« civilité », définition dans le dictionnaire Littré

civilité

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civilité

(si-vi-li-té) s. f.
  • 1Bonnes manières à l'égard d'autrui ; usage du monde. On doit traiter tout le monde avec civilité. User de civilité. Et comme je connais sa générosité, Nous ne nous combattons que de civilité, Corneille, Poly. II, 5. … Tant qu'on m'a laissée en quelque liberté, J'ai voulu me défendre avec civilité, Corneille, Héracl. I, 2. Et vers moi tout l'effort de son autorité N'agit que par prière et par civilité, Corneille, Nicomède, I, 2. Mais enfin elle est reine, et cette dignité Semble exiger de nous quelque civilité, Corneille, ib. II, 4. Mais la civilité n'est qu'amour en Camille, Et l'amour en Othon n'est que civilité, Corneille, Othon, II, 2. … Votre espoir trop prompt prend trop de vanité Des termes obligeants de ma civilité, Corneille, Rodog. IV, 1. La politesse flatte les vices des autres, la civilité nous empêche de mettre les nôtres au jour, Montesquieu, Espr. XIX, 16. Il faut trop de savoir et de civilité [à la cour], Et, si j'ose parler, trop de subtilité, Régnier, Sat. III. Vous tâchez à me contenter d'ailleurs et à couvrir une injustice avec beaucoup de civilité, Voiture, Lett. 30. Elle pensa hier rompre en visière à un neveu de Mme le Challeux, qui lui faisait entendre, par manière de civilité, qu'il la trouvait bien faite, Racine, Lett. XXXIII, à son fils. Les députés de Hollande ne furent point reçus des ministres de Louis XIV avec cette politesse française, qui mêle la douceur de la civilité aux rigueurs mêmes du gouvernement, Voltaire, Louis XIV, 10.
  • 2 S. f. plur. Démonstrations, protestations de civilité. Faire mille civilités à une personne, combler quelqu'un de civilités. Souffrez que je réponde à vos civilités, Corneille, Sertor. III, 2. Se fit-il un art de les attirer [les femmes dévotes] ou de les attacher à lui par des civilités, des visites de bienséance ? Fléchier, Panég. II, p. 421. Les civilités qu'il lui fit faire, Bossuet, Var. 10. Il vous a fait des civilités, Sévigné, 568. La Loire à qui vous avez fait tant de civilités, Sévigné, 19. Je reçois mille civilités, Sévigné, 155. Je fus promptement retrouver mon janséniste, à qui je dis, après les premières civilités…, Pascal, Prov. 1. Et tandis que tous deux étaient précipités Dans les convulsions de leurs civilités, Molière, Fâcheux, I, 1.

    Au sing. La masque encore après lui fait civilité, Molière, Sgan. V, 1. Une visite dont je veux lui faire civilité, Molière, Festin, III, 7.

    La Civilité puérile, ancien livre fait pour apprendre la civilité aux enfants.

    Familièrement, il n'a pas lu la Civilité puérile, se dit de quelqu'un qui manque aux devoirs de civilité.

REMARQUE

Voltaire, dans ses remarques sur Nicomède, dit que civilité ne doit jamais entrer dans le langage héroïque. Cet arrêt est trop absolu, et tout dépend de la place et de l'emploi.

SYNONYME

CIVILITÉ, POLITESSE, COURTOISIE. Étymologiquement, la civilité est ce qui préside aux relations civiles, c'est-à-dire entre concitoyens ; la politesse est la qualité de celui qui a été poli ; la courtoisie, celle qui émane de la fréquentation de la cour, ou plutôt des cours féodales ; c'est de là que le mot est provenu. Ces étymologies distinguent suffisamment les trois mots. La civilité est le premier degré ; elle a son cérémonial, ses règles, qui sont de convention. La politesse est quelque chose de plus ; elle ajoute, à l'idée de civilité, des manières et une façon de s'exprimer qui ont quelque chose de noble, de fin, de délicat. Pour pratiquer la civilité, il faut connaître les usages ; pour avoir la politesse, la connaissance de ces usages n'est pas absolument nécessaire ; et l'homme distingué d'esprit et d'éducation a une politesse naturelle. La courtoisie implique, en plus, des sentiments chevaleresques, c'est-à-dire le culte envers les femmes, la générosité envers les adversaires et les ennemis, sentiments que ne renferment ni la civilité ni la politesse.

HISTORIQUE

XIVe s. Distribucion de honeurs ou de pecunes ou de quelconques autres choses qui sont partables entre ceulx qui communiquent en une civilité ou policie, Oresme, Eth. 144. Civilité, c'est la maniere, ordenance et gouvernement d'une cité ou communité, Oresme, ib. 34. Et differe leur civilité de la civilité de ceux qui entendent à faire les citoiens bons en la maniere que une bonne chose differe d'une malvoise, Oresme, ib. 34.

XVe s. Tant de ce les enhorta que il les attira à icelle civilité, et que il s'assemblerent ensemble, Bouciq. IV, ch. 10. Pour la subtilité et civilité [adresse] du dit Malet, Du Cange, civilis.

XVIe s. Ceux qui vont en Allemagne, où les coustumes et civilitez [usages] sont différentes des nostres, quand ilz sont revenus, on les trouve grossiers, Lanoue, 120. Ayant esté nourry à la guerre en discipline militaire plus que ès civilitez de la ville, Amyot, Marius, 2.

ÉTYMOLOGIE

Provenç. civilitat ; espagn. civilidad ; portug. civilidade ; ital. civilità ; du latin civilitatem, de civilis, civil.

SUPPLÉMENT AU DICTIONNAIRE

CIVILITÉ. Ajoutez :
3 Terme d'imprimerie. Caractères de civilité, caractères reproduisant à peu près l'écriture ronde cursive avec lesquels on a imprimé la Civilité puérile. On trouve souvent dans les catalogues : tel livre est imprimé en caractères de civilité. Pour varier accidentellement le caractère romain, on employa d'abord l'italique, qui est penché, et dont le type original est de 1502… on soumit ensuite diverses écritures aux procédés typographiques ; ainsi nous avons eu en 1556 une cursive française connue depuis sous le nom de civilité, Manuel de typographie, Imprimerie, 1re part. p. 65, Encyclopédie Roret.