« dévotion », définition dans le dictionnaire Littré

dévotion

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dévotion

(dé-vo-sion ; en vers, de quatre syllabes) s. f.
  • 1Attachement aux pratiques religieuses. Personne pleine de dévotion. Il a beaucoup de dévotion. Et qui, jeune, n'a pas grande dévotion, Régnier, Sat. XII. Faire de son devoir son mérite par rapport à Dieu, son plaisir par rapport à soi-même, et son honneur par rapport au monde ; voilà en quoi consiste la vraie vertu de l'homme et la solide dévotion du chrétien, Bourdaloue, Pensées, t. I, p. 397. C'est dans le grand monde qu'on trouve ces dévotions aisées et commodes, ces dévotions que l'on veut accorder avec les maximes du siècle, Bourdaloue, Exhort. Ste Thér. t. I, p. 304. Certain air de dévotion, Lorsque l'on n'est plus jeune, a toujours bonne grâce, Deshoulières, au P. de la Chaise. Je sais combien crédule en sa dévotion Le peuple suit le frein de la religion, Racine, Baj. I, 2. Mme de Montespan s'est jetée dans la plus grande dévotion ; il est bien temps qu'elle nous édifie, Maintenon, Lettre à Mme de St-Géran, 10 sept. 1683. Je ne suis point dévote, mon cher frère ; mais je veux l'être ; je suis persuadée que la dévotion est la source de tout bien, Maintenon, Lettre à d'Aubigné, 11 juillet 1684. La dévotion d'Italie prend assez souvent une forme qui n'est guère de notre goût d'aujourd'hui, Fontenelle, Marsigli. Je ne connais pas de meilleure école de logique et de dévotion philosophique que les polypes et les animalcules des infusions, Bonnet, Lett. div. Œuvres, t. XII, p. 133, dans POUGENS.

    Avoir dévotion à, adresser particulièrement ses pratiques religieuses à un saint, à une église, à une image, etc. Sainte Barbe à qui son frère Jetser avait une grande dévotion, Voltaire, Mœurs, 129. Ce portrait était une petite miniature représentant l'ermite Paul ; Marguerite y avait une grande dévotion, Bernardin de Saint-Pierre, Paul et Virg. p. 124.

    Dans le courant du XVIIe siècle, dévotion se prend en mauvaise part pour fausse dévotion, hypocrisie. On peut impunément, pour l'intérêt du ciel, être dur, se venger, faire des injustices ; De la dévotion c'est là l'essentiel, Deshoulières, au P. de la Chaise. Celui qui a pénétré la cour connaît ce que c'est que vertu et ce que c'est que dévotion, et il ne peut plus s'y tromper, La Bruyère, XIII. Faire servir la piété à son ambition, aller à son salut par le chemin de la fortune et des dignités, c'est du moins jusqu'à ce jour le plus bel effort de la dévotion du temps, La Bruyère, ib.

  • 2Pratiques de dévotion. En ces jours consacrés à la dévotion, Il faut mieux épurer l'œuvre et l'intention, Corneille, Imit. I, 19. Pratiquant la dévotion de saluer les images de la Vierge, Pascal, Prov. 9. Vous étiez en dévotion, Sévigné, 37. Nous fîmes hier de grandes dévotions, Sévigné, 76. On dit que vous [Commines] n'avez pas oublié mes petites dévotions [de Louis XI], surtout à la fin de mes jours, Fénelon, t. XIX, p. 368. Lorsque nous eûmes fait nos dévotions sur le tombeau de la vierge qui a mis au monde douze prophètes, Montesquieu, Lett. pers. 1.

    Faire ses dévotions, remplir ses devoirs religieux à certaines époques de l'année. On m'a défendu de faire mes dévotions à la Pentecôte, Sévigné, 188. Je ne fis point mes dévotions, Sévigné, 232. Il avait fait ses dévotions à la paroisse, Bossuet, Lett. quiét. 413.

    Livres, tableaux de dévotion, livres, tableaux sur un sujet de piété. Je lis des livres de dévotion, Sévigné, 432.

    Fête, jeûne de dévotion, fête, jeûne qui n'est pas d'obligation. Beauvau, évêque de Tournay, publia des dévotions pour implorer la bénédiction de Dieu sur nos armes, Saint-Simon, 208, 46.

  • 3L'offrande est à dévotion, on donne ce qu'on veut à l'offrande.

    À l'offrande, qui a dévotion, c'est-à-dire que celui qui a dévotion aille à l'offrande, en d'autres termes, va qui veut à l'offrande.

