« aiguiser », définition dans le dictionnaire Littré

aiguiser

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

aiguiser

(è-güi-zé, et non, comme quelques-uns prononcent, èghizer. La prononciation güi en diphthongue, comme dans huile, est celle du XVIIe siècle, CHIFFLET, Gramm. p. 228 et du XVIe, PALSGRAVE, p. 10 et 16. Au contraire un dictionnaire du XVIIIe siècle n'admet que la prononciation è-ghi-zé) v. a.
  • 1Rendre pointu ou tranchant. Le sanglier aiguise ses défenses. Il aiguisait son couteau. Le lion aiguise ses dents et ses griffes, attendant le moment favorable, Fénelon, Tél. XVIII. Sa faux qu'elle aiguisait sans cesse, Fénelon, ib. XVIII. Si leur haine, de Troie oubliant la querelle, Tourne contre eux le fer qu'ils aiguisent contre elle, Racine, Iphig. IV, 1.

    Aiguiser ses couteaux, se préparer au combat.

  • 2 Fig. Rendre plus vif. Une promenade vous aiguisera l'appétit. Certains jeux aiguisent l'esprit des enfants. Et n'allez point toujours d'une pointe frivole, Aiguiser par la queue une épigramme folle, Boileau, A. P. II. Au lieu de fades épigrammes, Qu'il aiguise un couplet gaillard, Béranger, Désaug. Afin d'éviter toute ambiguïté et de déjouer toutes les insinuations qui ne tendent qu'à aiguiser ici les méfiances…, Mirabeau, Collect. t. II, p. 177. Au lieu d'aiguiser contre les lois la subtilité des hommes et leur fatale industrie à les éluder…, Mirabeau, ib. t. III, p. 26. Ils ont aiguisé leurs langues comme celle du serpent, et de leurs bouches empestées ils ont lancé le plus subtil venin de l'esprit, Bourdaloue, Pensées, t. III, p. 355.
  • 3Aiguiser l'appétit, au figuré, exciter la convoitise. … leur beauté Aiguisait l'appétit, La Fontaine, Tab.

    S'AIGUISER, v. réfl. Le fer s'aiguise par le fer. Des esprits qui se sont aiguisés par l'exercice.

HISTORIQUE

XIIe s. E ces de Israel veneient as Philistiens pur aguiser e adrecier e le soc, e le picois, e la cuignée, e la houe, Rois, 44.

XIIIe s. Il aguiserent leur langues si comme serpent, Psautier, B. M. 258, f. 169. S'or ne set moult Renart de frape, Il est chaoit [tombé] en male trape : Chascun sor lui ses denz acuse, Ren. 13571. Et va ses ongles aguisant, ib. 2143. Tybert, lessiez le menacier, Et sor moi lor denz aguisier, ib. 10512. De toi s'esleveront mi flanc ; De toi acuisera mon sanc, Si acroistrai mon hardement ; Moult m'en douteront plus la gent, ib. 7750. Toute morsure venimeuse Garist celle croix precieuse En cuer qui la scet aiguisier, J. de Meung, Tr. 627.

XIVe s. Afin que fureur soit adrescie, menée et conduite par vertu, et que vertu soit enasprie et acuisée et enforcie par fureur, Oresme, Eth. 84. Là fust Bertran enclos à chascune partie De queux, de boutillier et de penneterie, Li uns tient ung tinel, l'autre perche aguisie, Guesclin. 981.

XVe s. Si quist on grand bois de chesnes ; et puis furent tantost ouvrés et aguisés devant…, Froissart, I, I, 137. Nostre appetit le vin aguise, Et aide à la digestion, Basselin, LX.

XVIe s. Les difficultez aiguisent et rehaulsent le plaisir divin que…, Montaigne, I, 70. J'instruis et aiguise mon appetit à ces commoditez, Montaigne, I, 285. L'elephant aiguise et esmould ses dents, Montaigne, II, 164. Pericles aguisa et incita le peuple à perseverer opiniastrement en ce qu'il avoit une fois ordonné contre les Megariens, Amyot, Péric. 57. Ne plus ne moins que la cueux bise Le trenchant de l'espée aguise, Amyot, ib. 64. Ils furent par luy nourriz aux armes, et dès leur naissance aguisez et acharnez à cela [la guerre], Amyot, Pyrrh. 18. Il feit remplir les dittes fosses et trenchées de paux pointus aguisez par les bouts, Amyot, Pomp. 88. Jour et nuit ils te nuisent [le soin et l'envie], Et sur ton cœur aiguisent L'aiguillon qui te poind, Ronsard, 401.

ÉTYMOLOGIE

Norm. agucher ; bourguig. égusè ; Berry, aguiser, aguser, aguer ; wallon, awehî ; provenç. agusar ; ital. aguzzare ; d'un bas-latin acutare ou plutôt acutiare, de acutus (voy. AIGU). Acutare est dans Du Cange ; acutiare n'y est pas ; mais on y trouve acutia, acuties, acutiator.