« dénier », définition dans le dictionnaire Littré

dénier

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dénier

(dé-ni-é), je déniais, nous déniions, vous déniiez ; que je dénie, que nous déniions, que vous déniiez v. a.
  • 1Nier. Philotas dénia le crime, Vaugelas, Q. C. liv. VI, dans RICHELET. Les templiers dénièrent, à la mort, les crimes qu'ils avaient confessés dans les tourments, Mézerai, dans RICHELET. Qu'il approuve sa mort, c'est ce que je dénie, Corneille, Cinna, II, 1. Son plus grand regret, C'est de voir que César sait tout votre secret : En vain il le dénie et le veut méconnaître, Corneille, ib. IV, 6. Je ne dénierai point, puisque vous les savez, De justes sentiments dans mon âme élevés, Corneille, Rodog. V, 4. Les Grecs, les Jacobites et les Nestoriens, à qui il [un ministre protestant] ne dénie pas qu'il n'ait accordé le salut, Bossuet, Var. 3e avertiss. § 15. Comment ! chétif mortel, vous déniez vos dettes, Regnard, le Bal, sc. 13. Jugeant l'un très capable de dénier ce qu'il devait, et l'autre incapable de demander ce qu'on ne lui devait pas, Rollin, Hist. anc. Œuvres, t. XI, 2e partie, p. 641, dans POUGENS.
  • 2Refuser. Dénier des aliments. On lui a dénié toute justice. Je n'ai pu dénier cet office à leurs larmes, Rotrou, St Gen. V, 6. Je me dénie L'honneur qui ne m'est dû que dans mon Arménie, Corneille, Nic. III, 1. Le ciel m'a dénié cette philosophie, Molière, Femmes sav. IV, 2. On ne me peut dénier un rang parmi les auteurs de notre langue, Perrot D'Ablancourt, Arrien, liv. I, dans RICHELET. Pour obtenir les vents que le ciel vous dénie, Sacrifiez Iphigénie, Racine, Iphig. I, 1. Le ciel vous ravira ce sang qu'on lui dénie, Racine, ib. La Basse-Bretagne, à laquelle Dieu a dénié la vigne, Voltaire, l'Ingénu, 4. Les soldats d'un régiment, appelés sous serment secret à cette œuvre [décapitation de Charles 1er], dénièrent leurs bras, Chateaubriand, Stuarts, 231.
  • 3Se dénier, v. réfl. Être dénié. Ce que veut tout l'État se peut-il dénier ? Rotrou, Vencesl. III, 6.

HISTORIQUE

XIIIe s. U il volsist, u il dengnast, Au leu [loup] covint qu'il l'emportast, Marie de France, Fable 62. Dahez [mal à] qui char me denea, Quant ore mangier n'en oson, Ren. 23191. S'aucuns heritages est vendus à commune, li sires pot denier le [la] sesine à fere, Beaumanoir, L, 16.

XIVe s. Il denoient ou refusent l'un à l'autre aide et subside, Oresme, Eth. 258.

XVe s. Il cuidoit que ceux de Valenciennes dussent vuider et là venir combattre ; aussi l'eussent-ils très volontiers fait ; mais messire Henry d'Antoiny, qui la ville avoit à garder, leur deneoit et defendoit, Froissart, I, I, 111. Le jeune duc n'osa denyer de le lui bailler, Commines, IV, 1.

XVIe s. Qui fief denie, ou qui à escient fait faux aveu, ou commet felonie, fief perd, Loysel, 648. L'aide de ma bourse ne vous sera desniée, pour…, Lanoue, 481. Il n'y eut pas un de tous ceulx que Ciceron feit executer par justice, à qui on deniast sepulture, Amyot, Ant. 1. Aprez avoir attendu quelque temps qu'il [La Boëtie mourant] ne parloit plus et qu'il tiroit des soupirs trenchants pour s'en efforcer, car des lors la langue commenceoit fort à luy denier son office…, Montaigne, Lett. V.

ÉTYMOLOGIE

Provenç. denegar, deneyar, desnegar, desnedar ; espagn. denegar ; ital. dinegare ; du latin denegare, de la préposition de, et negare (voy. NIER). La forme dengner, par suppression de l'i bref, est correcte et fort ancienne. Denoier était une forme usitée dans certains dialectes, comme loier et lier, proier et prier, et, dans la langue actuelle, ployer et plier.