« courage », définition dans le dictionnaire Littré

courage

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

courage

(kou-ra-j') s. m.
  • 1L'ensemble des passions qu'on rapporte au cœur. Au moins, que les travaux, Les dangers, les soins du voyage Changent un peu votre courage, La Fontaine, Fabl. IX, 2. Vous voilà, vains honneurs qui m'enfliez le courage, Écoulés en un jour comme l'eau d'un orage, Rotrou, Bél. V, 4. Sans que… Il te reste aucun fruit que la honte et la rage Qu'un remords inutile allume en ton courage, Corneille, Cinna, IV, 7. De tous deux Rodogune a charmé le courage, Corneille, Rodog. I, 5. Que tu pénètres mal le fond de mon courage ! Corneille, ib. IV, 5. Accordez votre bouche avec votre courage, Pratiquez vos conseils ou ne m'en donnez pas, Corneille, Cour de Mélite, I, 2. La honte suit de près les courages timides, Racine, Alex. I, 2. Détrompez son erreur, fléchissez son courage, Racine, Phèd. I, 5. Quel courage endurci Soutiendra les assauts qu'on lui prépare ici ? Racine, Iphig. IV, 1. Le nom d'amant peut-être offense son courage, Racine, Phèd. II, 1. Mais de faire fléchir un courage inflexible, Racine, ib. Je ne sais maintenant qui retient mon courage Que de vingt coups de poing au milieu du visage…, Regnard, Fol. amoureuses, I, 2. Un étranger, Fatime, un captif inconnu Promet beaucoup, tient peu, permet à son courage Des serments indiscrets pour sortir d'esclavage, Voltaire, Zaïre, I, 1. C'est même une lâcheté de courage, Massillon, Car. Doutes. Soumettez-lui les fiers courages Des plus nobles peuples du Nord, Gresset, O de au roi Stanislas.
  • 2La personne même, considérée au point de vue de la passion qui l'anime. Ce grand prince calma les courages émus, Bossuet, Louis de Bourb. Il devient un objet de mépris aux uns, et, ce qui est le plus insupportable à un grand courage, un objet de pitié aux autres, Bossuet, Reine d'Anglet. Combien reçut-il d'avis secrets que sa vie n'était pas en sûreté ! Et il connaissait, dans le parti, de ces fiers courages dont la force malheureuse et l'esprit extrême ose tout et sait trouver des exécuteurs, Bossuet, le Tellier. Ô la lâche personne ! ah ! le faible courage, Molière, Dép. am. IV, 4. Homère aux grands exploits anima les courages, Boileau, Art p. IV. Quels courages Vénus n'a-t-elle point domptés ? Racine, Phèd. I, 1. Cela ne put étonner des courages qui étaient à toute épreuve, et qu'une suite non interrompue de prospérités remplissait d'assurance, Rollin, Hist. anc. Œuvres, t. VI, p. 498, dans POUGENS.

    Homme courageux. [La France] Pleine de mœurs et de courages, Malherbe, II, 3.

  • 3Zèle, bonne volonté, ardeur. Je vous servirai de grand courage. Donner courage aux faibles, Pascal, dans COUSIN. Il ne perdit pourtant pas courage, Pascal, Prov. 4. Il me disait que je devais prendre courage, Fénelon, Tél. II. Je me sentis plein de courage contre les plaisirs, Fénelon, ib.
  • 4Fermeté qui fait supporter ou braver le péril, la souffrance, les revers, etc. Ses négociations, ses traités, tout ce que sa prudence et son courage opposaient à la fortune de l'État, Bossuet, Reine d'Anglet. S'il y eut jamais une conjoncture où il fallut montrer de la prévoyance et un courage intrépide, ce fut lorsqu'il s'agit d'assurer la garde des trois illustres captifs, Bossuet, le Tellier. La vraie épreuve du courage N'est que dans le danger que l'on touche du doigt, La Fontaine, Fabl. VI, 2. Le vrai courage trouve toujours quelque ressource, Fénelon, Tél. VI. Ce jeune roi, bien fait, vigoureux, d'une mine haute et fière, avait dans ses yeux la fureur et le désespoir ; il était comme un beau cheval qui n'a point de bouche, son courage le poussait au hasard, et la sagesse ne modérait point sa valeur, Fénelon, ib. II. D'un courage naissant sont-ce là les essais ? Racine, Iphig. I, 2. Le monde, injuste estimateur des choses du ciel, ne laissera pas d'admirer et de faire valoir le courage de ce sacrifice, Massillon, Car. Resp. hum. Dessus ses grands chevaux est monté mon courage, Molière, Sgan. 21. La philosophie peut éclairer ; mais d'une âme faible elle n'en saurait faire une âme forte ; il y a bien des sortes de courages, Condillac, Hist. anc. II, 10. Le vrai courage est une confiance éclairée que rien ne trouble, Condillac, ib. II, 11.

