« bouche », définition dans le dictionnaire Littré

bouche

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

bouche

(bou-ch') s. f.
  • 1Cavité située à la face et par où les aliments sont introduits dans le corps. Mettre à quelqu'un les morceaux à la bouche. Emplir la bouche. Porter une coupe à sa bouche. Une bouche fendue jusqu'aux oreilles. Ouvrir la bouche. La bouche ouverte. Bouche amère. Bouche sèche. David reproche aux païens des dieux qui ont une bouche et n'ont point de parole, Fontenelle, Oracl. I, 5. La bouche pleine, osez-vous bien Chanter l'amour qui vit de rien ? Béranger, Gourmands.

    Faire venir l'eau à la bouche, se dit d'un aliment appétissant, qui en effet fait venir la salive à la bouche ; et, au figuré, de toute espérance qui nous flatte. L'eau leur vient à la bouche, La Fontaine, Vill.

    Bonne bouche, saveur agréable dans la bouche. Cela fait ou donne bonne bouche. Laisser quelqu'un sur la bonne bouche, le laisser sur quelque chose de bon ou d'agréable. Vous n'en tâterez plus et je vous laisse sur la bonne bouche, Molière, G. Dand. II, 7.

    Garder pour la bonne bouche ou pour faire bonne bouche, réserver pour la fin ce qu'on croit être le meilleur ou le plus agréable. Cela est ainsi dit à cause des douceurs que l'on met sur la table au dessert.

    Avoir mauvaise bouche, avoir un mauvais goût dans la bouche. L'excès de la boisson donne mauvaise bouche.

    Au figuré, demeurer sur la mauvaise bouche, rester avec un échec, un affront, etc. L'empereur [d'Autriche], fort embarrassé des avantages que les Turcs avaient remportés, ne voulait point de paix sur la mauvaise bouche, Saint-Simon, 49, 75. M. le duc d'Orléans ne voulait pas demeurer sur sa mauvaise bouche d'Italie, et voyait peu d'apparence d'y faire rentrer son armée, Saint-Simon, 170, 12.

    Flux de bouche, abondance inaccoutumée de salive ; et figurément, bavardage ; on dit présentement d'ordinaire flux de paroles.

    Familièrement. Manger de la viande de broc en bouche, aussitôt qu'on l'a tirée de la broche.

  • 2Partie extérieure de la bouche, les coins et les lèvres. Il avait le sourire sur la bouche. Une bouche pincée, une bouche à lèvres minces et qui se tient fermée.

    Faire la petite bouche, serrer les lèvres pour paraître avoir une petite bouche ; et, figurément, faire le difficile, le dédaigneux. Faire ici de la petite bouche Ne sert de rien, La Fontaine, Cal. Les Pontchartrain ne firent pas la petite bouche de l'honneur qu'ils recevaient, Saint-Simon, 44, 10.

    Fig. Faire la bouche en cœur, faire des minauderies, affecter des manières doucereuses.

