« clore », définition dans le dictionnaire Littré

clore

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

clore

(klo-r') v. a.

Usité seulement dans les formes suivantes : je clos, tu clos, il clôt ; je clorai ; je clorais ; clos ; que je close ; clos, close.

  • 1Boucher ce qui est ouvert. Clore les passages. Je sais qu'il fit trancher et clore ce conduit Par où ce grand secours devait être introduit, Corneille, Pomp. V, 3.

    Dans la vannerie, clore une corbeille, serrer l'osier avec un fer.

    Clore l'œil, la paupière, dormir. Ne pouvant clore l'œil, se plaignait en pleurant, Régnier, Dial. Il ne connaissait plus le sommeil, et la froide main de la mort pouvait seule lui clore les yeux, Bossuet, le Tellier.

    Fig. Clore la bouche à quelqu'un, l'empêcher de parler, le réduire à ne pouvoir répondre. Mais la naïveté… Clôt-elle pas la bouche à leur impiété ? Malherbe, I, 1.

  • 2Enclore. Clore une ville, un jardin.
  • 3 Fig. Terminer. Clore un marché. Quand j'aurai clos mon dernier jour, Malherbe, V, 20. Oui, seigneur, cette heure infortunée Par mes derniers soupirs clora ma destinée, Corneille, Nicom. IV, 1. J'écris quelques pages sur votre compte ; vous clorez, s'il vous plaît, le siècle de Louis XIV ; car vous êtes né sous lui, Voltaire, Lett. duc de Richelieu, 25 oct. 1761. Qui empêche, quand on s'aperçoit de la fuite du bonheur, de clore la vie ? Chateaubriand, Natch. II, 157.

    Déclarer terminé. Clore une discussion dans une assemblée.

  • 4Dans les exercices de la chevalerie, clore le pas, terminer le tournoi, par opposition à ouvrir le pas, commencer le tournoi.
  • 5 V. n. Cette porte, cette fenêtre ne clôt pas. Lorsque le jour allait clore, Chateaubriand, Amér. 67.
  • 6Se clore, v. réfl. Être clos. Un œil qui se clôt.

REMARQUE

Des grammairiens se sont plaints qu'on laissât sans raison tomber en désuétude plusieurs formes du verbe clore. Pourquoi en effet ne dirait-on pas : nous closons, vous closez ; l'imparfait, je closais ; le prétérit défini, je closis, et l'imparfait du subjonctif, je closisse ? Ces formes n'ont rien de rude ni d'étrange, et il serait bon que l'usage ne les abandonnât pas.

SYNONYME

CLORE, FERMER. Fermer, qui vient de firmare, rendre ferme, assurer, fortifier, s'est substitué peu à peu à tous les emplois de clore qui, venant de claudere, était, à l'origine, le mot propre. Aussi, malgré l'étymologie, n'y a-t-il guère de différence qu'en ce que le premier est d'un usage général, tandis que le second est d'un emploi restreint. Qu'on prenne toutes les locutions, et l'on verra que les nuances sont insaisissables. On ferme ou on clôt un jardin de murs ; le sommeil nous ferme ou nous clôt les yeux ; le président ferme ou clôt la discussion ; cette porte ne ferme pas bien ou ne clôt pas bien (pourtant on dira, avec une nuance : cette porte ferme bien, mais elle ne clôt pas ; c'est-à-dire les verrous en sont solides, mais elle laisse des jours). En un mot, fermer, prenant le sens de clore, s'est partout substitué à lui, excepté dans quelques locutions toutes faites : à huis clos, et non à huis fermé ; nuit close, et non nuit fermée ; le propriétaire de la maison est obligé de tenir le locataire clos et couvert, et non fermé (ici fermé ferait presque un contre-sens). En revanche, ce serait un autre contre-sens que de dire à quelqu'un de clore la porte, au lieu de fermer la porte, parce qu'on veut dire l'arrêter par le pêne ou par un loquet, non pas la clore. En somme, c'est l'effet naturel d'un mot impropre qui se substitue à un mot propre, d'en prendre la plupart des significations et pourtant de ne pas le chasser des locutions traditionnelles.

HISTORIQUE

XIIe s. Sire [il] fu de Illande, une terie où mers clot, Sax. XVII. Plus a fierté Herupe et Bretaigne et Touraine Que tous li remenanz que mers cloe et açaine, ib. XX. De ci que il out parfait sun palais e le temple nostre seignur, e clos le mur envirun Jerusalem, Rois, 233.

