« chaud », définition dans le dictionnaire Littré

chaud

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

chaud, chaude

(chô, chô-d' ; le d ne se lie pas, un ami chaud à nous servir, dites : chau à ; Chifflet, Gramm. p. 212, fait même remarque ; au pluriel l's se lie : des amis chau-z à) adj.
  • 1Qui a, qui donne ou produit de la chaleur. Dans ces climats chauds, les hommes n'imaginèrent point de plus grande béatitude que les ombrages et les murmures des eaux, Voltaire, Pr. de Babyl. 4. Le comte de Guiche disait des merveilles des esprits de vos pays chauds, Sévigné, 127. Que faisiez-vous au temps chaud ? La Fontaine, Fab. I, 1.

    Fig. et familièrement. Avoir les pieds chauds, jouir des commodités de la vie.

    Fig. Pour lui il n'y a rien de trop chaud, ni de trop froid, il prend tout et de toutes mains. Dame, demoiselle, bourgeoise, paysanne, il ne trouve rien de trop chaud ni de trop froid pour lui, Molière, le Festin, I, 1.

    Fig. Avoir la main chaude, gagner plusieurs fois de suite à un jeu où le gagnant fait toujours, ce qui, pour ainsi dire, lui entretient la main chaude.

    Main chaude, jeu où l'un des joueurs tient une main renversée sur son dos, et doit deviner celui qui frappe dedans. Ce jeu se nomme ainsi, parce que la main, souvent frappée, s'échauffe.

    Pleurer à chaudes larmes, abondamment. Je ne désespère pas de sa conversion que tous les gens de bien demandent au ciel à chaudes larmes, Guez de Balzac, liv. II, lett. 5. Au point d'en pleurer à chaudes larmes, Rousseau, Conf. II.

    Fig. et familièrement. Cela est trop chaud, on n'y peut pas toucher, c'est chose délicate, dangereuse. Ce fut M. d'Alet qui fit sa cour, en se récriant pour M. de Paris ; ce nom présentement n'est plus trop chaud, il a soufflé dessus, Sévigné, 466.

  • 2Qui garde encore une portion de la chaleur qui a servi à la préparation. Un pâté tout chaud. Ce pain, ce gâteau est encore tout chaud du four.

    Fig. Cet ouvrage est encore tout chaud de la forge, il sort des mains de l'auteur. Lorsqu'ils [les journalistes] s'imposent la loi de ne parler que des ouvrages encore tout chauds de la forge, Montesquieu, Lett. pers. 108.

    Le rendre tout chaud à quelqu'un, le rendre chaud comme braise, riposter, repartir incontinent et vertement.

    Fig. Prompt, tout récent. Les récompenses toutes chaudes ont un prix merveilleux. Le soufflet sur ma joue est encore tout chaud, Racine, Plaid. II, 4. Ce petit conte est tout chaud, il faut qu'il passe, Sévigné, 455. Les plaisanteries ne sont bonnes que quand elles sont servies toutes chaudes, Voltaire, Lett. Chalotais, 21 mars 1763.

  • 3Qui conserve la chaleur, qui garantit au froid. Ce manteau est bon et chaud. Une étoffe chaude.
  • 4Qui augmente la chaleur intérieure du corps. Les liqueurs alcooliques, les épices sont chaudes.

    Être chaude, être en rut en parlant des femelles de quelques animaux.

    Fièvre chaude, fièvre accompagnée de délire et d'extrême agitation.

    Chaud mal, le même que fièvre chaude.

    Fig. Tomber de fièvre en chaud mal, tomber d'un état fâcheux en un pire. être chaud de vin [être ivre], Voltaire, Pr. de Babyl. 4.