  • 3La bouche considérée comme organe de la parole. Parole bien digne de sortir de la bouche d'un si grand homme. Je le tiens de sa propre bouche. Dire tout ce qui vient à la bouche. Le front, les yeux mentent souvent, et la bouche plus souvent encore. La menace à la bouche. Dire quelque chose de bouche, non de cœur. Exercé dans la philosophie grecque qu'il ne professait que de bouche. Ouvrir la bouche, parler. Ne pas ouvrir la bouche. Il n'en a pas ouvert la bouche, il n'en a pas parlé. Être dans la bouche de tout le monde, dans toutes les bouches. Ces mots sont, cette parole est dans la bouche de tout le monde. Dire quelque chose de bouche, le dire de vive voix, par opposition à par écrit. De votre bouche, ô ciel ! puis-je l'apprendre ? Racine, Brit. IV, 3. Jamais rien de plus vrai n'est sorti de ma bouche, Racine, Iphig. IV, 1. Même le nom d'Esther est sorti de sa bouche, Racine, Esth. II, 1. Nous fûmes étonnés de la sagesse qui parlait par sa bouche, Fénelon, Tél. I. La sentence fut prononcée par la bouche du prophète Élie, Bossuet, Hist. I, 6. La bouche obéit mal lorsque le cœur murmure, Voltaire, Tancr. I, 4. Laissez parler, seigneur, des bouches plus timides, Racine, Iphig. III, 7. Des satisfactions si sensibles, que je ne te les pourrai dire de bouche, Pascal, Lettr. 1. Vous pourrez vous concerter avec lui de bouche, Rousseau, Hél. II, 3. Que sais-je si le cœur a parlé par la bouche ? Molière, Tart. II, 3. Vous vous condamnez par votre propre bouche, Massillon, Laz. Que mon cœur démentait ma bouche à tout moment, Racine, Andr. V, 3. Mais d'en ouvrir la bouche elle n'osa, La Fontaine, Court. Dès qu'il ouvrit la bouche, Sévigné, 445. Les rois n'osent ouvrir la bouche devant lui, Bossuet, Hist. II, 4. Alexandre vit dans la bouche de tous les hommes, sans que sa gloire soit effacée ou diminuée depuis tant de siècles, Bossuet, la Vallière. On me ferme la bouche, Racine, Iphig. III, 6. Ah ! l'on s'efforce en vain de me fermer la bouche, Racine, Brit. III, 3. Cela ferme la bouche, Sévigné, 320. Vous fermerez la bouche à tous ceux qui défendront la vérité, Pascal, Prov. 11. Il a trouvé le secret de vous fermer la bouche, Pascal, Prov. 15. Elle avait de quoi fermer la bouche aux médisants, Hamilton, Gramm. 9. Cela ferme la bouche à tout, Molière, l'Av. I, 7. Il ferma la bouche aux semi-pélagiens, Bossuet, Hist. I, 11. C'était leur fermer la bouche par l'autorité du souverain, Bossuet, Var. 14. Voilà une réponse qui ferme la bouche, Bossuet, Avert. 6.

    Elliptiquement. Bouche close, bouche cousue, c'est-à-dire gardez le silence sur ce point. Adieu ! bouche cousue, au moins ! Gardez bien le secret, que le mari ne le sache pas ! Molière, G. Dand. I, 2.

    Avoir souvent un mot à la bouche, le répéter sans cesse. Nous avons sans cesse la paix à la bouche, Bossuet, Trin. 2. Pourquoi a-t-il toujours à la bouche qu'il faut mourir ? Bossuet, Pâq. 1. La parole de Dieu que nous avons toujours à la bouche, Bossuet, Démons, 2. On a sans cesse l'État dans la bouche, Massillon, Obst. Avoir toujours en bouche angles, lignes, fossés, Corneille, Le Ment. I, 6. Le blasphème à la bouche, Corneille, Poly. III, 5. Nous n'avons en la bouche Que le nom de Marie et le nom de Louis, Malherbe, VI, 6.

    Aller, passer, voler de bouche en bouche, circuler rapidement dans le public, devenir célèbre. Ces mots : guerre aux tyrans, volent de bouche en bouche, Delavigne, Vêpres Sicil. V, 2.

    Familièrement. Être fort en bouche, parler avec hardiesse et même insolence.

    Avoir la bouche pleine d'une chose, en parler avec emphase.

    La déesse aux cent bouches, la Renommée. Le monstre composé de bouches et d'oreilles [la Renommée], Boileau, Lutr. II.

    Dans sa bouche, dans leur bouche, selon lui, selon eux. Le Tartuffe, dans leur bouche, est une pièce qui offense la piété, Molière, Préface de Tart.

    Ouvrir la bouche à quelqu'un, le faire parler. Le vôtre [intérêt] toutefois m'ouvrira seul la bouche, Corneille, Nic. II, 3.

    Le pape ouvre la bouche aux cardinaux nouvellement créés, se dit de la cérémonie que le pape fait pour autoriser les cardinaux à parler dans les consistoires.

    Par extension, bouche se dit des discours ou des écrits. Le Saint-Esprit l'explique par la bouche de saint Paul, Bossuet, Hist. II, 7. Les principes que l'antiquité nous a enseignés par la bouche de saint Augustin, Bossuet, Réfut.

    Avoir le cœur sur la bouche, parler comme on pense. Mais moi qui suis sensible à tout ce qui vous touche, Qui, mauvais courtisan, ai le cœur sur la bouche, Rotrou, Antig. V, 2.

    Fig. À pleine bouche, ouvertement. Saint Clément expliquait à pleine bouche leur apathie, Bossuet, Nouv. myst. 17. Jésus-Christ s'est expliqué à pleine bouche, Bossuet, Inst. 1.

