, Amph. III, 8. Les vainqueurs firent divers accords et divers partages, Bossuet, Hist. III, 7. Tout accord entre le mensonge et la vérité se fait toujours aux dépens de la vérité même, Massillon, Car. Passion.
  • 12Accords, au plur. convention préliminaire d'un mariage. On a signé les accords. Ô belles fleurs sans fruits ! accords sans hyménée ! Rotrou, Antig. V, 1.
  • 13Union, association. Et nouons entre nous de si parfaits accords Que nous n'ayons qu'un cœur et qu'une âme en deux corps, Rotrou, Bél. I, 6. L'orgueil s'assortit mal avec le mauvais sort ; Et tous deux, insolents, font un mauvais accord, Rotrou, Antig. IV, 3. Le ciel n'a point encor, par de si doux accords, Uni tant de vertus aux grâces d'un beau corps, Corneille, M. de Pomp. III, 3. J'épouse une princesse en qui les doux accords Des grâces de l'esprit avec celles du corps Forment le plus brillant et plus noble assemblage, Corneille, Suréna, II, 1. … je vois en vous les accords Des grâces de l'esprit et des beautés du corps, Corneille, D. Sanche, II, 7.
  • 14Convenance, juste rapport, ensemble. Il y a un merveilleux accord entre les parties du corps humain. L'accord entre la nature d'un pays et ses productions vivantes. Ces bateliers ne rament pas d'accord.
  • 15Union de plusieurs sons entendus à la fois et formant harmonie. Accord parfait. Accords consonants, dissonants.
  • 16État d'un instrument dont les cordes sont montées juste au ton où elles doivent être. Mettre un violon, un piano d'accord. Ce piano ne tient pas l'accord.
  • 17Chants, vers, poésies, surtout poésie lyrique. Comme autrefois David par ses accords touchants Calmait d'un roi jaloux la sauvage tristesse, Racine, Esth. III, 3. Lévites, de vos sons prêtez-moi les accords, Racine, Athal. III, 7. Achitoas les interrompait de temps en temps par les doux accords de sa voix et de sa lyre, dignes d'être entendus à la table des dieux, Fénelon, Tél. VIII. L'on entendait les tendres accords d'une voix avec une lyre, Fénelon, ib. XVII. Oui, j'irai sur les tourelles Former des accords plaintifs, Béranger, Pet. Ois.
  • 18 En termes de peinture, bon effet résultant de l'harmonie des couleurs, des lumières, des ombres. Il y a un bel accord dans ce tableau. On y voit [à Palmyre] une espèce d'arbre dont le feuillage échevelé et les fruits en cristaux forment avec les débris pendants de beaux accords de tristesse, Chateaubriand, Gén. III, 5, 4.
  • 19 Terme de grammaire, convenance d'après laquelle deux ou plusieurs mots qui se rapportent à un seul et même objet prennent, autant qu'il est possible, les mêmes formes accidentelles. Accord est opposé à régime ; il exprime le rapport d'identité, quand celui-ci exprime le rapport de différence.

    PROVERBE

    Être de tous bons accords, être d'une humeur aisée et consentir à ce que les autres veulent.

HISTORIQUE

XIe s. Se ceste accorde me voulez otrier, Ch. de Rol. 32.

XIIe s. L'apostolies i a sovent ses briefs tramis As conciles qu'il unt de l'acorde entre els pris, Th. le mart. 104.

XIIIe s. Et bien tesmoigne li livres apertement que plus de la moitié de l'ost estoient en leur accort, Villehardouin, 58. Par l'accort et par la volonté aus autres, Villehardouin, 16. Dist Ysengrin : N'en parlez pas ; Je voil qu'on m'arde en-es-lepas [aussitôt], Quand je à lui prendrai acorde, Ren. 14723. Li acors des amis fu tix [tel] qu'il marierent le [la] demoiselle de l'aage de dix ans, Beaumanoir, XV, 29. Li quix [lequel] acors doit estre fes [fait] en le [la] presence du seigneur, Beaumanoir, XV, 81. Le Temple et l'Ospital lui respondirent d'un acort, que il estoit bon que l'en essayast à prenre la cité, Joinville, 275. Il prisrent un commun acort qui fu tel…, Joinville, 203.

XIVe s. Et est verité que presque tous sont d'un accord et confessent que ce est quant au nom, Oresme, Eth. 4.

XVe s. Il s'en decouvrit bien secretement à aucuns chevaliers de Picardie, qui tous furent de son accord, car la prise de Calais leur touchoit trop malement, Froissart, I, I, 326. S'ils sont d'accord de rendre le chastel, je ne le debattrai jà ; et s'ils sont d'accord du tenir, quel fin que j'en doive prendre, j'en atendrai l'aventure avecques eux, Froissart, II, III, 8. Et eust le dit roi Robert vu volontiers qu'on eust les dessus dits rois mis à accord et à fin de leur guerre, Froissart, I, I, 123. Les douze pers et barons de France s'assemblerent à Paris et donnerent le royaume d'un commun accord à messire Philippe de Valois, Froissart, I, I, 49.

XVIe s. … qui en accords plus divins qu'angeliques Alloient chantant à l'envy maints beaux vers, Marot, III, 305. Bientost après, allans d'accord tous quatre, Par les preaux toujours herbus s'esbattre, Marot, III, 308. D'un commun accord, Calvin, Inst. 959. L. Marcius sema des entrejects d'accord, Montaigne, I, 23. Venir à accord, Montaigne, I, 25. Traité d'accord, Montaigne, I, 25. L'ephore ne s'esmoie pas si la musique en vault mieux, ou si les accords en sont mieulx remplis, Montaigne, I, 121. Ce seroit un meslange de trop mauvais accord [les harangues et la joie], Montaigne, I, 121. Cette narration d'Aristote n'a non plus d'accord avecques nos terres neuves [l'Amérique], Montaigne, II, 233.

ÉTYMOLOGIE

Accorder ; bourguig. écor ; provenç. accort ; anc. catal. acord ; espagn. acuerdo ; ital. accordo. Dans l'ancien français on disait accord, s. m. et accorde, s. f.