« choisir », définition dans le dictionnaire Littré

choisir

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

choisir

(choi-zir) v. a.
  • 1Prendre de préférence. Il choisit dans le panier les plus belles cerises. Ne voulant me donner pour toute l'affection que vous me devez, que des paroles, vous les avez choisies si riches et si belles que…, Voiture, Lett. 1. Mais où son adresse paraît principalement, c'est à choisir de tous ces accidents ceux qui marquent davantage l'excès et la violence de l'amour, Boileau, Sublime, 8. Et nous ne recevons ni crainte ni désir De cette liberté qui n'a rien à choisir ? Corneille, Œdipe, III, 5. Choisis une heure propre à rentrer en toi-même, à penser aux bienfaits de la bonté suprême, Corneille, Imit. I, 20. Quand ce grand Dieu a choisi quelqu'un pour être l'instrument de ses desseins, rien n'en arrête le cours, Bossuet, Reine d'Anglet. On n'a pas des plaisirs à choisir, Sévigné, 340. Romulus choisit parmi tout le peuple ce qu'il y avait de meilleur pour en former le conseil public, Bossuet, Hist. univ. III, 7. Chrétiens, ne murmurez pas si Madame a été choisie pour nous donner une telle instruction, Bossuet, Duch. d'Orl. Rome a choisi mon bras, je n'examine rien, Corneille, Hor. II, 3. Quoi ! Roxane, Seigneur, qu'Amurat a choisie Entre tant de beautés…, Racine, Baj. I, 1. D'avoir choisi mon père au fond de l'Idumée, Racine, Bérén. II, 2. Si Néron, irrité de notre intelligence, Avait choisi la nuit pour cacher sa vengeance, Racine, Brit. V, 1. Assurément Trophonius choisissait ses gens et ne recevait pas tout le monde, Fontenelle, Oracles, ch. X.

    Se choisir, faire choix pour soi. Celle qu'il s'est choisie pour sa compagne inséparable, La Bruyère, XIV.

    Familièrement. Choisir de l'œil, fixer son regard sur l'objet qu'on préfère.

    Choisir se construit avec de et un infinitif. Quiconque choisira de faire mes volontés, Pascal, Proph. 33. Il a choisi d'y demeurer, Pascal, dans COUSIN. À qui choisiriez-vous, mon fils, de ressembler ? Racine, Athal. IV, 1.

    Absolument. Il y a chez le marchand de quoi choisir. Donner à choisir. Qui choisit mal pour soi choisit mal pour un autre, Corneille, Agésil. II, 1. Mais vous me choisirez si vous savez choisir, Voltaire, Triumv. II, 1.

  • 2Faire une option entre deux choses. C'est à vous de choisir mon amour ou ma haine, Corneille, Rodog. III, 4. Je puis choisir, dit-on, ou beaucoup d'ans sans gloire Ou peu de jours suivis d'une longue mémoire, Racine, Iph. I, 2.

    Choisir d'une chose ou d'une autre. Choisir de partir ou rester. Choisis de leur donner ton sang ou de l'encens, Corneille, Poly. V, 2. Choisissez d'être reine ou d'être Laodice, Corneille, Nicom. III, 1. Choisis d'épouser, dans quatre jours, monsieur ou un couvent, Molière, Mal. im. II, 8. Choisissez de la cour ou de la retraite, Massillon, Car. Respect humain. Choisissez de César, d'Achille ou d'Alexandre, Boileau, Sat. v. Qu'il choisisse, s'il veut, d'Auguste ou de Tibère, Racine, Brit. I, 2.

    Choisir si… Choisissez si vous voulez payer ou avoir un procès. Choisissez aujourd'hui Si vous voulez tout perdre ou tout tenir de lui, Racine, Alex. II, 2.

    Absolument. Devine, si tu peux, et choisis, si tu l'oses ; L'un des deux est ton fils, l'autre ton empereur, Corneille, Héracl. IV, 5.

  • 3Se choisir, v. réfl. Faire choix l'un de l'autre.

    PROVERBE

    Souvent qui choisit prend le pire.
    Mais aussi bien que moi vous avez ouï dire Que fille qui choisit bien souvent prend le pire, Th. Corneille, Don Bertran de Cigaral, IV, 1.

REMARQUE

Quand choisir prend un second complément ou un complément indirect pour indiquer le but du choix, il faut toujours exprimer la préposition pour, au passif comme à l'actif. On ne dit pas : il a été choisi gouverneur, mais : il a été choisi pour gouverneur.