  • 4La bouche considérée comme recevant les aliments. Provisions, munitions de bouche. Le moyen le plus convenable est de les mener [les enfants] par leur bouche, Rousseau, Ém. II. Friande assez pour la bouche d'un roi, La Fontaine, Rem.

    Prendre sur la bouche, se retrancher de la nourriture par économie.

    Être sur sa bouche, être gourmand.

    Être sujet à sa bouche, même sens. …Ma compagne de couche Fut, comme son papa, fort sujette à sa bouche, Scarron, Don Japhet, I, 2.

    S'ôter les morceaux de la bouche, se priver de manger suffisamment, et, plus généralement, se priver du nécessaire. Il s'ôte les morceaux de la bouche pour faire une petite pension à sa vieille mère.

    Les officiers, le service de la bouche ou, simplement, la bouche, les gens préposés au service de la table du roi. Servez, disais-je, à messieurs de la bouche, Versez, versez, messieurs du gobelet, Béranger, Damoclès.

    Avoir bouche à cour ou en cour, avoir droit de manger à quelqu'une des tables chez le roi. Il fallut établir des tables [à Marly] comme à Versailles, pour le bas étage de ce qui y avait bouche à cour, Saint-Simon, 268, 113.

    Familièrement. Traiter quelqu'un à bouche que veux-tu, lui faire faire excellente chère ; et fig. Être à bouche que veux-tu, avoir tout en abondance.

    Fig. Gourmand ou plutôt gourmet. Fine bouche. C'est une fine bouche.

    Personne à nourrir. On fit sortir de la place assiégée toutes les bouches inutiles.

  • 5En parlant du cheval, on dit la bouche. La bouche est l'ensemble des parties sur lesquelles agit le mors. Bonne bouche ou belle bouche, celle qui reçoit du mors une impression modérée ; bouche sensible ou tendre, celle qui souffre trop de l'action du mors ; bouche égarée, celle qui présente ce défaut porté à l'extrême ; bouche dure ou forte, celle qui résiste à la main du cavalier ; bouche fraîche, celle qui écume lorsque l'animal est bridé. Bouche à pleine main, se dit d'un cheval qui a l'appui ferme sans peser, sans battre à la main. Bouche en action, se dit d'un cheval qui mâche son mors. Assurer la bouche d'un cheval, l'accoutumer à souffrir le mors.

    Ce cheval est fort en bouche, il n'obéit point au mors. Il n'a ni bouche ni éperon, il est fort en bouche et dur à l'éperon. Tout ainsi qu'un cheval qui a la bouche forte, Régnier, Sat. VII.

    Fig. et familièrement. N'avoir ni bouche ni éperon, être stupide et insensible. Bocchoris était comme un beau cheval qui n'a point de bouche, son courage le poussait au hasard, et la sagesse ne modérait point sa valeur, Fénelon, Tél. II.

    On dit de même la bouche d'un âne, d'un mulet, d'un chameau, d'un éléphant.

    En histoire naturelle, bouche se dit, chez tous les animaux, de l'ouverture par où les aliments sont introduits, excepté chez ceux où elle a la forme de bec. uverture. La bouche d'un volcan, d'un four, d'un canon. Bouche à feu, un canon, un mortier, un obusier, etc. Bouche de chaleur, ouverture pratiquée sur les côtés d'une cheminée, d'un poêle ou d'un mur, et qui sert à faire passer dans les appartements la chaleur d'une cheminée, d'un poêle ou d'un calorifère.

  • 6Embouchure d'un fleuve. Les bouches du Nil. Je [le Gange] me rends par plusieurs bouches dans le sein des mers, Fénelon, XIX, 82. Jusqu'aux bouches du Tibre un vaisseau m'a conduit, Chénier M. J. Tibère, I, 1. Vers la bouche du fleuve ils ont osé paraître, Corneille, Cid, II, 7.
  • 7En physiologie, bouches veineuses, bouches absorbantes, orifices qu'à l'époque où l'on ne connaissait pas encore la propriété physique d'endosmose, on avait supposées dans les membranes pour expliquer l'absorption des liquides mis en contact avec ces membranes.
  • 8 Terme de géologie. Bouche d'Éole, ouverture dans les montagnes, d'où sortent des vents très froids.
  • 9 Terme de féodalité. Un vassal doit la bouche et les mains à son seigneur, c'est-à-dire, avec l'aveu de soumission, il met ses mains dans celles du seigneur.
  • 10 Terme de musique. Ouverture horizontale du bas d'un tuyau d'orgue.
  • 11 Terme de boulangerie. Tirer à la bouche, attirer la braise vers la bouche du four. Bouche de pain, la croûte de dessus.
  • 12 Terme de marine. Bouche ou bosson, rondeur des baux et tillacs, et de tout ce qui n'est ni plat ni uni.

