« bâton », définition dans le dictionnaire Littré

bâton

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

bâton

(bâ-ton) s. m.
  • 1Morceau de bois assez long qu'on peut tenir à la main. Bâton servant d'appui. Un gros bâton. Un bâton noueux. Ils étaient armés de piques et de bâtons durcis au feu, Vaugelas, Q. C. III, 2. Si on veut donner un coup de bâton, Pascal, Prov. 7. Dont la conduite mériterait vingt coups de bâton, Hamilton, Gramm. 9.

    Jouer du bâton, manier un bâton avec dextérité, et aussi donner des coups de bâton.

    Familièrement. Une volée de coups de bâton, un grand nombre de coups de bâton.

    Fig. et familièrement. À coups de bâton, par force. Sa mère [de l'abbé de Mailly] l'avait fait prêtre à coups de bâton, et l'avait laissé mourir de faim longues années à Saint-Victor, Saint-Simon, 52, 122.

    Fig. Le bâton haut, d'autorité. Le chevalier de Lorraine mena Monsieur le bâton haut toute sa vie, fut comblé d'argent et de bénéfices, Saint-Simon, 93, 231.

    Mettre des bâtons dans les roues, entraver, susciter des obstacles.

    Sauter le bâton, faire quelque chose malgré soi, à contre-cœur ; locution tirée des chiens et des singes auxquels les bateleurs font sauter un bâton. Toutes les dames voulaient être nommées [du voyage], c'est ce qui leur fit sauter le bâton de s'entasser dans les carrosses des princesses, Saint-Simon, 60, 3. Quand on a compté sur un mariage de cette autorité, il ne se trouve plus de porte de derrière, et il leur fallut [aux Mailly] sauter le bâton d'assez mauvaise grâce, Saint-Simon, 3, 55. À quelques réponses brusques [de Pierre le Grand] aux derniers messages, ils [les ambassadeurs Anglais] sentirent bien qu'il fallait sauter ce dangereux bâton, et ils montèrent [aux échelles de corde], Saint-Simon, 54, 144.

    Fig. Battre l'eau avec un bâton, perdre sa peine.

    Fig. Prendre un bâton, faire mauvais accueil. Et, lorsque pour me voir ils font de doux efforts, Dois-je prendre un bâton pour les mettre dehors ? Molière, Mis. II, 1.

    Sortir d'une place le bâton blanc à la main, se disait d'une garnison qui se rendait en consentant à sortir sans armes et sans bagage.

    Fig. Sortir d'un emploi, d'une administration avec le bâton blanc, ou le bâton blanc à la main, en sortir pauvre. On dit de même : il est venu en cette ville le bâton blanc à la main, il y est venu pauvre.

    Le bâton, la peine de la bastonnade. Condamner au bâton. Faire mourir sous le bâton.

  • 2 Fig. Sa charge de prévôt est un dangereux bâton dans la main d'un méchant homme, Scarron, Rom. com. IIe p. ch. 15.
  • 3Bâton d'aveugle, bâton qui sert aux aveugles à se conduire.

    Fig. Ce bâton d'aveugle avec lequel marchait le modeste Locke, cherchant son chemin et le trouvant, Voltaire, Lettr. à M*** 1740. L'analyse, qui est le bâton que la nature a donné aux aveugles, Voltaire, Métaph. 4.

    Un aveugle sans bâton, se dit de celui qui n'est pas pourvu des objets nécessaires à sa profession.

    Bâton de vieillesse, celui qui est le soutien, l'appui d'un vieillard. Cet enfant sera un jour votre bâton de vieillesse. Bonne maman, consolez-vous, Prenez un bâton de vieillesse, Béranger, B. mam.

  • 4Bâton de chaise, morceau de bois qu'on met dans les portants d'une chaise à porteur.

    Bâton se dit aussi des bois tournés qui maintiennent les quatre pieds d'une chaise à s'asseoir. Ne mettez pas vos pieds sur les bâtons.

    Bâton de cage, bâton sur lequel se perche l'oiseau.

  • 5Bâton s'est dit jadis des armes montées sur un fût ou hampe. Les arquebuses, les mousquets, les fusils ont été dits de la sorte bâtons à feu.

    Bâton à deux bouts, espèce d'arme offensive qui consiste en un bâton ferré par les deux bouts. Il faisait le moulinet autour de soi avec une houssine qu'il avait arrachée à un laquais, et il s'en escrimait comme d'un bâton à deux bouts, Francion, liv. XI.

  • 6Batterie à bâtons rompus, batterie de tambour qui désigne l'action des mains donnant chacune deux coups de suite ; ce jeu de baguettes est un moyen d'étude, et l'accélération des battements produit un bruissement et non une batterie d'ordonnance ; de là la locution figurée : à bâtons rompus ou à bâton rompu, avec interruption, à diverses reprises. J'entendis à bâtons rompus leurs propos, Francion, liv. IV. Selon ma coutume paresseuse de travailler à bâton rompu, Rousseau, Avert. Vous voyez comme je travaille ; tout ce qu'on appelle décousu, bâton rompu, n'est rien en comparaison, Courier, Lett. I, 288.

