« charité », définition dans le dictionnaire Littré

charité

Définition dans d'autres dictionnaires :

Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

charité

(cha-ri-té) s. f.
  • 1Amour du prochain. Dans les nécessités extraordinaires sa charité faisait de nouveaux efforts, Bossuet, Anne de Gonz. Ce n'était plus cet ardent vainqueur qui semblait vouloir tout emporter ; c'était une douceur, une patience, une charité qui songeait à gagner tous les cœurs et à guérir des esprits malades, Bossuet, Louis de Bourbon. Je suis reconnaissant de la charité que vous avez pour mon âme, Bossuet, Lett. quiét. 12. J'ai appris la charité que vous aviez pour ce pays, Bossuet, Lett. 1. Nos pères ont eu plus de charité que cela, Pascal, Prov. 8. Ces faux monnayeurs en dévotion, qui veulent attraper les hommes avec un zèle contrefait et une charité sophistiquée, Molière, 1er Placet au roi. Les grands ne semblent être nés que pour exercer la charité, Fléchier, Mont. Il se croit obligé d'exercer la charité dans une profession cruelle, Fléchier, Tur. Qu'est-ce qu'une charité qui n'a point de pudeur avec le misérable, et qui, avant que de le soulager, commence par écraser son amour-propre ? Marivaux, Vie de Marianne, 1re partie, p. 34. Comme ils voulaient demeurer attachés à l'Évangile par leur devoir envers Dieu, et aux gens du monde par leur charité pour le prochain, Pascal, Prov. 7.

    Ironiquement. Marchangy, ce vrai sage, M'a fait par charité Sentir de l'esclavage La légitimité, Béranger, Liberté.

    Une des trois vertus théologales, par laquelle nous aimons Dieu comme notre souverain bien. La fin de la religion, l'âme des vertus et l'abrégé de la foi, c'est la charité. La charité, qui bannit la crainte, opère un si grand miracle ; et, sans autre joug qu'elle-même, elle sait non-seulement captiver, mais encore anéantir la volonté propre, Bossuet, Fr. Bourgoing. La charité est la plus parfaite des vertus théologales, St-Cyran, Théologie familière, dans RICHELET.

  • 2Acte de bienfaisance, aumône. Voilà des charités qu'il a faites pour le salut de ses frères, Fléchier, Tur. Il faisait une infinité de charités que personne ne savait, Sévigné, 152. On lui vient demander des charités pour les églises, Sévigné, 275. Je n'aimais pas qu'on me fît la charité, Rousseau, Conf. II. Ignace avait de quoi vivre honnêtement par les charités qu'on lui faisait, Bouhours, Vie de saint Ignace, liv. II, dans RICHELET.

    Absolument. Demander la charité, être à la charité, mendier.

    Par antiphrase. Charité de cour, perfidie de courtisan.

    Prêter des charités à quelqu'un, le calomnier. Lorsque le P. La Chaise eut cessé de parler, je lui dis que j'étais étonné qu'on m'eût prêté des charités auprès de lui, Racine, Lett. Boil. 45. Une de ces personnes qui prêtent doucement des charités à tout le monde, de ces femmes qui donnent toujours le petit coup de langue en passant, Molière, Impromptu, 1.

    Nom, dans quelques ordres religieux, de la discipline qu'un religieux donne à un autre.

  • 3Les frères, les sœurs de la Charité, congrégations qui se vouent au soulagement de la misère. Il ne s'agit pas de faire de votre élève un frère de la charité, Rousseau, Ém. IV. Molière a terminé sa vie Entre deux sœurs de charité, Béranger, M. de santé.

    Frères de la Charité, ordre religieux fondé vers 1550 par saint Jean-de-Dieu pour le soulagement des malades ; ces religieux suivent la règle de Saint-Augustin ; ils bâtirent à Paris, dans le faubourg St-Germain, le célèbre hôpital qui porte encore leur nom.

    Charité de Notre-Dame, religieuses de l'ordre de Saint-Jean-de-Dieu rendant aux femmes les mêmes services que les frères de Saint-Jean-de-Dieu rendent aux hommes.

    Charité de Saint-Hippolyte, congrégation de religieux hospitaliers dans les Indes occidentales et qui rendent aux malades les mêmes services que les religieux de la congrégation de Saint-Jean-de-Dieu.

