« défiance », définition dans le dictionnaire Littré

défiance

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

défiance

(dé-fi-an-s') s. f.
  • Crainte, doute qui fait qu'on ne se confie qu'après examen et réflexion. Je l'avoue, il est vrai, j'étais sans défiance, Régnier, Élég. 3. [Il] … donne lieu d'entrer en quelque défiance Des secrètes raisons de tant d'impatience, Corneille, Nicom. II, 1. Dieux ! que vous me gênez par cette défiance ! - Pour subsister en cour c'est la haute science, Corneille, Poly. V, 1. L'excès de ce bonheur me met en défiance, Corneille, Cid, I, 2. Ceux dont on craint les justes défiances, Corneille, Rodog. IV, 6. Elle a lieu de douter et d'être en défiance, Corneille, le Ment. IV, 7. Sans montrer aucune défiance d'une personne qu'il aimait, il prit le breuvage, Perrot D'Ablancourt, Arrien, liv. II, ch. 3, dans RICHELET. Se tenir sur la défiance, Maucroix, Homélie 15, dans RICHELET. Il se faut garantir de tous les hommes par une défiance générale, Saint-Évremond, dans RICHELET. Ces personnes n'entrent pas en défiance de votre bonne foi, Pascal, Prov. 13. … Cette défiance Est toujours d'un grand cœur la dernière science, Racine, Brit. I, 4. Dans un temps plus heureux ma juste impatience Vous ferait repentir de votre défiance, Racine, ib. III, 7. N'était-il pas plus noble… de me rassurer, en flattant ma douleur, Contre la défiance attachée au malheur ? Racine, Mithr. II, 4. L'esprit de défiance nous fait croire que tout le monde est capable de nous tromper, La Bruyère, Théophr. 18. Il n'oublia rien pour jeter quelque défiance dans mon esprit, Fénelon, Tél. XII. Tout ce qu'il y a de plus à craindre dans nos maux, c'est la défiance du remède, Massillon, Car. Enf. prod. Les sujets de défiance augmentaient tous les jours entre les Grecs et les Barbares, Rollin, Hist. anc. Œuvres, t. IV, p. 180, dans POUGENS. Tout m'importe et de tout je suis en défiance, Voltaire, Mérope, IV, 1. Venise ne fonda sa fière autorité Que sur la défiance et la sévérité, Voltaire, Tancr. I, 1. Conçois-tu quel état c'est pour une femme de porter la défiance, le mensonge et la crainte jusque dans les bras d'un époux, de n'oser ouvrir son cœur à celui qui le possède… ? Rousseau, Hél. IV, 1. Si vous portez les défiances du moment dans l'avenir, prenez garde qu'à force d'exagérer les craintes, nous ne rendions les préservatifs pires que les maux, Mirabeau, Collection, t. III, p. 334.

    Défiance de soi-même, manque de confiance en soi. Il fit paraître une juste défiance de ses propres forces. Au jugement que je fais de moi-même, je tâche de toujours pencher vers le côté de la défiance plutôt que vers celui de la présomption, Descartes, Méth. I, 3. Ce qu'il commençait à sentir le mit dans une juste défiance de lui-même, Fénelon, Tél. XXIII. Louis XVI, élevé au trône à l'âge de vingt ans, y apportait un sentiment bien précieux lorsqu'il est modéré, bien dangereux quand il est excessif, la défiance de soi-même, Marmontel, Mém. liv. XI.

    PROVERBE

    La défiance est mère de sûreté.

SYNONYME

DÉFIANCE, MÉFIANCE. La méfiance fait qu'on ne se fie pas du tout ; la défiance fait qu'on ne se fie qu'avec précaution. Le défiant craint d'être trompé ; le méfiant croit qu'il sera trompé. La méfiance ne permettrait pas à un homme de confier ses affaires à qui que ce soit ; la défiance peut lui faire faire un bon choix.

HISTORIQUE

XIIe s. De ses beaux ieuz [elle] me vint sans desfiance [défi] Ferir au cuer, que n'i ot autre effort, Couci, XVI.

XIIIe s. Et bien vous mandent que, sans defiance [sans dégager leur foi], il ne feroient mal ne à vous ne à altrui, Villehardouin, XCIV. Mout tindrent li Grieu à grant merveille et à grant outrage ceste deffiance [défi], Villehardouin, ib. Sire, li rois Richars d'Engleterre vous mande deffianche [défi], et dist qu'il vous venra veoir prochainement emmi liu de vostre tere, Chron. de Rains, p. 59. Et encore se deffiances [défis] sunt mandées à aucun, on les doit mander par tex gens qui les puissent tesmongnier, Beaumanoir, LIX, 9.

XVe s. À Paris où le roi Philippe se tenoit pour le temps, attendant tous les jours que defiances [défis] lui vinssent du roi anglois, Froissart, I, I, 75. Vous avez bien ci-dessus oui recorder comment le duc de Guerles avoit defié le roi de France par defiances impetueuses, Froissart, II, III, 103. Il [un envoyé d'Édouard] apporta au roy [Louis XI] une lettre de deffiance de par le roy d'Angleterre … Il requeroit au roy qu'il luy rendist le royaulme de France…, Commines, IV, 5.

XVIe s. De luy [je] n'ay en response que de voluntaire deffiance [défi], Rabelais, Gar. I, 29. Ce que je ne dy par deffiance que j'aye de ta vertu, mais pour…, Rabelais, Pant. II, 8. Pour souspeçon que la deffiance luy avoit engendré, Du Bellay, M. 146. Si lancea son cheval droit à luy, en lui criant un cry de desfiance [défi], Amyot, Marcell. 8. Marius les reconfortoit, en leur remonstrant qu'il n'avoit aucune deffiance de leur vertu, Amyot, Mar. 29.

ÉTYMOLOGIE

Défiant ; provenç. desfiansa ; anc. espagn. desfianza ; ital. disfidanza, diffidenza. Dans l'ancien français, defiance veut dire défi, sens qui est resté dans l'anglais.