« désir », définition dans le dictionnaire Littré

désir

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

désir

(dé-zir ; plusieurs, dit l'Académie, écrivent desir et prononcent de-zir) s. m.
  • 1Envie d'obtenir, d'avoir quelque chose. Ma troisième maxime était de tâcher toujours plutôt à me vaincre que la fortune, et à changer mes désirs que l'ordre du monde, et généralement de m'accoutumer à croire qu'il n'y a rien qui soit entièrement en notre pouvoir que nos pensées, Descartes, Méth. III, 4. C'est en la paix que toutes choses Succèdent selon nos désirs ; Comme au printemps naissent les roses, En la paix naissent les plaisirs, Malherbe, III, 2. Le désir de l'immortalité est le plus violent aussi bien que le plus fort de tous nos désirs, Patru, Plaidoyer 12, dans RICHELET. Comme notre esprit… Toujours vers quelque objet pousse quelque désir, Corneille, Cinna, II, 1. J'ai perdu le désir avecque l'espérance, Rotrou, Vencesl. III, 4. Former des désirs pour leur damnation, Pascal, Prov. 11. Je suis venu pour vous découvrir toutes choses, parce que vous êtes un homme rempli de désirs, Sacy, Bible, Daniel, IX, 23. Maintenant, que le temps a mûri mes désirs… j'aime mieux mon repos…, Boileau, Ép. v. Pour contenter ses frivoles désirs, L'homme insensé vainement se consume, Racine, Esth. II, 9. Rions, chantons, dit cette troupe impie ; De fleurs en fleurs, de plaisirs en plaisirs Promenons nos désirs, Racine, Athal. II, 9. Une esclave empressée Qui courait de Roxane accomplir le désir, Racine, Baj. III, 1. L'on est né quelquefois avec des mœurs faciles, de la complaisance, et tout le désir de plaire, La Bruyère, XI. Un vain désir de gloire a séduit mes esprits, Voltaire, Mérope, II, 2. Le désir est une volonté exaltée, Bonnet, Œuvres mêlées, t. XVIII, p. 233, dans POUGENS.
  • 2Bon désir, désit conforme à la volonté de Dieu, bonne intention. Daignez écouter là-dessus mon désir, si c'est un bon désir, Bourdaloue, Pensées, t. I, p. 42. Ils forment mille bons désirs, Massillon, Or. fun. Prof. 1.

    Dans un sens général. Compte mes bons désirs comme autant de services, Corneille, Au roi, sur Cinna, Pompée, etc.

  • 3Désir a quelquefois le sens de désir ardent.

    Il signifie aussi le sentiment qui pousse un sexe vers l'autre. Chemin faisant, Hispal expliquait ses désirs Moitié par ses discours, moitié par ses soupirs, La Fontaine, Fianc. Son miroir lui disait : prenez vite un mari ; Je ne sais quel désir le lui disait aussi, La Fontaine, Fabl. VII, 5. Et, sans parler du reste, on sait bien que Célie A causé des désirs à Léandre et Lélie, Molière, l'Étour. V, 13.

  • 4L'objet même du désir. Léon seul est ma joie, il est mon seul désir, Corneille, Pulch. III, 2. Tout ce qui de mon cœur fut l'unique désir, Racine, Bérén. III, 1. Tous vos désirs, Esther, vous seront accordés, Racine, Esth. III, 4.
  • 5 Terme d'ancienne pratique. Au désir de l'ordonnance, au désir de la coutume, suivant l'ordonnance, suivant la coutume.

HISTORIQUE

XIIe s. Assez aim [j'aime] mieus mourir en bon desir Que vivre iréz et m'amie haïr, Couci, IX. Mais fol desir fait souvent cuer penser En si haut lieu qu'il n'i peut avenir, ib. X. Et si [je] me suis mis à sa volenté Que nuls travaus mon desir ne refreigne, ib. XI. [Cela] Me fait resouvenir De là où tuit mi bon desir Sont et seront jusqu'au mourir, ib. XVIII. Au mont [monde] [je] ne truis [trouve] tant bele ne si sage, Ne nule riens n'est tant à mon desir, ib. XI. Mais bien me pourra grever Lons desirs sans conforter, ib. p. 119.

XIIIe s. Pour Dieu [je] la pri, qui tant l'a honorée Que chascuns qui la voit en a desir, Qu'ele ait merci de moi sans demeurée, Vidame de Ch. Bomancero, p. 114. Mout [il] fu en grant desir que il puïst venir, Berte, XII. En la serve [il] avoit mis cuer [cœur] et cor et desir, ib. LXIII. Tant ele ot grant desir de venir à sa fille, ib. LXXXVII. D'amour et de desir tout li cuers lui esprent, ib. CX. Et vont trançant parmi ces rues, Pour veoir, por estre veües ; Por faire as compaignons desir De voloir avec eus gesir, la Rose, 9070.

XVe s. Je n'en savoye nul avoir Qui peust contenter mon desir, Se non quant vous povoye voir, Ma joye, mon seul souvenir, Orléans, Bal. 17. Mon cher dezir, o bouteille m'amie, Secourez-moi, Basselin, XLI.

XVIe s. Et s'il luy estoit possible luy mesme y estre en personne, c'est le plus grand desir que pour ceste heure il faict, Marguerite de Navarre, Lett. 14. J'ay congneu de long temps à vous ung desir au soulagement des subjects du roy si grant, que…, Marguerite de Navarre, ib. 159. Mais de quoy sert le desirer, Sinon pour l'homme martirer ? Le desir n'est rien que martire, Ronsard, 471. Desir ne peut mourir, Leroux de Lincy, Prov. t. II, p. 288.

ÉTYMOLOGIE

Voy. DÉSIRER ; provenç. dezir, desire ; ital. desire. Désir n'est pas formé du latin desiderium, qui avait donné dans l'ancienne langue, à côté de désir, desirier ; c'est un substantif créé par les langues romanes sur le verbe désirer ; former un substantif sur le verbe est un procédé très commun dans les langues vulgaires. L'ancien français disait aussi desirance.