« dépens », définition dans le dictionnaire Littré

dépens

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

dépens

(dé-pan ; l's se lie : les dé-pan-z exigés) s. m. plur.
  • 1Déboursés. Il n'est guère usité (hors de la locution : aux dépens) que dans cette phrase : Gagner ses dépens, qui se dit d'une personne dont les services compensent les dépenses qu'elle occasionne.
  • 2Aux dépens, aux frais de. Apprenez que tout flatteur Vit aux dépens de celui qui l'écoute, La Fontaine, Fabl. I, 2. Il y fut nourri aux dépens de sa patrie, Fénelon, Tél. XXIV. Mummius, en recommandant le soin de cet amas précieux à ceux à qui il le confiait, les menaça très sérieusement, si les statues et les tableaux venaient à se perdre, de les obliger à en fournir d'autres à leurs dépens, Rollin, Hist. anc. Œuvres, t. IX, p. 246, dans POUGENS.

    Fig. Je fis ma cour à vos dépens, Sévigné, 110. Martine : Il me plaît d'être battue. - Robert : D'accord. - Martine : Ce n'est pas à vos dépens, Molière, Méd. m. lui, I, 2. Quand j'ai vu qu'à toute force ils voulaient que je fusse médecin, je me suis résolu de l'être aux dépens de qui il appartiendra, Molière, ib. III, 1. Au lieu qu'ordinairement ils [les princes] n'apprennent qu'aux dépens de leurs sujets et de leur propre gloire à juger des affaires dangereuses qui leur arrivent, Bossuet, Hist. Dessein général. Ils se sont raccommodés à vos dépens, Fénelon, Tél. XII.

    Rire aux dépens de quelqu'un, s'amuser à son sujet, en faire le but de ses plaisanteries. Vous apprendrez, maroufle, à rire à nos dépens, Molière, Sgan. 17. Aux dépens de Japhet je veux me divertir, Scarron, D. Japhet, III, 4. J'ai bien à vos dépens jusqu'ici plaisanté, Piron, Métrom. V, 9. Rire aux dépens d'autrui, quel talent, quel plaisir ! Collin D'Harleville, Malice pour mal. I, 1.

    Faire la guerre à ses dépens, avancer son argent sans profit, sans qu'il en soit tenu compte. Qui est-ce qui va jamais à la guerre à ses dépens ? qui est-ce qui plante une vigne et n'en mange point du fruit ? Sacy, Bible, St Paul, 1re Ép. aux Cor. IX, 7.

    Faire la guerre à ses dépens signifie encore, faire, dans un emploi, dans une fonction, plus de dépenses qu'on ne reçoit d'argent en traitement.

    Devenir sage à ses dépens, le devenir à la suite de quelque fâcheuse expérience. Ayant à mes dépens appris cette sentence : Qui gai fait une erreur, la boit à repentance, Régnier, Sat. X. [Rome] Savante à ses dépens de ce qu'il [Annibal] savait faire, Corneille, Nic. I, 5. Aux dépens de Néarque il doit se rendre sage, Corneille, Poly. III, 3.

    On dit dans le même sens : je l'ai appris à mes dépens.

    Par le sacrifice, la perte de. La basse-cour a été agrandie aux dépens des remises. La paix allait se faire aux dépens de ma tête, Corneille, Médée, I, 1. Il va vous obéir aux dépens de sa vie, Corneille, Cinna, III, 5. Et n'accepte aucun bien aux dépens de l'honneur, Corneille, ib. III, 4. Aux dépens de sa propre vie, Bossuet, Hist. III, 6. Je défendrai sa vie aux dépens de mes jours, Racine, Andr. I, 4. À vos plus chers amis j'ai disputé ce rang ; Je l'ai disputé même aux dépens de mon sang, Racine, Bérén. V, 7. Aux dépens du bon sens gardez de plaisanter, Boileau, Art p. III.

  • 3 Terme de procédure. Frais que la partie qui perd doit payer à la partie qui gagne, par opposition aux frais proprement dits, lesquels sont dus par la partie à son avoué. Il a été condamné aux dépens. Il a payé les dépens. Tous deux avec dépens veulent gagner leur cause, Boileau, Épît. II. Arrêt enfin ; je perds ma cause avec dépens, Racine, Plaid. I, 7.

    Dépens compensés, dépens mis à la charge de chacune des parties litigantes.

    Distraction des dépens, droit qu'a l'avoué de se payer sur les dépens adjugés à la partie.

    Fig. Ce ne fut pas la première fois que je m'aperçus que l'on paye souvent les dépens de sa bonté, Retz, III, 115.

HISTORIQUE

XIIIe s. Si manda au pape qu'il ne s'en mouveroit de çà, adont qu'il raveroit au moins ses despens, Chr. de Rains, 124. Et qui par malice travaille son aversaire est condempné en pene et en despans, Liv. de just. 14. Quant li aucun sont semons por aidier lor segneur ou leur mesons à garder, li sires lor doit livrer lor despens resnablement [raisonnablement], Beaumanoir, 49. Et elle leur dit que jà par famine ne s'en iroient ; car je ferai acheter toutes les viandes en ceste ville, et vous retieing touz desorendroit aus despens [à la solde] du roy, Joinville, 252.

XIVe s. Il n'avient pas souvent que il superhabundent en dons ou en despens ou regart de la multitude de leurs possessions, Oresme, Eth. 106.

XVe s. Ne fay passer despens ta revenue, Deschamps, Poésies mss. f° 12, dans LACURNE.

XVIe s. Aux despens d'aultruy, Montaigne, I, 105. Je trouverois raisonnable que le prince, à ses despens, en gratifiast la commune, Montaigne, I, 199. Il ne se montroit au partir de là que trop sage et trop advisé aux despens de nos affaires, Montaigne, II, 16. Estre nourry aux despens de la chose publique, Amyot, Sol. 65. Il renvoya les Grecs en leurs païs, leur donnant argent pour faire leurs despens par les chemins, Amyot, Lucull. 57. L'advocat voulut faire sa paix aux despens d'une perfidie, D'Aubigné, Hist. I, 100. Deux mille hommes pouvoient empoigner toute l'isle aux despens d'une petite tranchée [en la faisant], D'Aubigné, ib. I, 326. Et moururent en tout de 6 à 7000 hommes [ennemis], aux despens de 2000 qu'y perdirent les estats, D'Aubigné, ib. III, 531. L'honneur s'achepte aux despens de la peine, Ronsard, 598. Ne combas point, à fin que, n'estant le pius fort, T'achetes une honte aux despens de la mort, Ronsard, 757.

ÉTYMOLOGIE

Picard, dépins ; provenç. despes, despens ; du supin depensum, de dependere, dépenser (voy. DÉPENDRE 3). Palsgrave, p. 23, observe que despens se prononce dépens.