« aviser », définition dans le dictionnaire Littré

aviser

Définition dans d'autres dictionnaires :

Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

aviser

(a-vi-zé) v. a.
  • 1 Familièrement, apercevoir. Je l'avisai dans la foule. Si pour mon infortune il ne m'eût avisé, Molière, Fâch. 1. Furieuse elle approche, et le loup qui l'avise…, Régnier, Sat. III. Le roi, après avoir parlé à quelques-uns, avise enfin ce chapeau gris, Saint-Simon, 60, 8. Quand notre hôte charmé m'avisant sur ce point…, Boileau, Sat. III.

    Terme de chasse. Aviser le gibier, l'apercevoir.

  • 2Donner avis. Va le faire aviser que je suis ici, Molière, la Princ. III, 3. De ta femme il fallut moi-même t'aviser, Molière, Amph. II, 3. Le prince de Conti et M. de Luxembourg avisèrent Clermont de s'attacher à la Choin, et de paraître vouloir l'épouser, Saint-Simon, 24, 18.
  • 3 Terme de commerce. Aviser quelqu'un, lui adresser une lettre d'avis.

    Commander quelque chose par lettre à son correspondant…

  • 4 V. n. Faire réflexion, prendre garde à, pourvoir à. Aviser à un moyen. Avisez à ce que vous devez faire. Nous aviserons. On avisa à ce qu'il fût bien logé. Madame, avisez-y, vous perdez votre gloire De me l'avoir promis et vous rire de moi, Malherbe, V, 29. Or avisons aux lieux qu'il vous faut habiter, La Fontaine, Fab. III, 8. C'est à moi de choisir, c'est à vous d'aviser à quel choix vos conseils me doivent disposer, Corneille, Pomp. I, 1. Une seconde fois avisez, s'il vous plaît, à traiter Laodice en reine comme elle est, Corneille, Nicomède, II, 3. Je vais consulter un avocat et aviser des biais que j'ai à prendre, Molière, Scapin, II 1.

    Imaginer. Qui vous a fait aviser de ce tour ? La Fontaine, Conf. Sans aller de surcroît aviser sottement De se faire un chagrin qui n'a nul fondement, Molière, Coc. imag. 13. Certains impertinents de laquais qui viennent provoquer les gens et les faire aviser de boire lorsqu'on n'y songe pas, Molière, l'Av. II, 2.

  • 5S'aviser, v. réfl. S'imaginer de, remarquer, trouver. S'aviser d'un expédient, d'un stratagème. Si je ne m'étais avisé plus tôt d'écrire. Personne ne s'avise, de lui-même, du mérite d'autrui, La Bruyère, 2. Il ne s'avisait guère de ce qui pouvait faire plaisir aux autres, Fénelon, Tél. XVI. Je me suis avisé trop tard que c'est demain St Remy, Bossuet, Lett. abb. 92. Avez-vous remarqué ce commencement oh ! oh ! voilà qui est extraordinaire, oh ! oh ! comme un homme qui s'avise tout d'un coup, Molière, Les préc. rid. 10. Mais je m'avise [je fais réflexion], Molière, Sgan. 5. J'ai ajouté non-seulement tous les ornements dont j'ai pu m'aviser, mais encore…, Fontenelle, I, Oracl. Préface. Il y avait un homme qui depuis six jours était à l'agonie, on ne savait plus que lui ordonner, et tous les remèdes ne faisaient rien ; on s'avisa à la fin de lui donner de l'émétique, Molière, le Fest. III, 1. Tu ne t'étais jamais avisé de lui faire le moindre petit présent, Hamilton, Gramm. 4. Le monarque des dieux s'avisa, pour bien faire…, La Fontaine, Fab. II, 8. Laisse-les venir ; je te les sacrifierai de la plus cruelle manière dont jamais femme se soit avisée, La Fontaine, Psyché, liv. I, p. 64.
  • 6Avoir l'audace, la témérité de. Si vous vous avisez de mal parler de moi, vous vous en repentirez. Je voudrais que quelqu'un s'avisât de vous donner des coups de bâton, vous verriez de quelle manière…, Molière, le Fest. IV, 4. Jouez ces pièces à Nankin ; mais ne vous avisez pas de les représenter aujourd'hui à Paris ou à Florence, Voltaire, Lett. à l'Acad. franç. Vous vous êtes avisés de l'attaquer sans qu'on s'en aperçoive, Pascal, Prov. 17. Hors vous et moi, monsieur, je ne crois pas que personne s'avise de courir maintenant les rues, Molière, Sicilien, sc. 3. Voir sa vie, son repos et ses biens dépendre du premier téméraire qui s'avisera de…, Molière, le Festin, III, 5. Bon ! voilà ce qu'il nous faut, qu'un compliment de créancier ! De quoi s'avise-t-il de nous venir demander de l'argent, et que ne lui disais-tu que monsieur n'y est pas ? Molière, ib. IV, 2.

PROVERBES

Un fou avise bien un sage, c'est-à-dire, un bon conseil peut venir d'où on ne l'attend pas.

Un verre de vin avise bien un homme, c'est-à-dire l'excitation que donne un coup de vin ne nuit pas.

On ne s'avise jamais de tout.

REMARQUE

Dans aviser, le sens d'apercevoir est le plus ancien, mais il est devenu familier. Les puristes du XVIIe siècle le condamnaient ; toutefois il a survécu, et heureusement, car c'est un des jolis mots de notre langue.

