« aigle », définition dans le dictionnaire Littré

aigle

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aigle

(è-gl') s. m.
  • 1Un des plus grands et le plus puissant de tous les oiseaux de proie. L'aigle brun. L'aigle noir. L'espèce de l'aigle commun est moins pure, et la race en paraît moins noble que celle du grand aigle, Buffon, Aigle. Mais ainsi que des cieux, où son vol se déploie, L'aigle souvent trompé redescend sans sa proie…, Lamartine, Médit. I, 20. L'aigle, roi des déserts, dédaigne ainsi la plaine ; Il ne veut, comme toi, que des rocs escarpés Que l'hiver a blanchis, que la foudre a frappés, Lamartine, ib. I, 2. Un aigle sur un champ prétendant droit d'aubaine, Ne fait point appeler un aigle à la huitaine, Boileau, Sat. VII. Et l'insecte insensible enseveli sous l'herbe, Et l'aigle impérieux qui plane au haut des cieux, Voltaire, Fanat. I, 4.

    Crier comme un aigle, crier d'une voix aiguë et perçante.

    Avoir des yeux d'aigle, avoir des regards perçants.

    Fig. Avoir un œil d'aigle, avoir une grande pénétration.

    C'est un aigle, se dit d'un homme de talent, d'un esprit supérieur. S'il est de ce jeu, il gagnera, c'est un aigle, Sévigné, 437. Quand il voudra, ces pauvres théologiens seront des aigles, Bossuet, Avert. 6. Que lui répondit cet apôtre vierge, ce prophète du Nouveau Testament, cet aigle, ce théologien par excellence, ce saint vieillard qui n'avait de force que pour prêcher la charité ? Bossuet, Anne de Gonz. Le plus médiocre jésuite est un aigle chez eux [les Malabares], Voltaire, Lett. Pruss. 57.

    C'est l'aigle de cette société, se dit d'un homme qui se distingue des autres par le bon sens, l'esprit, etc. Accoutumé à être l'aigle du conseil, Harlay en prit jalousie [de la Briffe], Saint-Simon, 17, 201. L'aigle d'une maison n'est qu'un sot dans une autre, Gresset, le Méch. IV, 7. Qu'un fat soit l'aigle des salons, Qu'un docteur sente l'ambre…, Béranger, Marotte.

  • 2Au fém. Comme une aigle qu'on voit toujours, soit qu'elle vole au milieu des airs, soit qu'elle se pose sur le haut de quelques rochers, Bossuet, Or. fun. de Condé. On fit entendre à l'aigle enfin qu'elle avait tort, La Fontaine, l'Aigle et l'Escar. Mais bientôt, à son tour, Une aigle au bec tranchant dévore le vautour ; L'homme, d'un plomb mortel, atteint cette aigle altière, Voltaire, Lisbonne. L'aigle altière et rapide aux ailes étendues, Voltaire, Disc. 1.
  • 3Aigle est féminin en termes d'armoiries et de devises. Il porte, sur le tout d'azur, à l'aigle éployée d'argent. Les armes de l'empire français sont une aigle tenant un foudre dans ses serres.

    L'aigle romaine, l'étendard de la république et de l'empire. Et voyant, pour surcroît de douleur et de haine, Parmi ses étendards porter l'aigle romaine, Racine, Mithr. V, 4. Vous avez vu cent fois nos soldats en courroux Porter en murmurant leurs aigles devant vous, Racine, Brit. IV, 2. L'aigle abattait l'aigle, et de chaque côté Nos légions s'armaient contre leur liberté, Corneille, Cinna, I, 3. Sans lui rien mettre au cœur qu'une crainte servile Qui tremble à voir une aigle et respecte un édile, Corneille, Nic. I, 1. Pourquoi, malgré nos chaînes, Avons-nous combattu sous les aigles romaines ? Voltaire, Guèbres, I, 1. Nos consuls, devant lui, cachaient l'aigle indignée, La Harpe, Coriol. I, 8.

    L'aigle impériale, les armes de l'empire d'Autriche, qui sont une aigle à deux têtes. Cependant on l'a fait aussi masculin. Rendre à l'aigle éperdu sa première vigueur, Boileau, Disc. au roi.

