« décret », définition dans le dictionnaire Littré

décret

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décret

(dé-krè ; le t ne se lie pas dans le parler ordinaire ; au pluriel, l's se lie : des dé-krè-z insensés ; décrets rime avec procès, traits, jamais, paix, etc. Palsgrave, p. 24, remarque que le t se prononce devant une voyelle) s. m.
  • 1Décision, par laquelle on ordonne ou règle quelque chose. … Loin de murmurer d'un injuste décret, Mourant sans déshonneur, je mourrai sans regret, Corneille, Cid, II, 9. Il est par un décret chassé de nos remparts, Voltaire, Tancr. I, 4.
  • 2Décision du chef de l'État, plus spécialement comme chef du pouvoir exécutif, surtout lorsqu'il porte le titre d'empereur. On dit aussi en certains pays, l'Espagne par exemple, un décret royal. Des assemblées rendent également des décrets, ainsi la Convention, la Constituante de 1848.
  • 3Acte de l'autorité ecclésiastique. Les décrets des conciles. Ce pape fit un décret qui semblait favoriser les hérétiques, Pascal, Prov. 17.

    Recueil d'anciens canons, de constitutions des papes et de sentences des Pères de l'Église. Les commentateurs du Décret. En ce sens il prend un grand D.

    Anciennement, décision rendue par les théologiens de la Sorbonne. Les théologiens ne donnent des décrets ni en Angleterre ni en Prusse ; aussi les Anglais et les Prussiens nous ont bien battus, Voltaire, Lett. Marmontel, 1er janv. 1768.

  • 4 Fig. Les décrets du destin, du sort. Il s'était soumis aux décrets de la Providence, Hamilton, Gramm. 6. Lorsque vous dites : j'ai du bien, donc je ne dois point travailler, vous raisonnez aussi mal que si vous disiez : donc je ne dois point mourir ; car l'obligation du travail et la nécessité de la mort tiennent le même rang dans les divins décrets, Bourdaloue, Dim. de la septuagés. Dominic. t. I, p. 352. Aussitôt qu'une âme est séparée de son corps, elle va droit au lieu qui lui est propre ; et si, étant morte, elle ne trouvait ce lieu que le décret de la justice de Dieu a préparé pour elle, elle serait dans un enfer mille fois plus grand, parce qu'elle se verrait hors de l'ordre et de la disposition de Dieu, Nicole, Ess. mor. 2e traité, ch. 10.
  • 5Anciennement, ordonnance portant saisie ou prise de corps. Ces jours, le bien de Jean par décret fut vendu, Régnier, Sat. XI. Il y avait contre lui un décret de prise de corps, Sévigné, 401. Son mari dont les terres sont en décret, Sévigné, 435. Une triste famille… Voit ses biens en décret sur tous les murs écrits, Boileau, Sat. X. Louis XIII avait voulu que mon père achetât cette terre [la Ferté-vidame] depuis longtemps en décret [saisie], Saint-Simon, 15, 177. Je le déterminerai à venir purger son décret [de prise de corps au parlement de Toulouse], et à voir, sans mourir de peur, la place où Calas est mort, Voltaire, Lett. Audra, 3 janvier 1769.

    Terme d'ancienne jurisprudence. Décret d'immeubles, décret volontaire par lequel l'acquéreur faisait vendre un immeuble, à l'effet de payer les hypothèques. Décret forcé, décret par lequel les créanciers faisaient vendre aux enchères.

SYNONYME

DÉCRET, LOI. Ces deux mots expriment une décision rendue par une autorité souveraine, mais le décret qui, suivant son étymologie, est une chose décrétée, a conservé un sens de particularité qui n'est pas dans loi ; la loi statue sur une matière générale ; le décret, sur des choses particulières. Dans la pratique, on a plutôt égard à l'autorité dont l'acte émane ; mais la qualification dérive originairement des considérations précédentes. Dans le langage général, le décret suppose une autorité personnelle qui exprime précisément sa pensée. On dit les lois de la nature, de la morale ; on ne dirait pas les décrets ; tandis qu'on dit les décrets de Dieu, parce que Dieu est un être qui veut et qui ordonne.

HISTORIQUE

XIIe s. L'arcevesque respunt : ja ensi ne sera ; Mais sulunc Deu partut à dreit les maintendra, E sulunc les decrez bien les justisera, Th. le mart. 27. E quant à saint iglise e à Deu s'umilie, N'i ad lei ne decré ne rien qui l'entredie [l'interdise], ib. 84. En nul liu ne deit estre evesques ordenez, Tant n'i aura evesques venuz ne asemblez, Senz conseil del primat ; ço rove [exige] li decrez, ib. 127.

XIIIe s. Et ce est maniere de lei, et est tenu ou reiaume de Jerusalem et en celui de Chipre miaux [mieux] que leis ne decrés ne decretalles, Ass. de J. I, 183.

XIVe s. Si comme l'en pourroit monstrer par plusieurs auttorités qui sont es decrès et ailleurs, Oresme, Eth. 163.

XVe s. Sire chevalier, dit la royne, je vous reçois à mercy parmy l'amende. Dame, dit Norgal, la vostre bonne merci, et je feray l'amende à vostre decret, Perceforest, t. V, f° 73, dans LACURNE.

XVIe s. Un decret [vente judiciaire] nettoie toutes les hypotheques et droits, fors les censuels et feudaux, Loysel, 904. L'auctorisation et decret d'icelles [coustumes] avons reservé au roy nostre sire, Coustumier génér. t. II, p. 426.

ÉTYMOLOGIE

Provenç. decret ; espagn. et ital. decreto ; du latin decretum, du participe passé decretus, résolu, de decernere (voy. DÉCERNER).

SUPPLÉMENT AU DICTIONNAIRE

DÉCRET. Ajoutez :
6 Dans les universités du moyen âge, la faculté de décret, la faculté du droit canonique, Hauréau, Journ. des Débats, 1er juin 1876, 3e page, 3e col.