HISTORIQUE

XIIe s. Sire reis, fait li il, forment ai desiré Que une feiz vus eüsse veü e avisé, Et que jo buche à buche eüsse à vus parlé, Th. le mart. 77. Sur sun cute [coude] à un moine li sainz huem s'aspuia, En sun seant s'assist ; les baruns avisa, Mais mult pitusement les quatre reguarda, ib. 139.

XIIIe s. Pour regarder quel fame [ils] lui pourront aviser, Berte, III. Fille, ce dist la vieille, savez où je m'avise ? ib. LXXVI. Mout lui plut li païs, quant ele l'ot avisé, ib. LXXXI. Dame, ce dist la vieille, bien estes avisée, ib. XVI. Quant uns renduz [moine] s'est apuiez, Qui delez le puis s'est couchiez, Si prent dedenz à regarder, Et Ysengrin à aviser [apercevoir], Ren. 6942. Quant longement l'ot avisé, Sor la teste giete le cop, ib. 16227. Entre ces boutons en eslui [j'en élus] Ung si très bel qu'envers celui Nus des autres riens ne prisié, Puis que ge l'oi bien avisié, la Rose, 1666. Li baillis doit si justement ouvrer en son office que nule des parties qui ont devant lui à pledier, ne soient avisées par li, Beaumanoir, 34. Je me suis avisé que, se je demeure, je n'i voy point de peril que mon royaume se perde, Joinville, 257. Le ferrais [tapissier] s'avisa que le soudanc venoit touz jours jouer aus eschez après relevée, sus les nates qui estoient au piez de son lit, Joinville, 213.

XIVe s. Or escoutez pour Dieu de quoi il s'avisa, Guesclin. 19435. À ces fais-ci se doit toute gent aviser ; Car si tost que fortune veult sa roe tourner, Cellui qui est dessus fait dessous avaler, ib. 15153. Il vente d'un froit vent qui à hausser s'est pris ; N'est homme qui durast, ne cheval ne roncins ; Avisezvous, Bertran, chevalier et amis, Attendons à demain que jours soit esclarcis, ib. 18235. Or s'en va Bauduins li preus et li senés ; Se li contes l'atent, il est mal avisés, Baud. de Seb. VI, 724. Or oiés dont la bele, seignour, s'est avisée, ib. II, 318.

XVe s. Et avoient avisé une ville assez près de là, Froissart, I, I. 86. Là s'avisa la dame [résolut] qu'elle se partiroit tout coyement et vuideroit le royaume d'Angleterre, Froissart, I, I, 6. Et ainsi le vint-il dire de nuit à la roine d'Angleterre, et l'avisa du peril où elle estoit, Froissart, I, I, 12. Et avoient entente de prendre terre à un port qu'ils avoient avisé ; mais ils ne purent, Froissart, I, I, 18. Et un point que j'avise, C'est qu'entre touz court voix et renommée De pis avoir pour le peuple et l'Eglise, Deschamps, Souffrance du peuple. Et fut advisé que leurs gens ne viendroient plus avant, Commines, I, 8. Le roy [Louis XI] en venant à Peronne, il ne s'estoit point advisé qu'il avoit envoyé deux ambassadeurs, Commines, II, 7. Et les vins les meilleurs dont se peult adviser, Commines, IV, 9. Incontinent que le roy sceut l'allée dudit connestable, il advisa d'y donner remede, Commines, IV. 12. Prince, tant vit fol qu'il s'advise, Villon, Ballade.

XVIe s. Alexandre advisa que la fureur du cheval ne venoyt que de frayeur qu'il prenoyt à son umbre, Rabelais, Garg. I, 14. Ponocrates advisoyt quelque jour bien serain et ils faisoyent la plus grande chiere dont ilz se povoyent adviser, Rabelais, ib. I, 24. Gargantua fut advisé par Eudemon que, dedans le chasteau, estoyt quelque reste des ennemyz, Rabelais, ib. I, 34. Adviser pour le mieulx, Montaigne, I, 18. Les Lacedemoniens s'adviserent de s'escarter pour…, Montaigne, I, 49. J'advisay d'en tirer quelque usage, Montaigne, I, 95. J'en suis utilement advisé [averti] par ce recit, Montaigne, I, 102. En est il devenu meilleur ou plus advisé ? Montaigne, I, 42. Pourveu que tout d'un train ils advisassent d'establir quelque homme de bien en la place du condamné, Montaigne, IV, 83. Les lourdauts n'advisoient pas qu'ils ne faisoient que recouvrer une partie du leur, La Boétie, 53. Et aussi pourtant qu'elle soit chaste, si est-il besoing qu'elle s'advise d'estre gracieuse et courtoise, La Boétie, 295. Roger elle croit qu'elle advise, Et tout à coup son œil moite s'esgaye ; Si d'un cheval ou d'un laquet s'advise, C'est un message : ainsi elle se paye, La Boétie, 486. Par tous les moyens dont ilz se pouvoient adviser, Amyot, Lyc. 38. Ce fut la femme du roy, qui l'advisa de ceste maniere de supplier, Amyot, Thém. 46. Advisez ce que vous avez à faire pour vostre salut et seureté, Amyot, Fab. 7. Lors il advisa ceulx qui estoient en embusche, de la venue de Marcellus, Amyot, Marcel. 49.

ÉTYMOLOGIE

À et viser ; picard, awisier et adviser, regarder ; provenç. avisar, avizar ; espagn. avisar ; ital. avvisare.