  • 5 Fig. Ardent, passionné, vif, emporté. Tempérament chaud. J'eus le sang un peu chaud et le bras un peu prompt, Corneille, Cid, II, 1. Près d'un esprit si chaud et si fort emporté Suréna dans ma cour est-il en sûreté ? Corneille, Suréna, V, 1. Ma femme bien souvent a la tête un peu chaude, Molière, Femmes sav. II, 5. Et d'un sang un peu chaud réprimant les bouillons, N'oublions pas tous deux devant qui nous parlons, Molière, D. Garcie, III, 3. Le Marseillais, Provençal un peu chaud, La Fontaine, Quipr. Un jour pourtant d'humeur un peu trop chaude, Boileau, Épigr. III. … je vois bien où tend tout ce discours trompeur, Reprend le chaud vieillard ; le prélat vous fait peur, Boileau, Lutr. IV. Les Cévennes, pays peuplé d'ignorants et de cervelles chaudes, Voltaire, Louis XIV, 36. On craint que quelques têtes chaudes n'attaquent quelques articles auxquels il est si aisé de donner un mauvais sens, Voltaire, Lett. Damilaville, 28 avril 1766.
  • 6Zélé. Un chaud partisan. Être chaud sur une affaire. S'il se montre trop chaud à suivre la vertu, Régnier, Sat. XVI. Indocile à la paix et trop chaud à la guerre, Régnier, Épît. I. Un roi qui aime mieux qu'on le blâme d'être un peu trop chaud quand il voit les ennemis que trop sage, Pellisson, Convers. de L. XIV devant Lille, p. 63. Je crois qu'un ami chaud et de ma qualité N'est pas assurément pour être rejeté, Molière, Mis. I, 2. Faites état de moi, monsieur, comme du plus chaud de vos amis, Molière, Impromptu, 3.

    Familièrement. N'être ni chaud ni froid, rester indécis, indifférent entre deux partis.

  • 7Vif, animé. Style chaud. Attaque chaude. La dispute fut chaude.

    En termes de guerre, affaire chaude, action chaude, chaude journée, engagement sanglant et disputé.

    En termes de peinture, ton chaud, coloris chaud, ton, coloris brillant et vigoureux. Tableau chaud de couleur.

    Alarme chaude, vive alarme. Savoir me retirer des plus chaudes alarmes, Régnier, Épît. II. Remettez-vous, monsieur, d'une alarme si chaude, Molière, Tart. V, 7. Harcourt leur donna des alarmes si chaudes…, Saint-Simon, 206, 18.

    La donner bien chaude, l'avoir bien chaude, donner, avoir une grande alarme. Mon front l'a, sur mon âme, eu bien chaude pourtant [l'a échappé belle], Molière, Sgan. 22.

  • 8Chaud, adv. Servir, boire, manger chaud.

    Tenir chaud, préserver du froid. Cette robe lui tiendra chaud.

    Se tenir chaud, se préserver du froid. Ils se tiennent chaud au poêle.

    Tout chaud, loc. adv. Tout de suite.

    Chaud ! chaud ! vite, sans tarder. Très familier.

  • 9À la chaude, loc. adv. À l'instant, vivement. Mais il faut à la chaude Le gripper aux cheveux, Scarron, Jodelet, II, 6. À la chaude, les cantons protestants firent rendre par ceux de Neuchâtel un jugement provisionnel, Saint-Simon, 181, 182. M. le duc, toujours furieux, ne put être induit à chercher à la chaude à replâtrer l'affront, Saint-Simon, 99, 54.
  • 10 Substantivement. Chaleur. Avoir chaud. Je mourais de chaud, Sévigné, 42. Nous avons chaud nous autres, il n'y a plus qu'en Provence où l'on ait froid, Sévigné, 197. L'oiseau que… Le vain courroux des vents berce au chaud sur sa branche, Lamartine, Joc. III, 117.

    Il fait chaud, on ressent de la chaleur. Il faisait très chaud dans cette chambre. Il fait trop chaud ici.

    Il fait chaud, la température est chaude.

    Fig. Il faisait chaud à cette bataille, l'action était vive, périlleuse. Il était à la tranchée partout où il faisait chaud, Sévigné, 301. Nous nous sommes vus en des lieux où il faisait fort chaud, Molière, Préc. 12.

    La chaleur du jour. Le chaud, la solitude l'invitèrent d'abord.

    Souffler le chaud et le froid, louer et blâmer une même chose, être tour à tour d'un avis contraire. Arrière ceux dont la bouche Souffle le chaud et le froid, La Fontaine, Fabl. V, 7.

