« attendre », définition dans le dictionnaire Littré

attendre

Définition dans d'autres dictionnaires :

Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

attendre

(a-tan-dr'), j'attends, tu attends, il attend, nous attendons ; j'attendais ; j'attendis ; j'attendrai ; j'attendrais ; que j'attende ; que j'attendisse ; attendant ; attendu v. a.
  • 1Demeurer pour la venue de quelqu'un ou de quelque chose. Qu'attendez-vous pour vous sauver ? L'armée attend impatiemment son général. Le vaisseau attend un vent favorable. Attendre les bêtes à la chasse. Attendre l'arrivée d'une lettre. Il attendait le beau temps. J'attends votre commodité. Mais attendons la fin, La Fontaine, Fab. I, 21. Il n'attend qu'un prétexte à s'éloigner de lui, Racine, Andr. II, 3. L'ingrat qui ne m'attend que pour m'abandonner, Racine, Iph. II, 5. La bonté de Dieu nous attend à repentance, Bossuet, Asc. 3. Ne vous a-t-il pas attendu assez longtemps à pénitence ? Massillon, Rech. On attend tous les jours que M. de Luxembourg batte les ennemis, Sévigné, 300. [Elle] Attend l'ordre d'un père à choisir un époux, Corneille, Cid, I, 1. Qu'attendez-vous à vous soumettre ? Bossuet, Hist. II, 13. Qu'attendez-vous, chrétiens, à vous convertir, et pourquoi désespérez-vous de votre salut ? Bossuet, Anne de Gonz. Sur cette terre déserte Qu'attends-tu ? je n'y suis pas ! Lamartine, Harm. II, 1.

    Familièrement et par ironie. Attendez-moi sous l'orme, se dit d'un rendez-vous où l'on n'a pas dessein d'aller, d'une chose que l'on ne veut pas faire. Attendez-moi sous l'orme ; Vous m'attendrez longtemps, Regnard, Attendez-moi sous l'orme, 22.

    Faire attendre une chose à quelqu'un, la lui retenir, différer de la lui donner. Une circonstance essentielle à la justice que l'on doit aux autres, c'est de la faire promptement et sans différer ; la faire attendre, c'est injustice, La Bruyère, 12. De ces Égyptiens qui la mirent ici, Trufaldin qui la garde est en quelque souci, Et trouvant son argent qu'ils lui font trop attendre, Je sais bien qu'il serait très ravi de la vendre, Molière, l'Étour. I, 2.

  • 2Compter sur, espérer ; quelquefois, craindre. On ne pouvait attendre aucun secours du sénat. N'attendre son salut que de sa valeur. Je n'attends rien que de moi-même. On attend beaucoup de vous. Ce service, monseigneur, n'est pas le seul qu'on attend de vous, Bossuet, Reine d'Anglet. S'il nous ouvre aujourd'hui le sein de l'enfer, c'est pour nous y montrer un réprouvé que nous n'y attendions point, Massillon, Car. Mauvais riche. Concurrent malheureux à cette place insigne, Votre orgueil l'attendait ; mais en étiez-vous digne ? Voltaire, Catin. I, 5. Quels honneurs dans sa cour, quel rang pourrais-je attendre ? Racine, Brit. IV, 2. Les apôtres attendaient que leur maître délivrerait Israël du joug des nations, et qu'il les ferait asseoir eux-mêmes sur douze trônes terrestres, Massillon, Car. Fausse confiance. N'attendez-pas que je recueille ici toutes ses actions dont une partie est presque incroyable, Fléchier, Panég. II, p. 366. N'attendez pas ici que j'éclate en injures, Racine, Bér. IV, 5. Attendez tout aussi de ma reconnaissance, Corneille, Sert. I, 2. Elle qui de vous seul attend son diadème, Corneille, Pomp. III, 3. Les Juifs n'attendent rien d'un méchant tel que toi, Racine, Esth. III, 5. Dans un âge si tendre Quel éclaircissement en pouvez-vous attendre ? Racine, Ath. II, 7. Attendant tout de sa bonté pour les malheureux, Massillon, Prière. Il n'y a rien à attendre de la tradition des saints, Bossuet, 3e écrit.

    Attendre de, suivi d'un infinitif, espérer, se promettre. N'attendez pas de le trouver sans imperfection, Fénelon, Tél. XI. Cher amant, n'attends plus d'être un jour mon époux, Corneille, Hor. I, 3.

