« cervelle », définition dans le dictionnaire Littré

cervelle

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

cervelle

(sèr-vè-l') s. f.
  • 1La substance du cerveau. La cervelle jaillit sur le pavé. Il s'est fait sauter, il s'est brûlé la cervelle d'un coup de pistolet. Belle tête [un buste], dit-il, mais de cervelle point ; Combien de grands seigneurs sont bustes en ce point ! La Fontaine, Fabl. IV, 14.

    Le soleil lui a fait bouillir, lui a desséché la cervelle, se dit d'un homme qui est incommodé pour s'être exposé à la trop grande ardeur du soleil.

    Terme de cuisine. Cerveau de certains animaux de boucherie. Des cervelles frites.

    Par extension, cervelle de palmier, moelle bonne à manger que contiennent certains palmiers.

  • 2 Fig. Tête, esprit, fantaisie, raison. S'alambiquer la cervelle. Tête sans cervelle. C'est une bonne cervelle, c'est un homme de sens. Cervelle légère, évaporée, éventée. Mais pour dire le vrai, je n'en ai la cervelle, Régnier, Sat. III. Passer pour esprit faible ou pour cervelle usée, Corneille, le Ment. V, 3. On n'a point à louer les vers de messieurs tels, à donner de l'encens à madame une telle, Et de nos francs marquis essuyer la cervelle, Molière, Mis. III, 7. Jupin en a bientôt la cervelle rompue, La Fontaine, Fabl. III, 4. Corrigez-vous, dira quelque sage cervelle, La Fontaine, ib. II, 14. Le vertueux Anselme à la sage cervelle, La Fontaine, Pet. chien. Elle eût à Job fait tourner la cervelle, La Fontaine, Belph. L'émotion lui tourna la cervelle, La Fontaine, Rem. Il croit régler le monde au gré de sa cervelle, Boileau, Sat. IX. Un faux Esculape à cervelle ignorante, Boileau, Poésies div. 7. Je ne puis arracher du creux de ma cervelle Que des vers plus forcés que ceux de la Pucelle, Boileau, Sat. VII. Je ne souffrirai point que l'amour lui fasse tourner la cervelle, Regnard, la Sérén. 7.

    Familièrement. Cela lui trotte depuis longtemps dans la cervelle, il en est préoccupé depuis longtemps.

    Mettre, tenir en cervelle, en inquiétude, dans l'embarras. Et c'est cela qui me tient en cervelle, Scarron, Jodelet, I, 5. Ce dédit m'embarrasse et me tient en cervelle, Regnard, Distrait, III, 11.

    S'user la cervelle. L'amant, à force de rêver Sur les ordres nouveaux qu'il lui fallait trouver, Vit bientôt sa cervelle usée, La Fontaine, Chose imposs.

    Cervelle de lièvre qui se perd en courant, se dit d'un homme qui a mauvaise mémoire.

SYNONYME

CERVEAU, CERVELLE. Ces deux mots, étymologiquement identiques, ont pris cette nuance que cerveau est plutôt l'organe considéré en sa totalité, et cervelle plutôt la substance qui le compose.

HISTORIQUE

XIe s. Et la cervele lui chet as piez, Ch. de Rol. CIV. Par les oreilles fors se ist la cervele, ib. CLXV.

XIIe s. Sanc et cervelle [il] fait voler en l'herbage, Roncisv. 65.

XIIIe s. Entre païens se fierent, moult en vont ociant, De sanc et de cervele va li ruissos courant, Ch. d'Ant. I, 460.

XVIe s. Es ungs escarbouilloyt la cervelle, es aultres rumpoyt braz et jambes, Rabelais, Garg. I, 27. Il fault frotter et limer nostre cervelle contre celle d'aultruy, Montaigne, I, 164. M. le mareschal d'Anville m'a dit aussi avoir esté en armes et en cervelle bonne partie de la nuit, Lanoue, 569. Il y a de trop bonnes cervelles au conseil du Roy pour donner les gens de bien en proye à cette canaille, D'Aubigné, Faen. III, 20. Fonslebon d'un coup de pistolet defonsa la cervelle au comte d'Aiguemont, D'Aubigné, Hist. III, 231. Affin que le soldat ne devint poultron, et pour le tenir toujours en devoir et cervelle, il faisoit donner souvent des allarmes, Carloix, IX, 7.

ÉTYMOLOGIE

Bourg. sarvelle ; provenç. cervela, servela ; du neutre pluriel cerebella, de cerebellum (voy. CERVEAU), transformé en nom singulier féminin ; transformation qui n'est pas rare dans les langues romanes.