« chômer », définition dans le dictionnaire Littré

chômer

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

chômer

(chô-mé) v. n.
  • 1Ne pas travailler parce qu'on solennise une fête. Les dimanches on chôme. Profitons, s'il se peut, d'un si fameux exemple ; Chômons ; c'est faire assez qu'aller de temple en temple, Rendre à chaque immortel les vœux qui lui sont dus, La Fontaine, Filles de Minée.
  • 2Ne pas travailler par manque d'ouvrage. Un bon ouvrier chôme rarement. Les ouvriers chôment bien souvent dans les saisons rigoureuses, dans les crises industrielles.

    Ne pas travailler pour une raison quelconque. Nous suons, nous peinons comme bêtes de somme ; Et pour qui ? pour lui seul : nous n'en profitons pas ; Notre soin n'aboutit qu'à fournir ses repas ; Chômons, c'est un métier qu'il veut nous faire apprendre, La Fontaine, Fabl. III, 2. Ne t'attends pas que je t'aide un seul brin, Ni que par moi ton labeur se consomme ; Je t'ai jà dit que j'étais gentilhomme, Né pour chômer et pour ne rien savoir, La Fontaine, Papef.

  • 3 Par extension. Ce moulin, ce canal chôme, ils ne travaillent pas. La monnaie chôme, les ateliers de monnayage ne travaillent pas. La terre chôme, elle est en jachère. L'argent chôme, il ne produit pas d'intérêt.
  • 4Chômer de, manquer de. Chômer de besogne. N'épargnez pas le bois, on ne vous en laissera point chômer. Partez, vous ne chômerez pas d'argent pour votre voyage.
  • 5 V. a. Solenniser par la cessation du travail. Constantin établit que l'on chômerait le dimanche, Montesquieu, Espr. XXIV, 23. Au lieu de chômer les saints et de faire pénitence, Courier, I, 211. Qu'on me révère et qu'on chôme ma fête, La Fontaine, Diable. Mais à quoi sert Bacchus qu'à causer des querelles ?… Et nous irons chômer la peste des humains ! La Fontaine, Filles de Minée. Vierge n'était, martyr et confesseur Qu'il ne chômât, La Fontaine, Cal. Tous les voisins chômèrent la défaite De ce démon, La Fontaine, Papef.

PROVERBES

Il ne faut point chômer les fêtes avant qu'elles ne soient venues, il est imprudent de se réjouir de ce qui est à venir, et aussi il ne faut pas s'affliger d'un mal qui n'est pas encore venu et qui peut-être ne viendra pas. Laissons venir la fête, avant que la chômer, Molière, le Dép. I, 1.

C'est un saint qu'on ne chôme plus, se dit d'un homme qui a perdu crédit, pouvoir, réputation. L'honneur est un vieux saint que l'on ne chôme plus, Régnier, Sat. XII.

REMARQUE

1. Régnier écrit chommer, ainsi que La Fontaine : [la goutte] S'étend à son plaisir sur l'orteil d'un pauvre homme, Disant : je ne croïs pas qu'en ce poste je chomme, Fabl. III, 8. Cette orthographe et cette prononciation sont tout à fait hors d'usage.

2. L'orthographe et la prononciation chômer reproduit non la plus ancienne orthographe qui est chomer, mais celle qui s'introduisit durant le XVIe siècle et le XVIIe siècle, chaumer.

HISTORIQUE

XIIIe s. Menage fait prendre mal somme ; Menage hait celui qui chome Et rien ne fait, Choses qui faillent en menage. À grans trais boivent vin d'Auchuerre, Pour miex chomer desor le fuerre, Du Cange, chomare.

XIVe s. Car ilz sçavent que telz metaulx Sont tous morts (ici point ne faulx), Que jamais plus ne reprendront Substance et vie, ains chomeront, Et l'un à l'autre n'aydera, Traité d'alch. 566.

XVe s. Je vous prie, vous qui estes par de là, avisiez à fraper un beau coup sur le duc de Bourgogne… et j'espere faire si bonne diligence par deçà que vous connoissiez que je n'ay pas chomé tant que j'y auray demeuré, Duclos, Preuv. de Louis XI, p. 399, dans LACURNE. Et si lui dirent les maistres [maçons à un prince qui faisait bâtir un château] que le demourant estoit legier, mais qu'il fist finance de la couverture, car il n'avoit que chommer, Perceforest, t. VI, f° 93.

XVIe s. Ainsi sans doubte il chommera moins [sera moins oisif] que les aultres, Montaigne, I, 182. Mon corps ne me laisse pas une heure, ny dormant, ny veillant, chomer d'instructions de mort, Montaigne, III, 306. Nous nous investissons des facultez d'aultruy et laissons chomer les nostres, Montaigne, IV, 219. Ce pendant Aemilius ne chommoit pas de son entendement, et ne laissoit à tenter et essayer expedient quelconque pour tascher à faire quelque chose, Amyot, P. Aem. 20. Il ne laissoit pas pour cela chommer ses gens, ains les contraignoit de travailler, Amyot, Sylla, 36. La pluie survenant, ou les gelées cheans dessus [les oliviers], faut avec patience chommer de ce labeur [la cueillette], De Serres, 706. Les jectons du cep sortent plus tost à travers la terre molle que par la dure qui aura chomé, La Boétie, 343. Quant je chomme, je ne besongne pas, G. du Guez, dans PALSGR, p. 1014. Mieulx vault chomer que mal besogner, Leroux de Lincy, Prov. t. II, p. 347. Des lors qu'il se mist aux guerres, il ne chauma pas d'en apprendre de bonnes leçons, Brantôme, Duc d'Albe. Tant y a qu'il ne chauma pas en sa captivité [il n'y demeura pas], Brantôme, Dragut. Il vaut mieux perdre que chomer, Div. leçons de P. Messie, f° 89, dans LACURNE.

ÉTYMOLOGIE

Berry, chômer, chaumer, tarder ; Saintonge, chomer, manquer ; génev. chogner ; bourguig. chomai. Diez le tire du même radical que calme ; mais cela donnerait chaumer, non chomer, qui est l'ancienne orthographe ; l'allemand saümen, suédois suma, islandais soema, hollandais zuymen, tarder, agir avec lenteur, est plausible, sauf la difficulté du changement de l's en ch, laquelle cependant n'est pas absolue. Reste le celtique qui réunit le plus de probabilité : bas-bret. choum, s'arrêter, cesser ; gaél. cum, arrêter.