  • 3Attendre quelqu'un à… attendre qu'il s'engage dans une difficulté dont on pense qu'il ne se tirera pas. Il est vrai, cette somme lui est due ; mais je l'attends à cette petite formalité ; s'il l'oublie, il n'y revient plus et il perd sa somme, La Bruyère, 14. Il ne faut plus qu'un pas, mais c'est où je l'attends, Racine, Baj. I, 3. Ne vous mettez pas en peine, j'ai des remèdes qui se moquent de tout, et je l'attends à l'agonie, Molière, Méd. m. lui, III, 5. Les comédiens m'ont dit qu'ils l'attendaient sur la réponse, Molière, Impromptu, 3.
  • 4Attendre de, différer. Si vous attendez de vous convertir à la mort, vous mourrez dans votre péché, Massillon, Car. Impénit. Ils attendent de n'être plus propres au monde pour être propres au royaume de Dieu, Massillon, Étienne. Pour juger de ce qu'il est, attendez de savoir ce qu'il a fait, Rousseau, Ém. V.
  • 5Être réservé à, menacer. Les indignes traitements qui attendent les vaincus. Est-ce donc là ce qui vous attend ? De nouveaux outrages vous attendaient dans votre gloire, Massillon, Indig.
  • 6 Fig. Un coup n'attendait pas l'autre, les coups se succédaient sans interruption. La valeur n'attend pas le nombre des années, Corneille, Cid, II, 2.
  • 7Attendre un cheval, en retarder l'éducation jusqu'à ce qu'il ait acquis de la force.

    Attendre du vin, attendre qu'il soit à point. Attendre des fruits, attendre qu'ils soient mûrs.

  • 8 V. n. Attendez ici un moment. J'attendis longtemps sans rien voir venir. Pour ne pas attendre et pour arriver justement en ce temps-là, Voiture, Lett. 43. Espérer, attendre, c'est vivre ? Que sert de compter et de suivre Des jours qui n'apportent plus rien ? Lamartine, Harm. III, 9.

    Faire attendre quelqu'un, le retarder, lui faire perdre son temps. Il fait attendre ses créanciers. Préparez tout, je ne ferai pas attendre.

    Se faire attendre, tarder à venir, au propre et au figuré. Il ne se fit pas attendre. Ses bienfaits ne se feront pas attendre.

  • 9Attendre à, différer jusqu'à. Il attend à la belle saison, au printemps. Faudra-t-il sur sa gloire attendre à m'exercer Que ma tremblante voix commence à se glacer ? Boileau, Épît. I. Il y a des hommes qui attendent à être dévots que tout le monde se déclare impie ou libertin, La Bruyère, 16. César résolut d'attendre à se déterminer, qu'il fût sûr du parti qu'embrasseraient Lépidus et Plancus, Vertot, Révol. rom. liv. XIV, p. 329. On attend à se convertir à l'heure de la mort, Fléchier, Serm. II, 28. Gardez-les pour son père [les cendres de Pisistrate], mais attendez à les lui donner quand il aura assez de force pour les demander, Fénelon, Tél. XX. À me chercher lui-même attendrait-il si tard ? Racine, Baj. III, 3. Le feu demeure caché dans les veines des cailloux, et il y attend à éclater jusqu'à ce que le choc d'un autre corps l'excite, Fénelon, Exist. 15. Il n'attendit pas à la mort à consacrer à Jésus-Christ une partie de ses richesses, Fléchier, M. de Mont.
  • 10Attendre après, avoir besoin d'une personne, d'une chose. Apporte-lui ce livre ; il attend après. Ce n'est pas avoir du respect pour le ministre que de le faire attendre après vous, Bossuet, Ord.
  • 11En attendant, loc. adv. Jusqu'à tel moment. En attendant il s'est reposé.

    En attendant que, loc. conjonct. Jusqu'à ce que. En attendant qu'il vienne. Les poëtes disent quelquefois attendant que. Il satisfera, sire, et vienne qui voudra, Attendant qu'il l'ait su, voici qui répondra, Corneille, Cid, II, 7. Le sort de nos guerriers réglera notre sort ; Cependant tout est libre attendant qu'on le nomme, Corneille, Hor. I, 3.

    S'ATTENDRE, v. réfl.