    Religieuses de Notre-Dame-de-Charité, établies pour retirer du mal les pauvres filles ou femmes de mauvaises mœurs. Elles suivent la règle de Saint-Augustin et commencèrent en 1642.

    Charité de la Sainte-Vierge, ordre religieux sous la règle de Saint-Augustin.

    La maison où résident les frères, les sœurs de Charité. Il n'y avait [dans le domestique de Mme de Maintenon] d'un peu distingué que cette ancienne servante du temps qu'elle était à la Charité de Saint-Eustache, Saint-Simon, 414, 209.

    Charité, nom d'hôpitaux divers. La Charité de Lyon. La Charité de Paris.

    Anciennement, la charité pour les pauvres honteux, service de charité composé uniquement du curé de la paroisse et des marguilliers et destiné aux pauvres honteux.

    Anciennement, tous les pauvres malades d'une paroisse. Il est le médecin de la charité d'une telle paroisse.

  • 4Aujourd'hui, dame de charité, bureau de charité dame, bureau qui distribuent des charités.

    Nom que, dans quelques localités, on donne à des confréries ou associations d'assistance.

  • 5Votre Charité, titre d'honneur donné aux princes de l'Église.

    PROVERBE

    Charité bien ordonnée commence par soi-même, c'est-à-dire avant de songer à faire du bien aux autres, il faut songer à soi, à ses intérêts, à ses avantages.

REMARQUE

La locution prêter des charités à quelqu'un, qui signifie le calomnier en lui attribuant une chose défavorable qu'il n'a pas faite ou dite, s'explique par une antiphrase : lui donner des charités, lui faire l'aumône d'une imputation calomnieuse ; locution à laquelle prêter ajoute une idée de méchanceté hypocrite, comme si le calomniateur ne faisait que prêter sa calomnie.

HISTORIQUE

XIIe s. Ne tieng, fait sainz Thomas, de lui fius [fiefs], n'eritez, Ne rien en barunie : mais tut est charitez, E parmenable aumosne tut ço dont sui fieffez, Th. le mart. 45. Deus, cum par est mainz huem pur le siecle avuglez ; N'i est amurs, ne fei, ne pais, ne charitez, ib. 121. Puis le proia assez que un petit menjast, Preïst la charité, un petit se dinast, Mez li dus [duc] n'i vout prendre ne disner ne repas, Wace, Rou.

XIIIe s. Ha ! rois, ce dist la vieille, pour sainte charité…, Berte, X. Il oït parler de la grant carité del hospital d'Acre, Chron. de Rains, p. 107. Ge t'ai veü carité prendre Deuz fois, sanz aller au mostier, Ren. 20610.

XIVe s. L'enfant fut nourri ches le roy en honneur et en charité, Bercheure, f° 20, verso.

XVe s. J'ai fait charité et hospitalité de tels biens que j'ai ceans à mon povoir, Perceforest, t. I, f° 12, dans LACURNE.

XVIe s. Cela advenu, on l'eust pu calompnier d'estre adherant aux rebelles (car les gens de bien et d'honneur ne manquent jamais de presteurs de charité), Carloix, VIII, 7. Charité oingt, peché poingt, Leroux de Lincy, Prov. t. I, p. 7. Les combats de nuict sont fort dangereux et subjects à de mauvaises charitez [traîtrises], Brantôme, Sur les duels, p. 202, dans LACURNE. C'est une charité que l'on luy preste quand on l'accuse de cruauté, Pasquier, Recherches, liv. V, p. 427, dans LACURNE. Comme disent les Hebreux, il faut commencer la charité par soy mesme, Charron, Sagesse, p. 468, dans LACURNE. Il me confirma en l'opinion que j'avoye que Maligny et d'autres ses compaignons lui avoyent presté ceste charité [d'être complice de la conjuration d'Amboise], Condé, Mémoires, p. 551.

ÉTYMOLOGIE

Picard, carité ; provenç. caritat ; espagn. caridad ; ital. carità ; du latin caritatem, de carus (voy. CHER).

SUPPLÉMENT AU DICTIONNAIRE

CHARITÉ. Ajoutez :
6Nom, en Normandie, de confréries établies pour rendre les derniers devoirs aux morts. Les charités, d'origine fort ancienne, sont encore en plein exercice dans tout le Lieuvin, H. Moisy, Noms de famille normands, p. 145.