    Cela ne fait ni chaud ni froid, cela ne fait rien, ne sert ni ne nuit. Il ne vous fera ni chaud ni froid, Sévigné, 454. Cela ne vous fait ni chaud ni froid, ni bien ni mal, plaisir ni peine, Courier, Lett. I, 209.

    Fig. Je n'ai jamais senti ni froid ni chaud pour vous, Regnard, Ménech. II, 5. Votre bourse est… Un thermomètre sûr, tantôt bas, tantôt haut Marquant de votre cœur ou le froid ou le chaud, Regnard, Joueur, I, 6.

PROVERBES

Si vous n'avez rien de plus chaud, vous n'avez que faire de souffler, vous vous flattez d'une vaine espérance.

Froides mains, chaudes amours, c'est-à-dire la fraîcheur des mains annonce ordinairement un tempérament ardent.

Il faut battre le fer pendant qu'il est chaud, c'est-à-dire il faut saisir l'occasion favorable.

REMARQUE

C'est une façon de parler populaire mais fautive, de dire : il fait plus de chaud qu'hier. Il faut dire : il fait plus chaud qu'hier. Faire chaud est une locution faite, dans laquelle plus n'intervient pas pour changer le rapport des termes.

SYNONYME

LE CHAUD, LA CHALEUR. Le chaud est la qualité de tout ce qui est chaud ; la chaleur est la qualité active qui fait qu'un corps est chaud. On sentira la nuance dans ces phrases : le chaud du jour, la chaleur du jour. Le chaud du jour, c'est le temps où le jour est le plus chaud ; la chaleur du jour est l'impression qu'un jour chaud nous fait sentir. Nous sortîmes au chaud du jour plutôt que pendant la chaleur du jour. La chaleur du brasier (et non le chaud) était si grande. Dans les qualités élémentaires qu'ils admettaient, les anciens comptaient le chaud, non la chaleur.

HISTORIQUE

Xe s. E faciebat grant iholt, Frag. de Valenc. p. 468.

XIe s. Et endurer et granz chalz et granz freiz, Ch. de Rol. LXXVII. Granz est li calz, si se leve la poudre, ib. CCLXVI. Nous les ferons [nos épées] vermeilles de chald sang, ib. LXXIV.

XIIe s. Icel jour fit mout caut, et li ciel fu serin, Ronc. p. 194. Car li sans et li chals l'avoit forment grevé, ib. p. 195. A ! mult par est la vie del chaitif humme grieve ; Or est chalz, or est freiz, cume cele eve tieve, Th. le mart. 92. E Deus de rechief Samuel apela, e Samuel chalt pas leva et vint al evesche, Rois, 11.

XIIIe s. Il la recuevrent chaut et de gris et d'ermin, Berte, LV. Car nus sens n'i peuist soffire, Tant estoit de chaude matire, la Rose, 8332. Omicides, si est quant aucuns tue aucun en caude mellée, Beaumanoir, XXX, 6. L'yaue devenoit, ou [au] chaut du jour, aussi froide comme de fonteinne, Joinville, 220. Il looit [conseillait] que il se traisit [retirât] sur le flum, pource que ses serjans eussent à boire ; car le chaut estoit jà grant levé, Joinville, 226.

XIVe s. Et comme en esté par grant chaut l'en ne dit pas à un homme ou deffent que il ne sue, Oresme, Eth. 72. Por ce sont congneuz les principes en science naturel comme cestui : tout feu est chaud, Oresme, ib. XI, 13.

XVe s. Le connestable de France, qui savoit d'armes ce qui en est, et qui sentoit les Anglois chauds, bouillans et aventureux, Froissart, II, II, 32. Couroient ses gens tout le païs d'environ, et ne laissoient rien à prendre s'il n'estoit trop chaud, trop froid ou trop pesant, Froissart, liv. I, p. 291, dans LACURNE. Messire Enguerrant estant chault, non sentant le meschief qu'il avoit, cuyda hausser sa hache, Jeh. de Saintré, ch. 42. Par luy je reçoy Souvent froit et chault ; Puisqu'estre ainsi fault, Remede n'y voy, Orléans, Rond. Si ne souffiroit de donner exemple, ni ung ny plusieurs, quand bien, par l'espace de deux mil ans, Dieu a ainsi traictié les Juifs entre chault et froit, Chastelain, Chron. du duc Philippe, Proesme. Si les fit boire un coup et eux refreschir, car grand chaud faisoit, Rouciq. II, ch. 20. Et plusieurs prins en la ville, lesquelz furent penduz à la chaulde, Commines, VI, 5. La guerre est telle qu'il faut besongner selon le loisir qu'on a, et fault proceder aucunes fois froit, aucunes fois chault, le Jouvencel, f° 29, dans LACURNE. Sire, dist la dame, sauf vostre grace ; car vos parlers ne font ne froit ne chault, Perceforest, t. IV, f° 48.