PROVERBES

C'est saint Jean bouche d'or, un saint Jean bouche d'or, c'est-à-dire, c'est un homme beau parleur et qui fait de belles promesses, et aussi c'est un homme qui dit toujours sa pensée avec franchise, par souvenir de saint Jean Chrysostome ou Bouche d'or.

Il dit cela de bouche, mais le cœur n'y touche ; il parle contre sa pensée.

Il arrive beaucoup de choses entre la bouche et le verre, c'est-à-dire il ne faut qu'un moment pour faire manquer une affaire par quelque accident imprévu.

Gouverne ta bouche selon ta bourse, c'est-à-dire ne fais pas pour ta table, et en général pour quoi que ce soit, plus de dépenses que ta fortune ne permet.

REMARQUE

Des grammairiens ont condamné cette locution : il n'a que de mauvaises paroles en bouche, assurant qu'il faut dire : à la bouche. Le fait est que cette dernière façon de parler est aujourd'hui la plus usitée ; mais l'autre n'est condamnable ni quant à la grammaire (car la préposition en est ici aussi bonne que la préposition à) ni quant à l'usage (car on peut voir que de bons auteurs s'en sont servis).

SYNONYME

BOUCHE, GUEULE. C'est en parlant des animaux qu'il y a quelque difficulté à distinguer ces deux mots. L'usage veut qu'on dise la bouche d'un cheval, d'un âne, d'un mulet, d'un chameau, d'un bœuf, et en général des animaux que l'on monte ou que l'on attelle ; mais on dira la gueule d'un chien, d'un chat, du moins dans le langage ordinaire ; car le mot bouche pourra être employé toutes les fois qu'on se rapprochera du langage de l'histoire naturelle qui, elle, ne se sert pas du mot gueule : le lion montrait une gueule menaçante ; mais on pourra dire : la bouche du lion est garnie de dents incisives.

HISTORIQUE

XIe s. Puis se baiserent es buches et es viz [visages], Ch. de Rol. XLVIII. [Il] Met à sa buche une claire buisine [trompette], ib. CCLVII.

XIIe s. [Il] Met le [le cor] à sa boche, si sone durement, Ronc. 278. Sa bele bouche et li vair œil riant, ib. VIII. Mais [ils] n'i voient riens qui fasse à desplaire N'en cors, n'en bras, n'en bouche, n'en menton, ib. II. La boiche [elle] ot savoureuse, plus vermeille que sans [sang], Sax. V. Sires reis, fait li il, forment ai desiré Qu'une feiz vus eüsse veü et avisé, E que jo buche à buche eüsse à vus parlé, Th. le mart. 77. [Elle ne peut s'empêcher] Que ele ne lui rende arriere, Au moins de bouche, son salut, La charrette, 1556.

XIIIe s. Les autres nès [vaisseaux], qui par là n'alerent mie, furent entrées en la bouche de Avie [Abydos], Villehardouin, LX. À force [ils] lui ouvrirent la bouche outre son gré, Berte, X. Mauvaisement lor souvient de l'escritoure, qui dist par la bouce David le roi : fairés jugement et justice en tous tans, Chron. de Rains, p. 2. Renart vit qu'il ne pot durer Ne por foïr ne por aler ; La boche li vet escumant, Ren. 11333. Moult m'as hui fait grant destorbier Qu'entre ma boce et ma cuillier As hui proie sor moi sesie, ib. 20532. Si m'a mes mestres deffendu, Que ja mot n'isse de ma boiche Qui de ribaudie s'aproiche, la Rose, 5739. Et si doivent li clerc jurer qu'ils escriront ce qui lor sera dit des bouques as auditeurs tant solement, Beaumanoir, XL, 26. Aucune fois avient il que priere n'est pas fete de bouce ; mais on le [la] mande par letres, Beaumanoir, XXIX, 6. L'evesques si de li s'aprouche Que parleir i pout bouche à bouche, Rutebeuf, 278. Ce est cil sires qui s'aparut à Jacob et parla à li boche à boche, Psautier, f° 177. Tel en pensé, tel en la buche, Marie de France, Fab. 82. Le jour fu mis en escript et fu aporté au legat ; que [car] monsieur le me dit de sa bouche, Joinville, 280. Preudomme est si grand chose et si bonne chose que neis [même] au nommer emplist il la bouche, Joinville, ib.