    Courage d'esprit, fermeté de l'intelligence qui fait saisir les idées hardies, par opposition à courage de cœur, qui fait braver les périls présents. Ces sortes d'idées hardies, pourvu qu'elles le soient dans de certaines bornes, partent d'un courage d'esprit, rare même parmi ceux qui ont le courage du cœur, Fontenelle, Chazelles.

    Donner courage, inspirer du courage. César qui lisait sa peur sur son visage, Le flattait par pitié, pour lui donner courage, Corneille, Pomp. III, 1.

    Prendre courage, ne pas se laisser abattre ; reprendre courage, se relever après avoir été abattu moralement. Prends courage, ma fille, et sache qu'aujourd'hui Ton roi te veut servir et de père et d'appui, Corneille, Cid, II, 9.

    Perdre courage, se décourager. Battus sans jamais perdre courage, Bossuet, Hist. I, 9.

    Il se dit aussi des animaux. Ce chien a du courage.

    Familièrement. Prendre, tenir son courage à deux mains, faire effort pour s'affermir dans une résolution.

    Courage ! interjection d'encouragement, d'excitation. Allons, courage ! Du courage ! Mais courage, il s'émeut, je vois couler des larmes, Corneille, Poly. IV, 3. Ménage, qui a dit tant de mots et qui en a dit si peu de bons, avoit pourtant raison de s'écrier à la représentation des Précieuses ridicules : courage, Molière ! voilà le bon comique, Marmontel, Élém. de littér. t. VI, p. 171, dans POUGENS.

  • 5Dureté de cœur (le courage de la fermeté ayant, par exagération, passé à la dureté de cœur, à l'insensibilité). Je n'ai pas le courage de lui refuser cela. Le traître eut le courage de livrer son meilleur ami. Sans que les larmes d'un si bon roi pussent amollir le courage de ces tigres qui le trahissaient si lâchement, Vaugelas, Q. C. 317.

    PROVERBE

    Il n'y a plus que courage, ou il n'y a plus que le courage, locution qui se dit pour encourager en avertissant qu'on est au bout de la peine, du travail, de la course, etc.

SYNONYME

1° CŒUR, COURAGE. Courage est un dérivé de cœur, et c'est cette dérivation qui permet de les distinguer, puisque, par là, courage doit contenir quelque chose de plus. En tant que considérés comme ce genre de fermeté qui fait mépriser le danger, cœur et courage sont synonymes ; et dans cette phrase de Molière : Et le cœur est digne de blâme Contre les gens qui n'en ont pas (Amph. I, 2), courage irait aussi bien. Mais bien que l'on dise combattre avec courage, on ne dit pas combattre avec cœur. Donc ce que la dérivation ajoute à cœur pour former courage, c'est que courage exprime la manifestation du cœur. Quand le cœur se manifeste par des actes extérieurs, il prend le nom de courage.

2° COURAGE, BRAVOURE., Courage est plus général que bravoure ; justement parce que courage tient étroitement à cœur, il exprime tous les genres de courage aussi bien à la guerre que dans la paix. Au contraire bravoure n'exprime que le courage dans le combat.

HISTORIQUE

XIe s. Li reis est fiers, et sis curages pesmes, Ch. de Rol. IV. Mais je ne sai quels en est sis curages [intention], ib. XII. Gardez, de nous ne turnez le curage [que vous ne changiez de sentiment à notre égard], ib. LI. En son curage [il] en est joieus et liét, ib. CXCVI.

XIIe s. Entendez mon corage, Ronc. p. 13. Respont Rollant : ne me vient en corage [je n'en ai pas envie], ib. p. 47. Li cuens Rolant o le courage fier, ib. p. 57. Rolanz fu preus et de mout fier corage, ib. p. 64. À Olivier [il] en a dit son corage, ib. p. 81. Par vasselage [fermeté], son corage [ses sentiments] il cela, ib. p. 168. Et de mout bon corage [il] a reclamé Jhesu, ib. p. 196. Mais je n'ai pas corage [intention] que plus le respitons, ib. p. 200. Au mont [monde] n'a [il n'y a], voir, si cruel traïson Qu'en bel semblant et corage felon, Couci, IX. Je doi avoir grant joie en mon corage, ib. XI. Tant [j'] ai en lui [elle] ferme assis mon corage Qu'ailleurs ne pense…, ib. [Je] Chanterai pour mon courage Que je veuil reconforter, Dame de faiel, dans Couci. Diex ! Que ferai ? Dirai lui [à elle] mon coraige ? Irai-je lui dont [donc] s'amour demander ? Quesnes, Romancero, p. 83. Chanter m'esteut, que m'en est pris coraige, ib. p. 85. Tel cinq cent chevalier Qui n'ont cuer ne corage de Saisnes guerroier, Sax. XVI. En tous essamples s'est granment reconfortez ; Mais nepurquant mult ert el corage trublez, Th. le mart. 65. Puet cel estre qu'ensi se voleient vengier De mei, quant lur curage [intention] ne porent avancier ? ib. 89. Ço est la lei à hume, ke hum te serve en simplicited e purted de sun curage, e tu li faces merci, Rois, 145.

