« aise », définition dans le dictionnaire Littré

aise

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

aise [1]

(ê-z') s. f.
  • 1Sentiment de bien-être et de contentement. Ils avaient toute l'aise que la situation comportait. L'aise est vive et peut se manifester par des mouvements du corps. Tressaillir d'aise. Saint Jean l'entend et il saute d'aise, Bossuet, II, Visit. 1. Ce pêcheur d'aise tout transporté, Corneille, D. Sanc. V, 8. Vous le pardonnerez à l'aise de vous voir, Corneille, le Ment. I, 5. L'aise de voir la terre à son pouvoir soumise, Corneille, Pomp. III, 1. Ne dois-je point encore en témoigner de l'aise ? Corneille, Médée, I, 5. En l'aise de la victoire Rien n'est si doux que la gloire, Malherbe, II, 2. Aime… maintenant l'aise de nos yeux, Malherbe, II, 8. Sans jamais en son aise un mal-aise éprouver, Malherbe, I, 4. Prince, l'aise et l'amour des âmes et des yeux, Racan, Sonnet.
  • 2État commode et agréable, liberté. Il est à son aise partout, comme s'il était chez lui. J'étais là bien à mon aise pour mentir, Chateaubriand, Itin. 209. Je me trouve fort à mon aise toute seule, Sévigné, 222. Il est bien à son aise quand il est avec elle, Sévigné, 580. Que j'en ai de vous voir belle et bien à votre aise, Régnier, Sat. XII. Voilà les ecclésiastiques bien à leur aise, Pascal, Prov. 6.

    À votre aise, elliptiquement, à votre commodité, quand vous voudrez.

    Être mal à son aise, être indisposé. J'étais mal à mon aise, Sévigné, 359. Quand l'enfant pleure, il est mal à son aise, Rousseau, Ém. I.

    Être mal à son aise, être embarrassé. Devant lui il était mal à son aise.

  • 3Mettre quelqu'un à son aise, l'encourager, dissiper sa timidité. Le prêtre l'écoutait, le mettait à son aise, Rousseau, Ém. IV.

    Se mettre à son aise, pousser la familiarité jusqu'à l'oubli des convenances. Il se met à son aise partout, et nulle considération ne le gêne.

  • 4 Familièrement. N'en prendre qu'à son aise, travailler en son temps, ne faire que ce qui plaît.
  • 5En parler à son aise, discourir de sang-froid des choses au succès desquelles on n'est pas intéressé. Vous en parlez bien à votre aise, Pascal, Prov. 2. Vous en parlez bien à l'aise, Molière, Fem. sav. II, 9. À votre aise vous en parlez, Molière, Prol. Amph. Ce missionnaire fait son métier, il en parle bien à son aise, Fléchier, Serm. II, 208. Elle lui dit qu'il en parlait fort à son aise, Hamilton, Gramm. 10.
  • 6Être, vivre à son aise, être dans une situation de fortune modeste, mais heureuse. Des louanges toutes pures ne mettent pas un homme à son aise, Molière, le Bourg. G. I, 1. On ne vaut et l'on n'est heureux qu'autant qu'on se voit à son aise et bien pourvu, Bourdaloue, Exhort. t. I, p. 465. L'argent est rare, c'est pour cela que les paysans sont à leur aise, Rousseau, Hél. I, 23. Celui qui travaille est aussi à son aise que celui qui a cent écus de revenu sans travailler, Montesquieu, Esp. XXIII, 29. Voilà un homme bien riche, bien à son aise, Sévigné, 608. Ceux qui sont mal à leur aise, Pascal, Prov. 8.

    Il n'est malade que de trop d'aise, se dit d'un homme riche qui a de fréquentes incommodités.

  • 7Paix et aise, doucement, commodément. Il n'a pas un grand bien, mais il vit chez lui paix et aise (vieux dans cette construction). Je ne demande que paix et aise.
  • 8 S. f. plur. Les commodités de la vie. Dieu se contente de vous priver d'une partie de vos aises, Fléchier, Serm. II, 203. Les petites règles qu'il s'est faites et qui tendent toutes aux aises de sa personne, La Bruyère, II, 45. Elle nous prive du commode, c'est-à-dire des aises de la vie qui, quoique absolument permises, ne laissent pas de fomenter la rébellion de la chair, Bourdaloue, Carême, t. I, p. 86.
  • 9À l'aise, loc. adv. Commodément, librement. Qu'on est assis à l'aise aux sermons de Cottin, Boileau, Sat. IX. Celui qui n'a de partage avec ses frères que pour vivre à l'aise bon patricien, veut être officier, La Bruyère, 6.

    Mettre à l'aise, donner de l'espace. Les spectateurs étaient fort serrés ; on les mit à l'aise avec des bancs qu'on apporta.

