« bruire », définition dans le dictionnaire Littré

bruire

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

bruire

(bru-i-r'. Autrefois, dans bruire, brui était monosyllabe comme dans bruit ; aujourd'hui il est dissyllabe) v. n.

Verbe défectif, usité seulement à l'infinitif ; au présent singulier de l'indicatif : je bruis, tu bruis, il bruit ; à l'imparfait : je bruyais, et les autres personnes ; au futur et au conditionnel : je bruirai, je bruirais ; et aux temps composés : il a bruit.

  • 1Rendre un son confus. Le vent bruit dans la forêt. Les serpents à sonnettes bruyaient de toutes parts, Chateaubriand, Atala, 252. Mais quoi ! n'entends-je pas, avec de sourds murmures, De ta base à ton front bruire les armures, Colonne… ? Hugo, Odes, III, 7.
  • 2Faire bruire, faire retentir.

    Fig. Faire bruire ses fuseaux, faire grand bruit dans le monde. Vous voyez depuis un temps que le vin émétique fait bruire ses fuseaux, Molière, Festin, III, 1.

REMARQUE

L'imparfait ancien et grammatical de bruire est je bruyais ; toutefois l'usage commence à en introduire un autre : Les insectes bruissaient sous l'herbe, Bernardin de Saint-Pierre, dans GIRAULTDUVIVIER. ; La ville… Bruissait à ses pieds comme une ruche pleine, Lamartine. Ce serait absolument un barbarisme si cet imparfait ne s'appuyait sur son analogie avec bruissement. Pour que bruissement se soit établi, il faut supposer une conjugaison irrégulière et fautive, qui a pris ce verbe comme si, s'écrivant bruir, il se conjuguait sur finir, et d'après laquelle l'imparfait je bruissais s'est formé. C'est de la même façon qu'on a fait un participe bruissant, et un subjonctif que je bruisse. Ce sont des procédés que l'usage tente pour combler les lacunes du verbe bruire devenu à tort défectif.

HISTORIQUE

XIIe s. Bruient li mont, et li val resona, Ronc. p. 85.

XIIIe s. …Et jure entre ses denz Que quiconques il doie nuire, Si fera il ses grenons [mâchoires] bruire Ou de chapons ou de gelines, Ren. 5012. Vers une riviere m'adresce Que j'oï près d'ilecques bruire, la Rose, 105. Car quant el [Peur] ot bruire le vent, Ou ele ot saillir deus langotes [sauterelles], Si l'en prennent fievres et gotes, ib. 3896. La riviere qui bruit, Rutebeuf, 251. Tiex gens ne vont pas seuls en enfer le puant, Que leurs hoirs et leurs fames vont après eus bruant, Où il ne trouveront qui les aille chuant [choyant], Ains seront tuit ensemble tormenté li truant, J. de Meung, Test. 1982.

XVIe s. Et qu'il n'y ait gros canon raccourcy, Qui ceste nuit ne bruye par outrance, Marot, II, 296. Tu dois en los par sus Mercure bruire, Marot, II, 378. Un cler ruisseau bruyant près de l'umbrage, Marot, III, 293. Sans fin bruira le nom et gloire de ce roy nompareil, Marot, IV, 299. Si faut-il toutefois que Bellay s'esvertue, Aussi bien que la mer, de bruire ta vertu, Du Bellay, J. VI, 43, verso. Les grosses citez, que font-elles, sinon tirer tous les profits qu'elles peuvent, faire bruire leurs privileges, et jetter sur le pauvre peuple champestre toutes les charges et les miseres ? Lanoue, 13. La jeunesse de la cour bruyoit de ce voyage et s'en rejouissoit, Carloix, IV, 10. Dès aujourd'huy je feray bruyre [annoncer] mon partement de ce lieu, Carloix, VI, 40. Si commencerent adonc les Romains à faire bruire des bassins et autres vaisseaux de cuivre, Amyot, P. Aem. 29. Il me dist que c'estoient toutes bayes ce qu'on bruyoit par deça de la licorne, Paré, Mumie, 7.

ÉTYMOLOGIE

Provenç. bruzir, brugir ; anc. catal. brugir ; ital. bruire. Ménage propose, et Diez incline à admettre rugire, rugir, avec l'addition d'un b pour renforcer le mot. Il y a dans le celtique : bas-breton, brûd, bruit ; kymri, broth ; irland. bruidhean, qui sont tentants, mais on ne voit pas comment, de ces mots, le g qui se trouve dans le provençal et le catalan serait venu. Bruire a été actif dans le XVIe siècle.