    Bâtons rompus, espèce de tapisserie qui représente plusieurs bâtons rompus et entremêlés l'un dans l'autre. Cela s'est dit aussi de certains ornements d'architecture.

  • 7Bâton pastoral, la crosse d'un évêque.

    Bâton de chantre, sorte de bâton fort orné et recouvert d'argent que le chantre d'une église tient à la main pendant l'office divin en marchant en chape dans le chœur.

    Bâton de prieur, le bâton qu'un religieux, en qualité de prieur, porte derrière l'écu de ses armoiries.

  • 8Le bâton de la croix, d'une bannière, le bâton au haut duquel la croix, une bannière sont portées.

    Bâton de confrérie, le bâton de la bannière d'une confrérie.

  • 9Court bâton, petit bâton qui, mis avec d'autres plus longs, sert à tirer au sort. On dit a jourd'hui courte paille.

    Fig. Tirer au bâton, au court bâton avec quelqu'un, contester avec lui sans vouloir se relâcher sur rien. Il ne faut pas tirer au court bâton avec ses amis.

  • 10Bâton de croisure, outil des ouvriers de haute lisse.

    Bâton de preuve, celui qu'on trempe dans le sirop pour essayer la cuite.

  • 11Bâton se dit des choses qui ont la forme d'un petit bâton. Bâton de casse ; bâton de cire d'Espagne ; bâton de sucre d'orge.
  • 12Bâton de commandement, bâton que portent certains officiers investis d'un commandement.

    Bâton de maréchal, ou simplement bâton, dignité de maréchal. Il est du nombre des désespérés de n'avoir point de bâton [de n'être pas maréchal], Sévigné, 201.

    Bâton d'exempt, sorte de bâton qui marquait que celui qui le portait était un exempt.

    Bâton de mesure, petit bâton avec lequel un chef d'orchestre indique le mouvement.

  • 13En géométrie, on appelait bâton de Jacob un instrument composé de deux règles mobiles, avec des pinnules à l'extrémité, qui servait à prendre les hauteurs ou les distances, par la méthode des angles. Les anciens astronomes sont peints avec un bâton de Jacob à la main.

    Bâton de Jacob, trois étoiles du baudrier d'Orion qui sont en ligne droite.

    Le bâton de Jacob, la baguette d'un escamoteur.

    Il sait bien le tour du bâton, il est fin et adroit, il sait faire sa main ; locution prise des joueurs de passe-passe, qui ont d'ordinaire en main un petit bâton.

    Familièrement. Tour du bâton, profit secret et illicite. Phelypeaux était général des îles à la Martinique, qui est un emploi indépendant, de plus de 40000 livres de rente, sans le tour du bâton, qu'il savait faire valoir, Saint-Simon, 351, 127. J'ai du bien, du crédit et de l'argent comptant ; Quant au tour du bâton, vous en serez content, Boursault, Ésope à la cour, IV, 5.

  • 14En architecture, bâton, moulure en saillie ou gros anneau qui s'appelle aussi tore, et qui est un ornement de la base des colonnes.
  • 15 En termes de blason, bâton, le tiers d'une colonne en brisure.
  • 16 Terme de marine. Bâton de pavillon ou d'enseigne, petit mâtereau qui sert à arborer le pavillon.

    Bâton de flamme, bâton qui tient la flamme au bas du mât.

    Bâton d'hiver, petit mâtereau qui, lorsque le temps est mauvais, remplace le mât de perroquet dans un bâtiment de commerce.

  • 17Rouleau de bois dont l'orfévre se sert pour aplanir une plaque de métal.

    Cylindre de bois garni de peau de chien, pour frotter divers ouvrages.

  • 18 Terme de botanique. Bâton de saint Jean, la persicaire d'Orient (les jardiniers appellent bâton toute plante dont les fleurs sont disposées en épi le long d'un axe redressé et rigide).

    Bâton de Jacob, asphodèle jaune.

    Bâton d'or, violier jaune ou giroflée jaune.

    Bâton royal, l'asphodèle blanc ou l'asphodèle rameux. Dit aussi hache royale.

    Bâton de St Jacques, la rose trémière.

  • 19Dans l'écriture, traits longs et droits que font les commençants. Cet enfant fait des bâtons.

    Dans la musique, sorte de barre qui traverse perpendiculairement une ou plusieurs lignes de la portée et qui, surmontée d'un chiffre, exprime la quantité de mesures qu'il faut passer en silence

  • 20Par rain et par bâton, locution de droit féodal dont on se servait dans les solennités des investitures. Rain veut dire branche, de ramus ; mot à mot, par branche et par bâton.

    Le bâton, dans les coutumes féodales, était un signe par lequel on confiait une mission : on en verra des exemples dans l'historique.

HISTORIQUE

XIe s. Livrez m'en ore le gant et le bastun, Ch. de Rol XVII.

XIIe s. Qui donc veïst le duc sur un cheval gascon Poindre parmi les rues, à sa main un baston…, Sax. VIII.