    Fig. L'expédient pour rendre intelligible un auteur si concis et étroitement enveloppé dans son style, c'est de mettre ses pensées plus à l'aise dans une juste étendue de discours.

    À son bel aise, loc. adv. À son aise. À son bel aise aura lieu de s'instruire, La Fontaine, Mazet. La Fontaine a fait ici aise du masculin ; aise en effet a été longtemps d'un genre indécis ; mais aujourd'hui il est fixé au féminin ; et il ne faudrait pas employer cette locution de La Fontaine.

REMARQUE

Locution vicieuse : On ne peut pas avoir tous ses aises ; dites : on ne peut pas avoir toutes ses aises.

SYNONYME

AISES, COMMODITÉS. Les aises disent quelque chose de voluptueux et qui tient de la mollesse. Les commodités expriment quelque chose qui facilite les opérations ou la satisfaction des besoins, et qui tient de l'opulence. Les gens délicats et valétudinaires aiment leurs aises. Les personnes de goût, et qui s'occupent, recherchent leurs commodités, GUIZOT.

HISTORIQUE

XIIe s. Car qui a à la gloire celestial partir, Li covient estre el cors à les eises fuïr, Ensi cum sainz Polz dict…, Th. le Mart. 79. Jamais [nous] n'aurons tel aise [facilité] de nos hontes vengier, Sax. VI.

XIIIe s. Lors furent li nostre mout à aise et mout riche, Villehardouin, CXXXII.

XVe s. L'aise que j'ay, dire je ne sauroye, Orléans, Bal. 38. En ce mortel monde ne faut y prendre ses aises ni constituer sa fin, Chartier, Consolation des trois vertus. Et ainsi qu'ils venoient [les Écossais], ils se logeoient à l'usage de leur pays, et n'avoient pas tous leurs aises, Froissart, II, II, 235. C'est un mol chevalier qui ne veut autre chose que ses aises, de boire et de manger et de aloer le sien follement, Froissart, II, III, 12. Je le remercie grandement des beaux presens qu'il m'a presentés ; mais ce n'est mie l'aise ni la paix du roi d'Angleterre, monseigneur, que je les retienne, Froissart, I, I, 300. Pour avoir l'aise de eux et de leurs chevaux, Froissart, II, II, 3. Le roy d'Angleterre lequel aymoit fort ses aises et ses plaisirs, Commines, IV, 3. Et prierent le dit Anthoine qu'il se parteist de leur escot et les laissast à leur privé et faire leur aise, Du Cange, aisamenta.

XVIe s. Ne pleurons plus si ce n'est de grand'aise, Puis qu'en vers nous l'ire de Dieu s'appaise, Tant nous aymant, que de mortel mesaise Tire le roy, Marot, II, 272. Et de ma part, tant pour vostre aise que pour la nostre, il vous en prie autant que luy est possible, Marguerite de Navarre, Lett. 1. Je sens vostre aise tel pour avoir Mme la Mareschale avecques vous, qu'il ne vous souvient de vos amys, Marguerite de Navarre, ib. 2. Là, assis à nos aises, chacun dira quelque histoire, Marguerite de Navarre, Nouv. Préface. Vous en parlez bien à votre aise ; mais…, Marguerite de Navarre, Nouv. 18. Elle vequit longtemps, par sa finesse fort à son aise ; - c'est un aise bien malheureux, dit Oisille, quand il est fondé sur le peché, Marguerite de Navarre, ib. XXXIX. Se mettre à son ayse, Montaigne, I, 8. L'ame doibt faire luire jusques au dehors son repos et son aise, Montaigne, I, 175. Les sœurs de Pernette estoient jalouses de son aise, et de ce qu'elle marchait la première, Despériers, Contes, CXXIX. Puis l'ayant prié de prendre son aise [de s'asseoir], commencerent à deviser de diverses choses, Yver, p. 638. Le reste de l'armée eut tout loisir de marcher à son aise jusques là, Amyot, Fab. 17. Ceste nouvelle joye survenue par dessus l'aise de la victoire…, Amyot, Marius, 38.

ÉTYMOLOGIE

Bressan, éso ; franc-comtois, aze ; bourguign. ase ; wallon, âhe ; namurois, auje ; provenç. ais ; anc. ital. asio ; ital. mod. agio ; anc. catal. aise ; portug. azo ; angl. ease ; anglo-sax. âdhe, eadhe, facile ; vieux sax. ôdhi, ôthi, facile ; gaél. âthais, adhais, aise ; corn. aizia, mettre à l'aise ; bas-bret. éaz, ez, aisé. Mot d'origine incertaine. On l'a rattaché au gothique azêts, aisé. Quant au basque, aisia, aisina, il paraît venir du provençal et non en être l'origine. En somme, il y a dans l'allemand et dans le celtique une racine adh, az, ais, qui est sans doute la source du mot roman.