SYNONYME

ÉLIRE, CHOISIR. D'après l'étymologie, élire, c'est tirer hors ; et choisir, c'est fixer le regard sur, remarquer, et de là préférer. Un général choisit son terrain, mais il ne l'élit pas. Un auteur choisit ses mots, mais il ne les élit pas. Au contraire on choisit un homme et on l'élit ; Louis XIV choisit Colbert, c'est-à-dire le remarqua, le préféra ; Louis XIV élut Colbert, c'est-à-dire l'éleva à un ministère (il faut ajouter que l'usage attribue d'ordinaire à élire l'idée de suffrages donnés). Israël fut choisi entre les peuples, c'est-à-dire préféré ; Israël fut élu de Dieu, c'est-à-dire appelé à des destinées particulières ; de sorte que la distinction étymologique se poursuit dans les acceptions.

HISTORIQUE

XIIe s. [Il] a la letre choisie [vue], Ronc. p. 25. Des Sarrazins [il] n'i put un seul cosir [apercevoir], ib. p. 155. Grant joie ot Aude qu'ot la clarté coisie, ib. p. 173. Ne nule riens n'est tant à mon desir ; Mout [j'] aim [aime] mes ieuz qui me firent choisir, Couci, XI.

XIIIe s. Et Reniers estoit aus bretesches [échafauds en bois] des murs, quant il choisi l'avant-garde que Joffrois li mareschaus faisoit, Villehardouin, CLXII. Mais plus hardie chose [que Pepin] ne fu onque choisie, Berte, II. La clarté [elle] fait oster, qu'on n'i put rien choisir, ib. XII. Qui bien la regardast à droit et à loisir, Bien deïst que plus belle ne peüst on choisir, ib. LXIII. Quatre de ses serjans il meismes choisit [élut], ib. XCI. Quand ele les choisi [vit], tost errant s'est levée, ib. CXXVI. Dont gardent devant els, si ont les Blas [Valaques] coisis, qui tout estoient entalenté d'aus [à eux] faire anui, H. de Valenciennes, IV. Ou [au] miroer entre mil choses, [il] Choisi [vit] rosiers chargiés de roses, la Rose, 1624. Tant vont par lor journées qu'il ont Nique coisie, Ch. d'Ant. I, 284. Quant il vint à terre, et il choisi [aperçut] les Sarrazins, il demanda quelle gent c'estoient, Joinville, 215.

XIVe s. À la fausse posterne s'en vint sans arrester, Et choisi [vit] les Juïfs de sus les murs ester, Guesclin. 9467.

XVe s. Et le connestable jetoit l'oisel, et cil faucon montoit si haut que à peine le pouvoient-ils choisir en l'air, Froissart, II, II, 164. Un pertuis, par lequel maistre cordelier pouvoit apertement le choisir, Louis XI, Nouv. II.

XVIe s. Lequel plus grand que tout mon desplaisir, Cent fois le jour vient remettre à loisir Devant mes yeux les biens qu'on peut choisir [voir] En sa personne, Saint-Gelais, p. 72. Chascun choisit plustost à discourir du mestier d'un aultre que du sien, Montaigne, I, 57. Elle n'a pas de quoy les distinguer, ny de quoy choisir la verité du mensonge, Montaigne, II, 317. Ses gardes n'avoient pas eu le loisir de coucher une mesche, voiant la chambre pleine et sa personne choisie [prise], tous les logis pillez avec aussi peu de resistance, D'Aubigné, Hist. III, 175. Là les deux chefs signalez de panaches blancs et rouges se choisirent devant leur troupe, Breauté tua son ennemi d'abordée, D'Aubigné, ib. III, 527. Entre lesquels [portraits] je choisis [j'aperçus] celluy de l'empereur aujourd'huy regnant, Carloix, VI, 34. Je voy le bien et je choisi le mal ! Ronsard, 641. Si meirent quelques brisées et enseignes sur les plus haultes croupes des rochers, et que l'on pouvoit choisir à l'œil de plus loing, Amyot, Cat. 26.

ÉTYMOLOGIE

Picard, couésir, keusir ; wallon, chûzî ; rouchi, chusir ; provenç. causir, chausir ; anc. espagn. cosido, vu ; anc. portug. cousimento, action de choisir ; anc. ital. ciausire ; du gothique kausjan, goûter, essayer, qui, à cause du j, a pu donner la conjugaison en ir, ancien haut allemand, chiosan, voir, choisir, qui à la vérité aurait plutôt produit choiser, mais qui a l'avantage d'avoir la signification de voir. Cette signification est, dans l'ancienne langue, la principale, elle dure jusque dans le XVIe siècle, et ne se perd qu'avec le XVIIe siècle.

SUPPLÉMENT AU DICTIONNAIRE

CHOISIR.

PROVERBE

Ajoutez : On dit aussi : Qui choisit a le pis.