XIVe s. Il est escript que celui qui sera occis perira par la bouche de deux tesmoings ou de trois, Oresme, Eth. 162.

XVe s. Puis dit [le comte de Flandre à son valet] : aie bonne bouche ; si tu eschiés [tombes] es mains de mes ennemis et on te demande de moi, garde toi que tu n'en dises rien, Froissart, II, II, 156. Nous vous prions que vous fassiez la response au heraut. - Volontiers, dit-il, mais il faut qu'il ait de nostre argent ; si, nous fera courtoisie, et nous portera bonne bouche [parlera favorablement] envers ses seigneurs qui ci l'ont envoyé, Froissart, II, III, 42. Et lors ledit roy de France recevra ledit roy d'Angleterre et duc de Guienne au dit hommage lige, à la foy et à la bouche, sauf son droit et l'autrui [forme de l'hommage d'Édouard à Ph. de Valois], Froissart, I, I, 53. En close bouche n'entre mouche, Hôtel Jacques Cœur dans JAUBERT, Gloss. J'aymasse mieux de bouche vous le dire, Orléans, Ball. 20. Il gardera de mal parler sa bouche, Orléans, 10. Soit verité en ta bouche ; Car cilz en qui elle touche Est amis de Dieu prouchain, Deschamps, Lay du roy. Les deux qui meilleures bouches avoient pour franchement parler tout ce que ne pourroient celer, J. de Saintré, p. 126, dans LACURNE. L'ay sceu de bouche par ceulx qui les conduysoient, Commines, V, 13. Elle lui promit que, s'il portoit bonne bouche [gardait le secret], elle lui donneroit…, Louis XI, Nouv. XL. Pour faire bonne bouche [à la fin], la bonne demoiselle d'un maistre prestre s'accointa, Louis XI, ib. LXXVIII. Qui m'aime, ma bouche le scet, Proverbe, dans LEROUX DE LINCY. Et le capitaine respondit : Il ne faut pas faire la petite bouche, Roman du Jouvencel, f° 58, dans LEROUX DE LINCY.

