« bouillir », définition dans le dictionnaire Littré

bouillir

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

bouillir

(bou-llir, ll mouillées, et non bou-yir), je bous, tu bous, il bout, nous bouillons, vous bouillez, ils bouillent ; je bouillais ; je bouillis ; je bouillirai ; je bouillirais ; bous, bouillons, bouillez ; que je bouille, que nous bouillions ; que je bouillisse, que nous bouillissions ; bouillant ; bouilli, bouillie v. n.
  • 1Produire des bulles qui crèvent au fur et à mesure, en parlant d'un liquide soumis à la chaleur ou à la fermentation. Le café bout. Le vin bout dans la cuve. L'eau bout dans le vide.

    On dit, en prenant le contenant pour le contenu, le pot bout.

    Par extension. Dès qu'un certain acide en notre corps domine, Tout fermente, tout bout, les esprits, les liqueurs, La Fontaine, Quinquina, II.

    Être brûlant. La tête me bout.

  • 2Se cuire en bouillant. Quand les olives auront assez bouilli. La viande bouillait lentement.

    Fig. et familièrement. N'être bon ni à rôtir ni à bouillir, n'être propre à rien.

    Bouillir du lait à quelqu'un, lui être agréable en parole ou en action. Cette locution est le seul cas où bouillir soit employé activement. Colbert mort, et Pelletier contrôleur général de la façon de M. de Louvois, le roi lui donna ordre de chasser Desmarets et de lui faire une honte publique : c'était bouillir du lait à une créature de Louvois, Saint-Simon, 77, 256.

  • 3Faire bouillir. Faire bouillir des marrons dans de l'eau. En faisant bouillir de la viande. On dit, dans le même sens, mettre bouillir.

    Au fig. Cela me fait bouillir le sang dans les veines, cela me cause une vive impatience. Les esprits où il n'y a point de remède font bouillir le sang, Sévigné, 42.

    Familièrement. Cela fait bouillir la marmite ou le pot, cela procure les moyens de vivre.

    Faire bouillir, ancien supplice qui consistait à faire périr le condamné dans une chaudière bouillante. J'ai vu bouillir leurs corps dans la poix et les flammes, Rotrou, St Genest, III, 2.

  • 4 Fig. Bouillir de colère, surtout d'impatience. Je bouillais. Jeune homme à qui le sang bout. Ceux à qui la chaleur ne bout plus dans les veines, Malherbe, II, 12. Lorsqu'aux veines des Grecs le sang bouillait encore, Rotrou, Antig. I, 6. Du frêle arbuste où bout la noble séve, La moindre fleur parfume au loin les airs, Béranger, Damoclès.

HISTORIQUE

XIe s. Dessouz le front lui buillit [bout] la cervelle, Ch. de Rol. CLXIV.

XIIIe s. Mais es noeces ot joie molt ; Toute li cours fremist et bout [s'agite] ; Toute nuit dansent et carolent, Roi Guillaume, p. 91, dans DU CANGE, Gloss. français, au mot boudre. Adont fist Salehedin prendre or et argent, et le fist fundre en une pouele de fier, puis li fist avaler en la gorge tout boullant, et maintenant li convint morir, Chron. de Rains, 112. Renart mist l'iave sor le feu, Et la fist trestote boillant, Ren. 1091. Tant burent à leur volenté Qu'à Primaut le cervel bolut, ib. 3151. Ou sera bouillis en chaudieres, Ou rostis devant et derrieres, la Rose, 19475. Qui porroit paradis avoir Après la mort por son avoir, Bon feroit enbler et tolir ; Mes il les covendra boillir Ou puis d'enfer sans jà reembre [sans rançon], Rutebeuf, 189.

XIVe s. Que depuis icellui Mesnagier ait esté pris par nostre bailli de Constentin, et par icellui pour ladite cause [de fausse monnoie] sa confession oye, condempné à mort et à estre bouli… Et quant ledit Mesnagier fu mis en la chaudiere, Du Cange, bullire. Cuers dementir, cerveles boudre, Guiart, t. I, p. 110.

XVIe s. En eau bouillant, Marot, IV, 24. Et puis on va, pour la faire bouillir, L'herbe nouvelle à la lune cueillir, Du Bellay, J. IV, 21, recto. L'herbe nouvelle on fauche au cler serein, Pour la bouillir dedans vaisseaux d'airein, Du Bellay, J. IV, 74, recto. Le moust bouillant dans un vaisseau pousse à mont tout…, Montaigne, II, 12. Si elles en prennent un à qui la vigueur de l'aage boult encores, Montaigne, III, 327. Ils faisoient bouillir de vieux souliers et de vieilles burettes à huyle pour en tirer quelque saveur, Amyot, Sylla, 30. L'enfant osta le couvercle de la chaudiere où estoit l'eau toute bouillante, et saultant dedans s'y boulut et estouffa, Amyot, Démétr. 30. Il faut bouillir la dite gerbe en eau et miel, Paré, V, 29. En lieu de vin, il usoit d'eau bouillie et souvent toute pure, Paré, V, 30. Prenez racines de tintimal, boullues en vin, Paré, XV, 26. Lorsque l'eau bouil, De Serres, 846. Vous les ferés buillir une onde dans l'eau claire, De Serres, 847. Vous les bouillirés un peu en l'eau claire, De Serres, 848. Si le courroux bout encor en son cueur, Ronsard, 608.

ÉTYMOLOGIE

Picard, boulir, bolir ; wall. boûr ; provenç. bulhir, bolhir, buillir ; catal. bullir ; ital. bullire ; du latin bullire, de bulla (voy. BULLE). Le wallon boûr suppose un changement de conjugaison, bullere au lieu de bullire, avec l'accent tonique sur bul au lieu de l'accent sur li ; cette forme se trouve aussi dans l'ancien français, mais elle appartient à Guiart qui était flamand ; de sorte que cette conjugaison serait du nord de la France. La conjugaison est régulière au présent ; car le latin bullio, bullis, bullit, ayant l'accent tonique sur la première syllabe, n'a pu donner jadis que : je bous, tu bous, il bout.

SUPPLÉMENT AU DICTIONNAIRE

BOUILLIR. Ajoutez : - REM. Bouillir, qui n'est actif que dans la locution figurée : bouillir du lait à quelqu'un, est maintenant employé activement dans l'usage général. Ce lait nous arrive de la campagne plus ou moins falsifié, toujours étendu d'eau, représentant la traite du jour et de la nuit ; il faut le bouillir pour le conserver, Journ. offic. 12 avril 1875, p. 2632, 1re col.