XIIIe s. Damoisele, fait ele, fraignez vostre corage ; Trop avez hui menée grant dolor et grant rage, Audefroi le Bastard, Romancero, p. 14. Et bien creant en Dieu et de moult bon courage, Berte, LXX. Seignor, fame est et fole et sage, Et moult est fole de corage, Ren. 7108. El [Papelardise] fait dehors le marmiteus, Si a le vis [visage] simple et piteus, Et semble sainte creature ; Mais sous ciel n'a male aventure Qu'ele ne pense en son corage, la Rose, 417. Li valés fu jones et biaus, Si estoit bien d'autel aage Cum s'amie, et d'autel corage, ib. 1286. En tel cas prent on aucune fois l'autrui coze, et si n'est pas larrecins, car larrecins n'est pas sans avoir corage d'embler, Beaumanoir, XXIX, 12. Mais li corages monte as preus et as gentis, Ch. d'Ant. II, 490.

XIVe s. Vouloir estre honouré entre les grans et des grans, il vient de bon courage et tel se monstre home, Oresme, Eth. 123. Chetif courage, Oresme, ib. 106. La fame de Richart dit mout hautement de mauvais courage au dit exposant…, Du Cange, avidere.

XVe s. Le duc commença à rire et s'excusa, et ne dit pas si très tost ce qu'il avoit sus le courage, Froissart, II, III, 47. On pardonne bien de bouche, mais tousjours demeurent les haines en courages, Froissart, II, II, 241. Leurs gens n'avoient nul courage de bien faire ni eux defendre, Froissart, II, III, 17. Et qui eust voulu poursuir, on eust chassé les dits Anglois jusques à la mer, veu le courage que chacun avoit ; car ung François eust abatu dix Anglois, Chron. du siege d'Orléans, 1429, Bibl. des Chartes, t. III, 2e série, p. 207. Vallet, va querir en message Centurion au fier courage ; Va tost, dy ly qu'il veigne cy, la Pass. de N. S. J. C. En presence de cette noble compagnie, et mesmes plusieurs autres nobles hommes et vertueux courages cy presens, Math. de Coucy, Hist. de Charles VII, p. 678, dans LACURNE.

XVIe s. Les courages des ennemis sont abbattus, Montaigne, I, 24. Un mauvais luicteur se feit medecin : courage, lui dict Diogenes ; tu as raison ; tu mettras à cette heure en terre ceulx qui t'y ont mis aultrefois, Montaigne, III, 210. Remplissant des haines parricides les courages fraternels, Montaigne, IV, 201. Epaminondas, sans faire semblant de rien, avoit de longue main conduit la prattique de lever le courage aux jeunes hommes Thebains, Amyot, Pélop. 13. Il feit renaistre ès courages des soudards une envie de se trouver aux prises…, Amyot, Pélop. et Marcel. comp. 3. Philopoemen le laissa dire, combien qu'il en fust fort despit en son courage [intérieurement], Amyot, Philop. 30. …Un que je sceusse avoir courage lasche, Amyot, Comment disc. le flatte. 58. Un bon courage decore visage, Leroux de Lincy, Prov. t. II, p. 430.

ÉTYMOLOGIE

Bourguig. coraige ; provenç. et catal. coratge ; espagn. corage ; portug. coragem ; ital. coraggio ; d'une forme coraticum (comme le prouvent le tg du provençal et le double g de l'italien), dérivée de cor, cœur. Palsgrave, p. 62, au XVIe siècle, dit qu'on prononçait couraige.

SUPPLÉMENT AU DICTIONNAIRE

COURAGE. - REM. J. J. Rousseau a dit : Faire bon courage, pour : garder bon courage. Cependant je fais bon courage autant que je le puis, Rousseau, Lett. à Mme Warens, 1737, Correspondance, t. XVIII, p. 39, de l'édit. Mussay-Pathay, 1824. C'est un italianisme : far coraggio.