« chanter.2 », définition dans le dictionnaire Littré

chanter

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

chanter [2]

(chan-té) v. a.
  • 1Exécuter un morceau de chant. Chanter une chanson. Chanter un air, une hymne, la grand'messe, le dessus, la basse. Lorsque les chantres du printemps Réjouissent de leurs accents Mes jardins et mon toit rustique, Lorsque mes sens en sont ravis, On me soutient que leur musique Cède aux bémols des Monsignis Qu'on chante à l'Opéra-Comique, Voltaire, Épîtr. CVII. Je cherche où est le charme attendrissant que mon cœur trouve à cette chanson ; mais il m'est de toute impossibilité de la chanter jusqu'à la fin sans être arrêté par mes larmes, Rousseau, Confess. I.

    Fig. et familièrement. Chanter toujours la même chanson, la même antienne, répéter sans cesse la même chose. Chanter à quelqu'un sa gamme, lui adresser de vifs reproches, lui dire ses vérités.

    Chanter la palinodie, se rétracter, dire tout le contraire de ce qu'on avait dit.

    Fig. Chanter magnificat à matines, faire une chose à contre-temps.

  • 2Célébrer, surtout en vers. La guerre de Troie qu'Homère a chantée. Où est cette merveilleuse fontaine qu'Ausone a chantée de toute la force de sa voix ? Guez de Balzac, Entretien 30, dans RICHELET. Je chante les combats et cet homme pieux Qui, des bords phrygiens conduit dans l'Ausonie, Le premier aborda les champs de Lavinie, Boileau, Art p. III. Je chante ce héros qui régna sur la France Et par droit de conquête et par droit de naissance, Voltaire, Henr. I. … Son vainqueur sur les toits S'alla percher et chanter sa victoire, La Fontaine, Fabl. VII, 13. La prophétesse chanta sa défaite par une ode, Bossuet, Polit. Chantez, louez le Dieu que vous venez chercher, Racine, Ath. I, 3. Que son nom soit béni, que son nom soit chanté, Racine, Esth. III, 9. Pour chanter un Auguste, il faut être un Virgile, Boileau, Disc. au roi. En joyeux gourmands que nous sommes, Nous savons chanter un repas, Béranger, Age fut.

    Annoncer, en parlant d'un oracle. Et chantant seulement des ordres immuables, Annonçant des arrêts qui sont inévitables, Il [l'oracle] néglige nos pleurs et défend aux mortels D'apporter leurs désirs aux pieds de ses autels, Brébeuf, Phars. V.

    Fig. et familièrement. Chanter victoire, se glorifier du succès.

    Chanter les louanges de quelqu'un, en faire de grands éloges.

  • 3 Par plaisanterie, dire. Que chantes-tu là ? Qu'est-ce qu'elle chante cette physique [de quoi traite-t-elle] ? Molière, le Bourg. g. II, 6. Au nom de Jupiter, laissez-nous en repos, Et ne nous chantez plus d'impertinents propos, Molière, L'Étour. I, 8. Nous en tenons, madame, et puis prêtons l'oreille Aux bons chiens de pendards qui nous chantent merveille, Molière, Dép. am. II, 4. Voyons ce qu'elle chante [écrit], Racine, Plaid. II, 4. Ce n'est qu'un excès de peur des peines éternelles qui fait qu'un libertin nous prêche et nous chante sans cesse qu'elles sont douteuses, Massillon, Car. Doutes.

    Chanter injures, pouilles, goguettes à quelqu'un, lui dire des injures, lui faire querelle. Nous nous sommes tous deux chanté pouilles à tort, Regnard, Ménech. V, 6.

  • 4Chansonner, railler. L'armée se console de la perte d'une bataille lorsqu'elle a chanté le général, Montesquieu, Espr. IX, 7.
  • 5Se chanter, v. réfl. Être chanté. Cette chanson satirique se chante partout.

HISTORIQUE

XIe s. Chanson malvaise de nous ne seit chantée, Ch. de Rol. LXXVII. Male chanson n'en deit estre cantée, ib. CXI.

XIIe s. Messes canter ferez, Roncisv. 18. Mais j'ai plus grand talent que je me coise, Pour ce j'ai mis mon chanter en defois, [j'ai cessé de chanter], Quesnes, Romancero, p. 83. [Les faux amants] Ne chantent fors qu'en pascor [au printemps], Lors se plaignent sans dolor, Couci, I. Nouvele amor où j'ai mis mon penser Me fait chanter de la plus debonaire, ib. II. Une beauté m'est venue devant Qui me semont et prie que je chant, ib. V. [Gens] qui m'ont mis sus mensonge à escient, Que j'ai chanté des dames laidement, Quesnes, Romanc. p. 89. L'apostole s'apreste pour la messe chanter, Saxons, XII. En grant devotion cele messe ad chantée, Th. le mart. 35.

XIIIe s. Ains que l'en commençast à chanter la grant messe, li dus de Venise monta el letrin, Villehardouin, XXXIX. [Les dames] carolent et festoient et chantent hautement, Berte, IX. Et dit Renart : chante, cousins, Ren. 1586. Ce fu en la douce saison Que cler chantent li oisellon Por le tens qui est nez [net] et purs, Ren. 24346. En l'an de l'incarnation M et CC et IIIJ et XXX. Si com l'escripture le chante, Rutebeuf, II, 156. Et leur dis que vileinne chose estoit de chevaliers et de gentilzhomes qui parloient tandis que l'en chantoit la messe, Joinville, 236. Lors envoia querre le roy le legat et touz les prelas de l'ost, et chanta l'en hautement : te deum laudamus, Joinville, 215. Deux burettes d'or, à mettre le vin et l'eaue à chanter, à la chapelle du roy nostre sire, De Laborde, Émaux, p. 179. Une boeste d'argent à mettre pain à chanter, De Laborde, ib. p. 168.

XVIe s. La depesche de Thomas de Granson ne chantoit que la mesme chose, Mém. s. du G. 31. Vertus dieu que ne chantez-vous : adieu paniers, vendanges sont faictes ? Rabelais, Garg. I, 27. Tu es le seul dieu que j'honore, Aussi sans fin te chanterai, Marot, IV, 330. Le parler et le chanter, si on en use en oraison…, Calvin, Instit. 711. … De leur presenter la tette, de les bercer, de les chanter, Paré, XVIII, 29.

ÉTYMOLOGIE

Picard cainter, canter ; provenç. cantar, chantar ; espagn. cantar ; ital. cantare ; du latin cantare, fréquentatif de canere.