« conter », définition dans le dictionnaire Littré

conter

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

conter

(kon-té) v. a.
  • 1Faire un récit. Si Peau d'âne m'était conté, J'y prendrais un plaisir extrême, La Fontaine, Fabl. VIII, 5. Tu me contais alors l'histoire de mon père, Racine, Phèd. I, 4. Heureux dans mes malheurs d'en avoir pu sans crime Conter toute l'histoire aux yeux qui les ont faits, Racine, Bérén. I, 4. Trop heureux d'avoir pu par un récit fidèle, De leur paix en passant vous conter la nouvelle, Racine, Baj. III, 2. Nos lévites… Ont conté son enfance au glaive dérobée, Et la fille d'Achab dans le piége tombée, Racine, Athal. V, 6. Si vous me promettiez de tenir votre langue, je vous conterais… mais non, car vous iriez tout dire, Courier, 2e lettre particulière.

    Poétiquement. Ariane aux rochers contant ses injustices, Racine, Phèd. I, 1. Au pied du saule assise, et douce, et sans murmure, Elle contait aux vents sa peine et son injure, Ducis, Othello, V, 2. Conte aux vents, conte au bois ses déplaisirs secrets, La Fontaine, Filles de Minée.

    Absolument. Les vieillards aiment à conter, c'est-à-dire, ils aiment à faire le récit de ce qu'ils ont fait ou vu dans leur jeunesse. Contons, mais contons bien, c'est le point principal, La Fontaine, Oies. L'une des marques de la médiocrité de l'esprit est de toujours conter, La Bruyère, XII. Milord Maréchal aimait à conter, mais ne contait jamais qu'à propos, avec simplicité, quoique avec finesse, et surtout avec ce bon goût qui écarte les détails inutiles, D'Alembert, Éloges, Milord Maréchal. Il aimait à conter et contait bien, paraissant moins songer à l'effet qu'il pouvait produire sur ses auditeurs que se livrer au plaisir de se rappeler ce qui l'avait occupé ou amusé autrefois, Condorcet, Maurepas.

  • 2Dire, relater. Évandre a tout conté pour excuser son maître, Corneille, Cinna, IV, 6. Votre cœur me contait son audace nouvelle, Racine, Bérén. III, 2. Contez-nous donc maintenant, vous qui les savez, toutes les grandes qualités de la princesse Palatine, Bossuet, Anne de Gonz. Elle me nomma tous ceux qui l'avaient aimée, elle me conta tout ce qu'ils avaient fait pour lui plaire, La Fayette, Zaïde, Œuvres, t. I, p. 207, dans POUGENS.

    Familièrement. Conter ses raisons, ses petites raisons à quelqu'un, entrer dans un détail familier.

    Ironiquement. Que venez-vous me conter là ? c'est-à-dire quelles sornettes venez-vous me débiter ?

    Conter des fagots, conter des choses sans vraisemblance.

    En conter de belles, conter des sornettes, conter des choses vaines, frivoles.

    Dans le même sens, en conter. Il nous en conte. J'ai beau vous en conter et faire le mauvais, je m'assure que vous vous moquez de moi, Guez de Balzac, liv. III, lett. 19. Dorante qui tantôt nous en a tant conté, Corneille, le Ment. III, 2.

    En conter de belles se dit aussi quand on apprend des choses inattendues. On vient de m'en conter de belles sur votre compte.

    En conter à une femme, la courtiser. Et qui veut vivre aimé n'a qu'à vous en conter, Corneille, Perthar. I, 2. Elle en aimait fort une [jeune fille] à qui l'on en contait, La Fontaine, Fianc. Et que s'il en contait avec attention, Le penchant serait grand à la tentation, Molière, Sgan. 6. Si quelqu'un vous en contait, Molière, Sicilien, 7. La curiosité qu'on fait lors éclater Marque un secret plaisir de s'en ouïr conter, Molière, Éc. des mar. II, 5. Mme de Valentinois accusa son beau-père, non-seulement de lui en avoir conté, mais de l'avoir voulu forcer, Saint-Simon, 44, 2.

    S'en faire conter, écouter, en parlant d'une femme, des propos galants. Ève aima mieux, pour s'en faire conter, Prêter l'oreille aux sornettes du diable Que d'être femme et ne pas coqueter, Sarazin, dans LEROUX, Dict. com. On dit dans le même sens, s'en laisser conter.

    En avoir long à conter, avoir beaucoup de choses à dire, à rapporter.

    Conter fleurettes, conter des fleurettes, tenir à une femme des propos de galanterie. Ils [les Français] ont cela de mauvais qu'ils s'émancipent un peu trop et s'attachent en étourdis à conter des fleurettes à toutes celles qu'ils rencontrent, Molière, Sicil. 14.

HISTORIQUE

XIe s. Et Blancardin pour la raison conter…, Ch. de Rol. V.

XIIe s. Vint as Franzois, devant toz l'a conté, Ronc. p. 45. [La raison] Que l'arcivesque lui a dite et contée, ib. p. 83. Mout grant dolors en ert [sera] au roi contée, ib. p. 91. Au roi Marsile la nouvelle [elle] a contée, ib. p. 146. [Étant] preus et sage, je ne vous os conter La grant dolor…, Couci, X. Et de Troie r'ai-je oï conter Qu'ele fut jà de moult grant seigneurie, Quesnes, Romancero, p. 108. Ensi est del felun cum il fu del sengler, Dunt vus avez oï en Avien cunter, Qui soleit les furmenz al riche humme gaster, Th. le mart. 31. Li reis cunctad tut à Jezabel la reine que Helyes out fait, e cume il out mort tuz les prophetes Baal, Rois, 319.

XIIIe s. Toutes leur aventures, sans mensonge conter, Berte, III. Des journées [marches] qu'il firent, trop ne vous conterai, ib. VII. Laissez m'entrer leens, tout vous sera conté, ib. XLV. Conté [elle] m'a son afaire et tout son errement, ib. XLVII. Belle, fait-il, s'il est si com m'avez conté…, ib. CXIV. Qui amer vuet or i entende, Que li romans dès or amende : Dès or le fait bon escouter, S'il est qui le sache conter, la Rose, 2074. Cil dist moult bien qui sait conter Qu'une fois doit li poz [le pot] verser, Ren. 7443. Et avant que je vous conte de ses granz faiz et de sa chevalerie, vous conterai que je vi et oy de ses saintes paroles, Joinville, 193.

XVe s. Venez vers moy, bonne nouvelle, Pour mon las cueur reconforter ; Contez moi comment fait la belle ; L'avez vous point oy parler De moy, et amy me nommer ? Orléans, Bal. 31. Je n'y estoye pas, mais le roy m'en a compté, Commines, II, 8.

XVIe s. Vrayement Protagoras nous en contoit de belles…, Montaigne, II, 311. Clidemus conte ces choses d'une autre et toute differente sorte, Amyot, Thésée, 23. On compte encore beaucoup d'autres choses sur ce propos, Amyot, ib. 24.

ÉTYMOLOGIE

Provenç. contar, comtar ; catal. espagn. et portug. contar ; ital. contare ; du latin computare (voy. COMPTER) ; compter ayant pris, par une dérivation facile à saisir, le sens de conter. On trouve souvent dans des textes anciens conter et compter confondus.