XIIIe s. Ces haus murs et ces riches tours dont la vile estoit close, Villehardouin, LXI. Lors se clostrent li nostre de lices par defors, Villehardouin, CLIII. Et si ot molt bele maison, Close de haut mur environ, Lai du trot. Por la destrece de mort cloudrent [se fermèrent] mi œil, Psautier, f° 106. Ançois doivent li auditeur clorre et seeler ce qui est fet et aporter en jugement, Beaumanoir, VI, 15. Et nous n'avons point de demain, Quar li termes vient et aprouche Que la mort nous clorra la bouche, Rutebeuf, 97. Li roys fist clorre tout l'ost de grans fossés, Joinville, 218. Et commanda le roy que l'en clousist nostre ost de fossés, Joinville, 221. Et jà parole ne fust née, Se bouche fust close tous jours, Denier et brebis, dans JUBINAL, t. II, 264.

XIVe s. Son sanc est ou cuer et es euls [yeux] qui sont gros, et ne les clot onques, Oresme, Eth. 23.

XVe s. Pour eux tollir et clorre le pas de la mer [aux assiégés de Calais], Froissart, I, I, 315. Où ils cloyoient la plus part de l'ost, Commines, I, 2. Commanderent qu'on amenast le charroy là où nous estions et que on nous cloyst, et ainsi fut fait, Commines, I, 4. Avant que le roy prist Arras, la ville cloyoit contre la cité, et y avoit grans fossez et grandes murailles entre deux, ainsi la cité estoit bien close, Commines, VI, 6. Je vous supplie que vous cloyez les fenestres, afin que nous soyons plus secretement, Louis XI, Nouv. XCVIII.

XVIe s. … Car crainte et doubte alors Luy cloent le bec, contemplant les richesses, Marot, J. V, 266. Mais mieux me vaut rendre ma lettre close, Marot, II, 23. Clouez tout court, rentrez de bonne sorte : Maistre passé serez certainement En un rondeau, Marot, II, 373. En liberté maintenant me pourmaine, Mais en prison pourtant je fus cloué, Marot, II, 425. Cela n'eust pu sembler autre chose que battre l'air à clos yeux, Calvin, 26. Juppiter s'excusoyt, remonstrant que tous ses benefices estoyent distribuez, et que son estat estoyt clouz, Rabelais, Pant. III, 33. Le soleil levant, il s'espanouit ; soy cachant, il se cloust, Rabelais, ib. III, 50. Clore et plier une lettre, Montaigne, I, 293. Il ne m'est onques advenu de trouver la bourse de mes amis close, Montaigne, I, 312. Je m'en vais clore ce pas par un verset ancien que…, Montaigne, I, 336. Tel en camp clos, qu'en une battaille, Montaigne, II, 7. Elle appelle ses filles pour luy clorre les yeulx, Montaigne, II, 41. Le gardans de pouvoir clorre l'œil, en le contraignant par toute voye et tout moyen de veiller et demourer sans dormir, Amyot, P. Aem. 59. Ilz avoient conspiré entre eulx, que le premier jour que les Romains sortiroient, ilz leur clorroient la porte à la cueue, Amyot, Marcel. 14. Pour clorre le chemin à ses ennemis…, Amyot, Sylla, 46. Il se jettoit à clos yeux au danger, Amyot, Phocion, 8. Quand se vint à la nuict close, que l'on ne voyoit desjà plus goutte, Amyot, César, 41. Jusques à ce que les ennemis vindrent à monter sur les remparts qui clouoient son camp, Amyot, ib. 60. Fermant la bouche à la raison, et clouant les yeux à l'imagination du peril, Amyot, Pomp. 85. Qu'elle tienne son halaine par intervale, en clouant le nez et la bouche, Paré, t. II, p. 629. Nous fismes un contract ensemble l'autre jour, Que tu me donnerois mille baisers d'amour, à levres demi-closes, Ronsard, 810.

ÉTYMOLOGIE

Berry, clouer ; picard, cloer, cloure ; provenç. claure, clauzer, clure ; anc. catal. cloir ; ital. chiudere ; du latin claudere. L'ancien français disait il clot et il cloe, nous cloons, il clooit ; d'où la confusion qui s'est faite, pour le son, avec clouer.

SUPPLÉMENT AU DICTIONNAIRE

CLORE. - HIST. XVIe s. Ajoutez : Vray est que la rigueur de l'inquisition les fait tenir [les Espagnols] clos et couverts [peu communicatifs], Guy Coquille, Dialogue sur les causes des misères de la France, Œuvres, éd. de 1666, t. I, p. 259. (voy. à CLOS 1, n° 2, un emploi semblable de clos et couvert en des auteurs plus récents).