  • 4 S. m. Pupitre d'église représentant un aigle aux ailes étendues.
  • 5Décoration. L'aigle noir de Prusse. L'aigle blanc de Pologne.
  • 6Papier grand aigle ou du grand aigle, papier d'un grand format.
  • 7En zoologie, aigle pêcheur, le balbuzard. Aigle de mer, oiseau de proie, dit aussi huard et orfraie.
  • 8En astronomie, constellation de l'hémisphère septentrional.
  • 9Nom spécifique d'une raie des mers d'Europe.
  • 10Aigle, s. m. Nom d'une monnaie d'or aux États-Unis, que l'Annuaire des Longitudes évalue à 5 dollars, soit 27 fr. 60 c. Il y a des demi-aigles valant 13 fr. 80 c. et des double-aigles valant 55 fr. 20 c.
  • 11Pierre d'aigle, voy. AÉTITE.
  • 12Bois d'aigle, voy. BOIS.
  • 13En chimie, aigle blanc, muriate de mercure doux. Aigle noir, cobalt sublimé. Aigle étendu, sel ammoniac sublimé. Aigle céleste, sorte de panacée préparée avec du mercure.

REMARQUE

1. Aigle est féminin toutes les fois qu'il s'agit précisément de la femelle : Cette belle aigle pondit deux œufs.

2. Aigle, dans le Dictionn. de l'Académie, n'est, au sens propre, que du masculin ; mais les meilleurs auteurs l'ont fait aussi féminin, et il n'y aurait aucune faute à lui donner ce genre. Aigle est toujours masculin quand, pris figurément, il indique la supériorité ; il est féminin quand il désigne les armoiries, les étendards. Cependant Mairet l'a fait masculin en ce sens : Clair soleil, la terreur d'un injuste sénat, Et dont l'aigle romain n'a soutenu l'éclat (dans Ménage) ; Boileau aussi. Mais l'usage a prononcé là contre.

HISTORIQUE

XIIe s. L'aigle d'or, Ronc. p. 8. Maint tres [tente] i ot tandu et mainte aigle fichie, Sax. VII.

XIIIe s. Et lores sera renouvelée la teue jovente, aussi comme de l'egle, Psautier, B. M. 258, f° 122. L'en dist k'uns aigles vint volant Juste la mer, peissuns querant, Marie de France, Fable 13. Et une aigle venoit seoir sur son visage, Berte, LXX. Il me bailla ses regles, Et s'en foï plus tost qu'uns egles, la Rose, 4276.

XIVe s. Et puis [je] vi le faucon dessus l'aigle avoler, Que li aigles s'ala en la terre encliner, Guesclin. 5607.

XVe s. Lequel doncques, parce qu'il est le plus noble et l'aigle des vertueux, c'est celui qui doibt plus entierement et le plus vraiement amer autrui noble et vertueux par loy telle, Chastelain, Expos. s. Verité. [Les Romains] attisés aussi derrenierement de convoitise et d'orgueil, pour estre en leur temps les aigles du monde et dompteurs, ont en cette partie de l'Occident fichié et establi le derrenier et le plus seignourieux regne des autres, Chastelain, Chron. du duc Philippe Proesme.

XVIe s. Un toict de tortue qui eschappa des pattes d'un aigle en l'air, Montaigne, I, 74. Quelque chose que l'on die, je croy que la pierre d'aigle n'est autre chose qu'un fruit lapifié, et ce qui jouë dedans est le noyau, Palissy, 284. Les devins apperceurent deux aigles volans vers eux, dont l'une tenoit entre ses griffes un serpent qu'elle perçoit d'oultre en oultre avec ses ongles, Amyot, Timol. 36. Il feit tourner tout court le portenseigne qui portoit la premiere aigle, Amyot, Lucul. 52. Bastons de casse, noix d'Inde, pierres d'aigles, Paré, XXV, 7.

ÉTYMOLOGIE

Berry, aille (ll mouillées) ; provenç. aigla ; espagn. aguila ; ital. aquila ; d'aquila, auquel on donne pour racine le sanscrit açu équivalent à ὠϰύς, rapide. Cependant aquilus, noirâtre, aquilo, vent du nord, ne paraissent pas sans analogie avec aquila. Il y avait dans l'ancien français un féminin aiglesse : Mais jà de cele eglesse li reis mar dutera ; Jamais en altre liu ne nidifiera, Th. le Mart. 165.

SUPPLÉMENT AU DICTIONNAIRE

AIGLE.
8Ajoutez : La 96e planète télescopique.

HISTORIQUE

XIIIe s. Nos dist quand li aille est vieil, Que mult li enpirent li œil, Romania, octobre 1872, p. 437, V. 831.