  • 12Différer jusqu'à ce qu'on soit réuni. Nous nous sommes attendus, et nous sommes partis ensemble.
  • 13Compter sur, espérer ou craindre. Tous s'attendent à retourner dans leur patrie. Attends-toi à essuyer des contrariétés sans nombre. Il s'attend bien à ce qui doit arriver. Plutôt qu'on ne s'y attendait. Au moment qu'ils s'y attendaient le moins. L'erreur la plus pernicieuse est de nous attendre que Dieu nous attendra, Bourdaloue, Carême, II, Grâce, 243. Je sais ce qu'il faut croire de ce pays-là ; je ne m'attends pas du tout à m'y amuser, Staël, Corinne, liv. I, ch. 3. Ils ne s'attendaient pas, lorsqu'ils me virent naître, Qu'un jour Domitius dût me parler en maître, Racine, Brit. III, 8.

    S'attendre à quelqu'un, compter sur quelqu'un. Ne t'attends qu'à toi seul : c'est un commun proverbe, La Fontaine, Fab. IV, 22. Toi donc, qui que tu sois, ô père de famille, T'attendre aux yeux d'autrui, quand tu dors, c'est erreur, La Fontaine, ib. XI, 3. Après ce coup, Narcisse, à qui dois-je m'attendre ? Racine, Brit. II, 6.

    Avec la préposition de et un infinitif. Cassius s'était bien attendu de trouver une opposition générale à sa proposition, de la part des grands de Rome, Vertot, Révol. rom. liv. III, p. 228. On lui donne une pompe funèbre où l'on s'attendait de lui dresser un triomphe, Fléchier, Turenne. Ulysse en fit autant : On ne s'attendait guère De voir Ulysse en cette affaire, La Fontaine, Fab. X, 3. Mes transports aujourd'hui s'attendaient d'éclater, Racine, Bérén. III, 1.

    Des grammairiens ont prétendu que ce vers de Racine était fautif et que la faute avait été commandée par la nécessité d'éviter l'hiatus ; mais on voit par les exemples que la préposition de était alors aussi usitée dans ce sens que à, et que, aujourd'hui, parler ainsi, ce serait non pas pécher contre la grammaire, mais user d'une tournure dont on peut dire seulement qu'elle est présentement moins usitée.

PROVERBES

On l'attend comme les moines font l'abbé ; c'est-à-dire en se mettant à table et commençant toujours à dîner.

Il ennuie à qui attend.

Tout vient à point à qui sait attendre, c'est-à-dire avec de la patience on finit par trouver une occasion favorable.

Vous ne perdrez rien pour attendre ; le retard sera un avantage, ou, dans un sens contraire, vous recevrez le châtiment qui vous est dû.

Il faut attendre le boiteux [le messager] ; c'est-à-dire, pour être sûr d'une nouvelle, il faut en avoir la confirmation.

Qui s'attend à l'écuelle d'autrui a souvent mal dîné, c'est-à-dire il ne faut pas compter sur autrui.

REMARQUE

1. S'attendre que régit l'indicatif quand le sens est affirmatif : Je m'attends qu'il viendra. Il régit le subjonctif quand le sens est négatif : Ne vous attendez pas que je le fasse.

2. S'attendre, avec le sens d'espérer, compter, serait inintelligible si on ne connaissait pas à attendre un autre sens que celui qu'il a aujourd'hui. Ce verbe signifiait aussi faire attention, ce qui en est le sens propre. S'attendre, c'est donc s'appliquer à, tendre son esprit à, et de là la signification dérivée dont il s'agit.

HISTORIQUE

XIe s. De Guenelon atent li reis noveles, Ch. de Rol. LII. À grant dolur illec [il] atent son plait, ib. CCLXXII.

XIIe s. Baron, or atendez [faites attention], Ronc. p. 4. Où Sarazin atendent l'ajournée, ib. p. 33. Qui l'atendist ne fit mie que sage, ib. p. 64. Puis sont monté, n'i ont plus atendu, ib. p. 123. Dist l'uns à l'autre : grant joie nous atend, ib. p. 135. S'onques granz biens dut estre desserviz Pour mal avoir, bien [je] doi merci atendre, Couci, V. De vous [j'] aten guerredon et merci, ib. VII. Et tous les biens qu'on puet avoir d'aimer, Aura mes cuers qui adès s'i atent, ib. XII. Les biens d'amour que j'ai atendus tant, ib.