XVIe s. Icy commença Homenaz jecter grosses et chauldes larmes, et battre sa poictrine, Rabelais, Pant. IV, 53. Sur la chaulde [au moment même], Montaigne, I, 27. Souvent il tastoit s'ils estoyent trop chauds, Montaigne, I, 100. Boire chauld, Montaigne, I, 164. C'est souffler de mesme bouche le chauld et le froid, Montaigne, I, 249. Nous retombons tousjours de fiebvre en chaud mal, Montaigne, I, 283. Les Grecs descrioient les tisserandes, d'estre plus chauldes que les aultres femmes, Montaigne, IV, 189. Il ne savoit à qui s'en prendre ; mais, à la chaude [tout à coup], vint saisir un gentilhomme le plus prochain de lui…, Despériers, Contes, LXXXII. M. d'Andelot, qui ne trouvoit jamais rien trop chaud [dangereux], dit qu'il se failoit retirer au pas, Lanoue, 650. Leur camp, ayant pris l'alarme très chaude, commença à tirer canonnades sur canonnades, Lanoue, 661. Je cuiday suyvre le mesme chemin à la chaude, sans l'humanité de Monseigneur, Lanoue, 689. Pleurant à chaudes la mes, Amyot, Cam. 62. Chault de l'ardeur de la bataille, Amyot, Pélop. et Marcel. comp. 5. Il faisoit un chaud picquant et estouffé, D'Aubigné, Faen. III, 7. Comme un homme determiné, qui ne trouve rien de trop chaud ni de trop froid, D'Aubigné, Vie, XXVIII. Peu de gens voulant coudre la besongne que cette chaude teste entreprenoit, il se mit à pleurer chaudement, D'Aubigné, Hist. I. 303. La mere de famille se prend garde des meubles qui defaillent, dont on fait faire la recherche à la chaude, De Serres, 882. Rien ne lui est trop chaud ni trop froid, H. Estienne, Précel. p. 77. Chaud à l'œuvre, H. Estienne, Conf. du lang. fr. avec le grec, p. 103. Comme la chaleur de leur aage les pousse qui ne doute de rien et qui ne trouve rien de trop chaud ni trop froid, sinon au toucher, Montbourcher, Du gay debat, f° 3, dans LACURNE.

ÉTYMOLOGIE

Picard, keud, caud ; provenç. cald, caut ; anc. catal. calt ; espagn. et portug. calido ; ital. caldo ; du latin calidus, chaud (voy. CHALEUR). La forme iholt rencontrée dans un texte du Xe siècle n'est point inexplicable : il faut que l'on prenne ih pour une manière insolite de représenter le son ch.

SUPPLÉMENT AU DICTIONNAIRE

CHAUD.
1 Fig. Avoir les pieds chauds (voy. PIED, n° 1). Ajoutez :
11 Populairement. Il fera chaud, se dit ironiquement pour exprimer qu'on ne sera pas repris à faire quelque chose. Quand je reviendrai ici, il fera chaud.

REMARQUE

Ajoutez :

2. La remarque 1 condamne il fait plus de chaud comme populaire ; cependant Malherbe a dit : Le muletier est nu-pieds, et si, ce n'est point qu'il ait trop de chaud, Lexique, édit. L. Lalanne ; et Mme de Sévigné écrit à sa fille le 8 avril 1671 : Je reviens, après m'être promenée aux Tuileries, avec une chaleur à mourir et dont je suis triste, parce qu'il me semble que vous avez encore plus de chaud…