« corruption », définition dans le dictionnaire Littré

corruption

Définition dans d'autres dictionnaires :

Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

corruption

(ko-ru-psion ; en poésie, de quatre syllabes) s. f.
  • 1Rupture d'un ensemble, altération en général. Pour peu qu'on veuille s'appliquer à bien examiner ce système, il sera facile de se convaincre qu'il est le meilleur, le mieux proportionné et le moins sujet à corruption qui se puisse mettre en usage, Vauban, Dîme, p. 128. Toute la conséquence qu'on peut tirer de cette diversité d'opinions, c'est que les uns ont considéré la comédie dans sa pureté, lorsque les autres l'ont regardée dans sa corruption, Molière, Préf. du Tartuffe.

    Altération dans un texte. Il y a corruption dans ce texte-là.

    Altération du langage, du goût. Les innovations amènent la corruption des traditions littéraires. La corruption du latin dans les temps qui suivirent l'invasion des barbares.

    Par extension. Ce mot est formé de tel autre par corruption. Le chef du conseil d'Aragon portait le titre de grand justicier, et, par corruption, celui simplement de justice, Saint-Simon, 89, 152. Cette rue s'appelait anciennement la rue de l'Égyptienne, à cause d'une chapelle de sainte Marie Égyptienne qui est à l'entrée du côté de la rue Montmartre ; le peuple, par abréviation et corruption du mot, s'est accoutumé à l'appeler rue de la Jussienne, Saint-Foix, Ess. Paris, Œuvres, t. III, p. 182, dans POUGENS.

  • 2Décomposition putride. La corruption de la viande, de l'air. On a cru autrefois que les insectes s'engendraient de la corruption. Tout [les préparations anatomiques] se garantissait de la corruption par le secret de M. Ruysch, Fontenelle, Ruysch.
  • 3 Fig. Dépravation. La corruption des mœurs du siècle. Sans les aveugles, sans les sauvages, sans les infidèles qui restent et dans le sein même du christianisme, nous ne connaîtrions pas assez la corruption profonde de notre nature ni l'abîme d'où Jésus-Christ nous a tirés, Bossuet, Hist. II, 13. La corruption du cœur consiste dans l'opposition à l'ordre, Malebranche, Éclairc. liv. III. La corruption des mœurs, qui peut se maintenir jusqu'à un certain point malgré l'instruction, était infiniment favorisée et accrue par l'ignorance, Fontenelle, Le czar Pierre. C'est à cette victoire remportée sur Antiochus et à cette conquête de l'Asie, que Pline attache l'époque de la corruption des mœurs dans la république romaine, Rollin, Hist. anc. Œuvres, t. VIII, p. 435, dans POUGENS. Il y a deux genres de corruption : l'un, lorsque le peuple n'observe point les lois ; l'autre, lorsqu'il est corrompu par les lois, Montesquieu, Esp. VI, 12. Et que m'importe à moi que le sénat m'outrage, Que la corruption mette à prix son suffrage ? Voltaire, Catil. I, 2. Jamais on ne doit se décourager ; la corruption n'est jamais totale ; il y a partout des gens de bien, et, s'il en manque, on en fait naître, Marmontel, Bélisaire, XI. Dans la corruption une cour endormie, Avec son empereur disputant d'infamie, Legouv. Épichar. et Nér. I, 2. Les péchés mêmes des grands deviennent les modes des peuples, et la corruption de la cour s'établit comme politesse dans les provinces, Fléchier, Marie-Thér.

    Au sens actif, la corruption que l'on cause, que l'on produit. Les choses mêmes les plus saintes ne sont point à couvert de la corruption des hommes, Molière, Préf. du Tartuffe.

  • 4Au sens actif, moyen qu'on emploie pour gagner quelqu'un et le déterminer à agir contre son devoir et la justice. Ses plaintes, ses écrits et la corruption De ceux qu'il crut pouvoir servir sa passion, Rotrou, Vencesl. II, 1.

    Au sens passif. Ce juge est soupçonné de corruption, d'avoir été corrompu. Ne parlons pas des corruptions qu'on a honte de se reprocher ; parlons de la lâcheté ou de la licence d'une justice arbitraire qui sans règle et sans maxime se tourne au gré de l'ami puissant, Bossuet, le Tellier.

    Terme de droit. Le crime du fonctionnaire qui trafique de son autorité, et le crime de ceux qui cherchent à le corrompre.

HISTORIQUE

XIIe s. Rapresseir lo contretenail [réprimer l'opposition] de nostre corruption, et commencier fors à eissir à la connaissance de veriteit, Job, 488. Or vus ai fait ici mult grant digressiun ; Car ne vuoil en l'afaire mettre corruptiun, Th. le mart. 63.

XIIIe s. Lors fu e cors e deitez Ensemble sans corricion ; Lors montas à l'ascencion, Rutebeuf, II, 22. En toi ne doit avoir nule corrupcion ; Car tuit sommes et toutes en ta correpcion, J. de Meung, Test. 574. Mondes pleins de corruption, Trop est fous qui en toi se fie, Les vers du monde.

XIVe s. Car l'air qui estoit nes et purs, Fu ors et vils, noirs et obscurs, Si que de sa corruption Heurent les gens oppinion Que corrompu en devenoient, Machaut, p. 72. Avec ce fut faicte la dicte delivrance par le dit Jehan pour corruption de deniers qu'il en ot, Lett. de remission, Bibl. des Ch. 4e série, t. II, p. 59. Le nom de prodige [prodigue] en grec signifie perdicion et une maniere de corrupcion de son estre et de sa substance, par quoy il se peut vivre, Oresme, Eth. 103. De communication politique sont trois especes ; et les corrupcions ou transgressions de elles sont en nombre equal, Oresme, ib. 245. Tirannie est corrupcion et malvestié ou empirement de monarchie, Oresme, ib. 246. Une lampe de voirre qui devant sa tombe ardoit cheit d'aventure sur le pavement sans nulle corruption, Chr. de saint Denis, t. I, f° 36, dans LACURNE. Crime de corruption, si comme quand aucun officier de justice, sous ombre de son office, par corruption ou autrement juge autre à mort sans cause et laisse celuy qui a deservy mort, Boutillier, Somme rural, titre XXVIII.

XVIe s. L'un meurt, l'autre revit, et toujours la naissance Par la corruption engendre une autre essence, Ronsard, Eleg. 19.

ÉTYMOLOGIE

Provenç. corrupcio ; espagn. corrupcion ; ital. corruzione ; du latin corruptionem (voy. CORROMPRE).