XIIIe s. Et ne puent ne ne doivent les mestres ne les vallez donner deux goffres [gaufres] pour un denier, et sept bastons [sorte de pâtisserie] pour un denier, bons et loyals et metables, Liv. des mét. 351. Poi me porrai mès soustenir, Fors à baston ou à potence, la Rose, 12949. Por ce l'avons eslit qu'il a cuer de baron, Et qu'il reset assés d'escu et de baston, Ch. d'Ant. VII, 776. Et fust ainsi qu'il eust ja l'escu et le baston por combatre, Beaumanoir, LXIII, 1.

XIVe s. Un baston, appelé le baston au Lyon, et est fait en maniere de potence, et a, au bout du dist baston, une pointe d'argent, De Laborde, Émaux, p. 159. Deux bastons de cedre, garnis d'or, à deux pommeaux rons dessus, où, en l'un, a les armes de France et, en l'autre, de Mons. le Dalphin, De Laborde, ib. Un baston de ybenus aorné d'argent, pour l'office du chantre, De Laborde, ib. Un baston à seigner [bénir], qui a la teste d'une aigle de cassidoine, assise sur un pommel d'or esmaillé, et a ou bout une virole d'or à la pointe d'argent, De Laborde, ib. Vous ressemblez celui, à mon entention, Qui va merci priant, en sa main un baston, Guesclin. 21384.

XVe s. Ceux qui le baston du gouvernement avoient, Froissart, II, III, 27. Les dicts ambassadeurs, qui assez savoient le tour de leur baston, Bouciq. III, ch. 11. Le clerc, sachant le tour de son baston, s'en fit beaucoup prier, Louis XI, Nouv. XII. Un jeu que l'on nomme le jeu de baston, c'est assavoir l'un à tapper ou frapper et rompre le baston de son compaignon, Du Cange, basto.

XVIe s. Quelques capitaines d'infanterie, lesquels, estant payez pour cent hommes, n'en tiennent pas trente en leurs compagnies, et encores se moquent-ils des autres qui n'entendent pas le tour du baston, Lanoue, 106. Le vassal peut demembrer, bailler à cens et arrentement son fief, sans l'assens de son seigneur, jusqu'au tiers de son domaine, sans s'en dessaisir, ou la main mettre au baston ; qui est ce qu'on dit : se jouer de son fief, sans demission de foi, Loysel, 641. Il avoit bon nombre de chevaux de service, grande quantité de bastons et d'armes offensives de toutes sortes, et d'engins de baterie à tirer au loing, Amyot, Timol. 18. Lesdiguieres batit de quatre moiennes Guillestre, qu'il eut au bout de 900 coups, les soldats de Gascongne rendus au baston blanc, ceux du païs à discretion, D'Aubigné, Hist. III, 35. Discours premier sur le fait des harquebusades, et autres bastons à feu, Paré, IX, 1er disc. Cela fait [le vif-argent ainsi préparé], on peut dire estre un maistre Jehan, qui fait choses grandes et quasi miraculeuses, pourveu qu'on le sache bien manier à luy faire sauter le baston, Paré, XXIII, 47. Deux appuyés sur ung baston (proverbe), Génin, Récréat. II, p. 237.

ÉTYMOLOGIE

Norm. gaton et vaton ; provenç. et espagn. baston ; portug. bastao ; ital. bastone. Baston est un dérivé d'un simple qui se trouve dans l'espagnol bastos, bâtons, trèfle dans les cartes, et dont le radical est dans bâtir et bât (voy. ces mots).

SUPPLÉMENT AU DICTIONNAIRE

BÂTON.
8Ajoutez :

Anciennement, bâton de confrérie, bâton qui servait à porter aux processions l'image de quelque saint ou la représentation de quelque mystère ; fête à bâton, celle où l'on célèbre la fête du saint qui est au bout de ces bâtons.

21Le bâton blanc, se disait pour exprimer la déchéance, la défaite, la pauvreté. Adieu, ville peu courtoise Où je crus être adoré ; Aspar est désespéré ; Le poulailler de Pontoise Me doit ramener demain Voir ma famille bourgeoise, Me doit ramener demain Un bâton blanc à la main, Racine, Épigr. contre Fontenelle. C'est qu'alors un père pourrait, Pour punir son libertinage, Sevrer de tout son héritage, Chasser son gars comme un coquin, Et, le bâton blanc à la main, L'envoyer jouer à la paume, Glaner ou ramasser du chaume, 2e Harangue des habitants de Sarcelles, dans CH. NISARD, Parisianismes, p. 19 (1740)

On peut voir à l'historique le bâton blanc mis entre les mains d'une garnison qui se rend ; l'exemple est d'Aubigné.

PROVERBE

Il ne fait pas bon aller à sa porte sans bâton, se dit à propos d'un homme irascible et prompt à l'offense.

HISTORIQUE

À la fin, ajoutez : Les confrairies, assemblées et banquets accoutumez pour bastons et autres choses semblables, Ordonn. de Moulins sur la réforme de la justice, févr. 1566, art. 74.