« courroucer », définition dans le dictionnaire Littré

courroucer

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courroucer

(kou-rou-sé. Le c prend une cédille devant a et o : je courrouçais, nous courrouçons, courrouçant) v. a.
  • 1Mettre en courroux. Cette conduite courrouça son père contre lui.

    Fig. Déchaîner la tempête et courroucer les flots, Delille, Énéide, I.

  • 2Se courroucer, v. réfl. Se mettre en courroux. C'est ainsi qu'un chrétien se venge et se courrouce, Corneille, Poly. V, 6. C'est contre le péché que son cœur se courrouce, Et l'intérêt du ciel est tout ce qui le pousse, Molière, Tart. I, 1. Prompt à se courroucer, enclin à contredire, Voltaire, Catil. II, 3. Rien dont le ciel pût se courroucer, Marmontel, Contes moraux, Ann. Lub.

    Fig. La mer se courrouce.

HISTORIQUE

Xe s. Si fut Jonas propheta mult correcious et mult ireist, Fragm. de Valenc. p. 468.

XIe s. Paien s'en fuient curuçus et irez, Ch. de Rol. CLIX. Si lui a dit : à tort vous curuciez, ib. XXX. Ne s'en coruce giens [en rien] cil saintismes hom ; Ains priet Deu quet il le lur parduinst [pardonne], St Alexis, LIV.

XIIe s. Pernez discipline, que nostre sire alquune fiede [aucune fois] ne se curuist, Liber psalm. p. 2. Sa lance est fraite, mout en est corociez, Ronc. p. 65. Li uns vers l'autre ne se doit corochier, ib. p. 83. Li Saisne s'en tournerent, n'i ot que correcier, Sax. IV. Moult par fu l'empereres correciez et irais, ib. X. Ainc ne trova li reis qui plus l'ait corecié, Th. le mart. 37. Del saint encens porter el temple s'enhardi ; Deus s'en ert cureciez, de liepre le feri, ib. 74. Lai saint iglise aveir ses decrez e ses leis ; Ele est espuse Deu, qui est sire des reis ; Il s'en corecera, se de rien la descreis, ib. 29. Se comandeit nous est que nous amons nos proïmes [prochains] si com nos mismes, dont [donc] convient que nos corezons à lur visces alsi com à nos, Job, 516. Et il n'en poïst estre cruciez, se il ne veïst et oïst les males oevres de ses proïmes [prochains], ib. 441.

XIIIe s. Devant ce que nous vous avons ci conté, vint une novele en l'ost dont li baron furent moult courecié et les autres gens, car maistres Foulques de Nulli morut, Villehardouin, XLIII. Tant doute [elle craint] à courocier Dieu et sainte Marie, Berte, CXIX Ne sai comment ge vous le die, Car ge vous criens à correcier, la Rose, 2905. Trop avoit [tristesse] son cuer correcié, Et son duel [deuil] parfont commencié, ib. 311. C'est le [la] vilonie que nus puist dire, de quoi cil à qui elle est dite se courrouce plus, Beaumanoir, XXX, 101. Li hons courouchiés pert legerement son propos, Beaumanoir, V, 10. Et ces choses fesoit il, vous ramentoi je, pource que vous vous en gardez, parquoy Dieu ne se courrousse à vous, Joinville, 293.

XIVe s. Les Stoiciens disent que un bon homme ne se doit onques troubler ne courroucier pour quelconques adversités, Oresme, Eth. 24. Se nous nous courçons trop fort ou trop tost, ou trop peu ou trop tart…, Oresme, ib. 42. Et pour ce tantost l'en se aïre et couresce, Oresme, ib. 205.

XVe s. Car le premier vous n'estes mie Qu'ay courcié en plus grant degré, Orléans, Complainte. Coruciez sommes durement, De vous, chiere dame honorée, Quant ainssy estes demenée, Résurr. de J. C. Et se courroucent quant on leur reffuse, Commines, II, 2. Le roy s'en courrouça à luy [s'irrita contre lui de cela], ainsi chascun se teust, Commines, IV, 9. Je ne sçauroye dire vers qui nostre Seigneur s'est monstré plus courroucé, ou vers luy qui… ou vers ses subgectz, Commines, V, 9.

XVIe s. Comment Dieu seroit il courroucé à la plus noble de ses creatures, veu que les moindres œuvres qu'il a faites lui plaisent ? Calvin, Instit. 179. Se courroucer afin qu'on se contre-courrouce, Montaigne, III, 144. Valerius ayant entendu de quelques siens amis comme le peuple se plaignoit de cela, il ne s'opiniastra point, ny ne s'en courroucea point à eulx, Amyot, Publ. 18. La mer par plusieurs jours se tint fort haulte, et fut toujours fort courroucée, Amyot, Timol. 27. Laissons aux Tarentins leurs dieux qui leur sont courroucez, Amyot, Marcel. 34. Il estoit facile à pardonner quand on l'avoit courroucé, Amyot, Pyrrhus, 17. Bien courroucé de peu pleure, Leroux de Lincy, Prov. t. II, p. 248. S'il s'en courrouce, qu'il s'en deschausse, Cymbabalum mundi, p. 104, dans LACURNE.

ÉTYMOLOGIE

Wallon, corcî ; rouchi, courcher, courchier ; picard, courcher ; provenç. corrossar ; anc. catal. corrosar ; ital. corrucciare (voy. COURROUX).