XIIIe s. Si me convient atendre son vouloir [de ma dame], Et j'atendrai come loial ami, Le Comte D'Anjou, Romancero, p. 124. En Hongrie [elle] revient, là où li rois l'atent, Berte, IX. Lors s'est couchiez lez une haie, Ilec atendra aventure, Ren. 771. Monseigneur Baudoin de Reins, un preudomme qui estoit descendu à terre, me manda par son escuier que je l'atendisse, Joinville, 215. Ci après orrez de pluseurs persecucions et tribulacions que j'oy en Acre, desquiex Dieu, à qui je m'atendoie et à qui je m'atten, me delivra, Joinville, 253.

XIVe s. Liberalité doit estre attendue et jugiée selon la substance et la faculté, Oresme, Eth. 105. On dit que bien attent, qui point ne seuratent [n'attend trop], Guesclin. 19691. Aussi dit-on communement Que trop ennuye à qui atant, Liv. du bon Jeh. 455. Considerans et attendans diligemment les bons et agreables services, Du Cange, attendere.

XVe s. Les aucuns disoient en chevauchant et conseilloient que on attendesist le matin et qu'il seroit tantost nuit, Froissart, II, III, 20. Le roi attendit un petit à parler, Froissart, I, I, 321. Cela fait, elle revint à sa maistresse, et lui dit que son ami n'attend qu'elle [ne pense qu'à elle, l'attend impatiemment], Louis XI, Nouv. XXXIX.

XVIe s. Je m'attends bien qu'il y fera son devoir, et qu'il n'y obmettra rien, Marguerite de Navarre, L. 72. J'estois bien fort mal, de mal de cueur et desvoyement d'estoumac, que j'attendois durer jusques à mercredi, qui est le bout de mon troisiesme mois, Marguerite de Navarre, ib. 114. Ne vous attendez pas qu'ils y mettent la main, Montaigne, I, 72. Attendez vous y [faites-y attention] pendant que vous y estes, Montaigne, I, 88. Un malade auquel je m'attends [je m'intéresse] et que je considere, Montaigne, I, 91. Je m'attends à ce qu'elle [la science] serve d'ornement, non de fondement, Montaigne, I, 163. Quelle resverie est-ce de s'attendre de mourir de vieillesse ? Montaigne, I, 406. Il permet au sage d'agir à sa mode, sans s'attendre aux lois, Montaigne, IV, 129. Plus on attend, plus s'enracine le mal, Lanoue, 254. Chascun commencea à luy porter envie, pource que l'on s'attendoit bien qu'il emporteroit encore le prix, Amyot, Thésée, 22. Va t'en demain les avertir qu'ilz s'attendent d'avoir bientost icy les Gaulois, Amyot, Cam. 23. Plusieurs en conceurent bonne esperance, s'attendans que, quand et la charté des vivres, deust aussi cesser la sedition civile, Amyot, Cor. 22. Pensans tousjours à l'advenir, et attendans à quelle fin et à quelle issue la fortune conduira l'envie de prosperité presente, Amyot, P. Aem. 45. Des esclairs si souvent recouppez, que l'un n'attendoit pas l'autre, Amyot, Timol. 38. Ils n'avoient qu'un corps de logis, qui ne pouvoit attendre un canon, D'Aubigné, Hist. II, 193. Puis la cavalerie commença à passer, à s'atendre et à reprendre quelque forme, D'Aubigné, ib. III, 441. Attenduës les nouvelles qu'il avoit dudit ennemy, l'intention du maistre, et l'estat et consequence de ses affaires, il persistoit en cet advis, Du Bellay, M. 368. Et retirant ses brebis de l'herbage, Sous un rocher attend venir l'orage, Ronsard, 964. À celui qui attendre peult, tout vient à temps et à son vœu, Génin, Récréat. t. II, p. 233.

ÉTYMOLOGIE

Bourguig. étandre ; provenç. atendre ; espagn. atender ; ital. attendere ; du latin attendre, de ad, à, et tendere, tendre (voy. TENDRE) : mot à mot, tendre vers ; de là on arrive au sens actuel. D'après Palsgrave, p. 23, on prononçait les deux t au XVIe siècle.

SUPPLÉMENT AU DICTIONNAIRE

ATTENDRE. - REM. Ajoutez :

3. Dans s'attendre, au sens d'espérer, de compter, le participe passé aux temps composés s'accorde : elle s'est attendue, ils se sont attendus, elles se sont attendues à ce qui devait arriver. S'attendre est tendre soi à, d'où espérer, compter. Cette analyse montre que le participe doit s'accorder.