XVIe s. Une oraison, laquelle garentit la personne de toutes bouches à feu, Rabelais, Garg. I, 42. Par la vertu desquelles paroles il luy faisoyt venir l'eaue à la bouche, Rabelais, Pant. II, 21. Je te reservoys à bonne bouche : je te prye, dy moi ton adviz, Rabelais, ib. III, 26. Les trente escutz sont quasi venuz à leur fin ; et si non ay rien despendu en meschanceté, ny pour ma bouche, Rabelais, Épi. 12. Tandis rostir sa perdrix on faisoit… [le gros prieur] La perdrix vire : au sel de broque en bouche La devora…, Marot, Épigr. contre un gros prieur. Ces nations que, si à pleine bouche, nous appelons barbares, Montaigne, I, 24. C'est une regle en la bouche de touts les hommes, Montaigne, I, 25. Ordinairement ils ont ce proverbe en la bouche, Lanoue, 501. Aucunes, après avoir apris à amadiser de paroles, l'eau leur venoit à la bouche, tant elles desiroyent…, Lanoue, 134. Et tel y a qui tient en sa maison plus de vingt bouches, et treize ou quatorze chevaux, Lanoue, 299. Les maladies s'engendrerent parmi ces grosses troupes : à quoy aiderent beaucoup les excès de la bouche, Lanoue, 409. Comme celles qui, venant au banquet après avoir bien disné, font la petite bouche devant le monde, Yver, p. 562. Les enfans ne doivent coutumierement que bouche et mains [foi et hommage], avec le droit de chambellage, qui est du par tous, Loysel, 560. En quelques contrées la femme ne doit que la main ; mais la courtoisie françoise doit aussi la bouche, Loysel, 564. Cinglant oultre la bouche de la riviere d'Achelous, il alla courir toute la province d'Acarnanie, Amyot, Péric. 40. Il ferma la bouche aux larrons, qui si haultement le louoient, Amyot, Arist. 10. Il n'estoit aucunement sujet à sa bouche, il ne beuvoit jamais oultre mesure, Amyot, Sertor. 17. Ses rencontres et brocards sentoient leur soudard à pleine bouche, Amyot, Anton. 32. Le cheval de Cyrus, qui estoit ardent, et avoit fort mauvaise bouche, le porta malgré luy bien loing de ses gens, Amyot, Artax. 13. Apelles luy ferma la bouche dextrement en luy disant…, Amyot, De la tranq. d'âme, 25. M. le mareschal leur donne mille livres et bouche à cour, pour se tenir près de sa personne, D'Aubigné, Faen. III, 20. Monsieur, je me mets à genoux devant vous pour que vous m'en disiez quelque cause, et que je m'en aille en cette bone bouche, D'Aubigné, ib. III, 21. Emporté par un cheval fort en bouche, D'Aubigné, Hist. I, 302. Le Dauphiné, la Provence et le Languedoc ne faisoient plus la petite bouche de la guerre, D'Aubigné, ib. II, 234. Sur quoi le gouverneur venant d'un festin s'essuya la bouche de son gouvernement [trouva la ville prise], D'Aubigné, ib. III, 378. Il monta au dessus de l'artillerie ennemie, puis, se jetant à droite, la saisit et tourna la bouche vers le gros, D'Aubigné, ib. 424. Tambour battant, meche alumée, bale en bouche, D'Aubigné, ib. 477. Ces espions estans au supplice chargeoient tout hault le mareschal du Biez ; et qu'il leur avoit ainsi fait la bouche [la langue], Carloix, II, 13. Et une aultre charrette chargée de pains de bouche, aussi dedans des tonnes, Carloix, V, 16. Vin d'Orleans, de Magdon, de Gascoigne blanc et clairet, et tous les aultres vins de bouche [fins], Carloix, III, 26. Nostre armée tourna la teste vers l'ennemy, marchant nostre artillerie la bouche devant, Du Bellay, M. 143. Tant ce bestail a bonne bouche, se paissant de tout, mesme du foin, des perches de saule…, De Serres, 411. Mais tout ainsi qu'un beau poulain farouche, Qui n'a masché le frein dedans la bouche, Ronsard, 183. Dessus un coffre à bouche [à dents, sur le ventre] se coucha, Ronsard, 629. Bouche en cueur, Génin, Récréat. t. II, p. 236. Ils parlent bas et à demy bouche, Charron, Sagesse, liv. II, Préface. Comment ? ay-je laissé quelque mauvaise bouche [bruit] de moy après ma mort ? Pasquier, Rech. p. 905, dans LACURNE. Nous trouvons que deux rustiques se rapporterent à un juge s'il falloit dire la bouche d'un cheval ou la gueule, et firent une gageure ; le juge va dire qu'à cause de l'excellence du cheval, il falloit dire la bouche, Bouchet, Serées, liv. I, p. 346, dans LACURNE. Il survient bien des inconvenients entre bouche et cuillier, Contes d'Eutrapel, p. 185, dans LACURNE. Case ou maison de terre, cheval d'herbes, amy de bouche ne vaillent pas une mouche, Gabr. Meurier, Trésor de sentences, dans LEROUX DE LINCY.

ÉTYMOLOGIE

Picard, bouque ; provenç. et espagn. boca ; ital. bocca ; du latin bucca, que l'on rattache au sanscrit bhuj, manger.

SUPPLÉMENT AU DICTIONNAIRE

BOUCHE.
3Ajoutez :

À demi-bouche, en s'exprimant avec réserve. Les gens de bien qui voyaient les violences de M. le premier président en conçurent de grandes amertumes, et néanmoins, comme il est tout puissant en toute la Normandie, n'osaient parler de son procédé qu'à demi-bouche, Fr. Garasse, Mémoires, publiés par Ch. Nisard, Paris, 1861, p. 34.

14Bouche de lièvre, merellius cantarellus, champignon.

REMARQUE

Ajoutez : 2. Molière a dit dans ma bouche pour : moi parlant : Enfin, ma chère, enfin, l'amour que j'eus pour lui Se voulut expliquer, mais sous le nom d'autrui ; Dans ma bouche, une nuit, cet amant trop aimable Crut rencontrer Lucile à ses vœux favorable, Molière, Dép. am. II, 1. On dirait aujourd'hui par ma bouche.