  • 4Attachement comparé en quelque sorte à celui qu'on a pour les choses de piété. Ma dévotion pour vous est sans bornes. On peut aussi avoir de la dévotion pour son prince, Descartes, Pass. 83. J'aurai toujours pour vous, ô suave merveille, Une dévotion à nulle autre pareille, Molière, Tart. III, 3.

    Être à la dévotion de quelqu'un, lui être entièrement dévoué. (Cette locution serait inintelligible si l'on ne remarquait que, tandis que ma dévotion pour vous signifie la dévotion que j'ai pour vous et a un sens actif, il est à ma dévotion a un sens passif et doit se comprendre de la dévotion qui est pour moi dans le cœur de la personne dont il s'agit). En la place de tous tant qu'ils sont, le courtisan ambitieux met des personnes à sa dévotion, Guez de Balzac, 7e disc. s. la cour. On lui manda que la ville était à sa dévotion, Perrot D'Ablancourt, Arrien, liv. I, ch. 6, dans RICHELET. Il avait gens à sa dévotion, La Fontaine, Fér. Le portier est personne Entièrement à ma dévotion, La Fontaine, Comm. l'espr. Le peuple se flattait, ayant un consul à sa dévotion, de faire nommer les commissaires et de procurer enfin le partage des terres, Vertot, Révol. rom. III, p. 243.

    PROVERBE

    Il n'est dévotion que de jeune prêtre, c'est-à-dire on fait les choses avec un grand zèle quand on est nouveau en quelque charge, en quelque profession.

HISTORIQUE

XIIe s. En grant devotiun cele messe ad chantée, E à Deu sun seignur ad sa cause mustrée, E pria qu'il le guard de male destinée, Th. le mart. 35.

XIIIe s. Ensi le firent moult volentiers par tout l'ost, et par moult grant devocion le firent, Villehardouin, LXX. Parquoy cil qui venront à son autel, que il y eussent plus grant devotion, Joinville, 304.

XIVe s. Sachent touz que nous à nostre amé et feal Jehan conte de Bretaigne et à ses hoirs, en nostre feauté et en nostre devotion demourans à tous jours mais… octroions, Ordonn. des rois de France, t. I, p. 329. Du sepoucre [ils] venoient acquerre le pardon, Ainsi qu'à pluseurs gens en prent devocion, Guesclin. 15429. Là prist à Bauduin grande devotion D'aller outre la mer, sans nulle arrestison, Baud. de Seb. VIII, 707.

XVe s. Le jour de la feste N. D. en mi aoust… allerent en pelerinage à N. D. de Vregny… Leur devotion faite, ils vinrent en une taverne au dit Vregny, Du Cange, devotiones. Et fit là en droit le roi dire grand foison de messes pour accommunier ceux qui devotion en auroient, Froissart, I, I, 41. Maint homme [les femmes] ont fait briser s'entencion, Que l'en tenoit de très ferme couraige, Et delaissier toute devocion, L'un par amours, l'autre par mariage, Deschamps, Empire des femmes. Ainsi traversa le chevalier la riviere, et vint aborder à l'isle où il devoit combattre, et là sailli hors de son batteau, vestu d'une longue robe de drap d'or gris fourrée de martres ; il avoit sa bannerolle en sa main figurée de ses devotions [images auxquelles il avait dévotion], dont il se signoit, De la Marche, Mém. liv. I, p. 297, dans LACURNE.

XVIe s. Comme il estoit en devotion sur certain poinct de la messe, Montaigne, I, 254. Combien d'hommes, et en Turquie surtout, vont nuds par devotion ? Montaigne, I, 259. Les rivieres, les passages, à sa devotion, luy conduiroient et vivres et deniers, Montaigne, I, 356. Les tyrans ont ils jamais failli de trouver assez d'hommes vouez à leur devotion ? Montaigne, II, 168. À Rome tout estoit quasi à sa devotion [de Pompée], Lanoue, 551. Quand toute leur puissance, qui se trouva très grande, et en bonne devotion de bien faire, fut assemblée en un camp, Amyot, Cor. 43. Estant tousjours prest à faire de bien en mieulx pour ceulx qui luy estoient redevables, à fin de les entretenir et garder tousjours en sa devotion, Amyot, Flamin. 1. L'orateur Callistratus devoit plaider en jugement la cause d'Oropus, et attendoit un chascun en grande devotion le jour de ce plaidoyer, Amyot, Démosth. 7. [Une chapelle] où mesme Soliman vint faire ses devotions, D'Aubigné, Hist. I, 31.

ÉTYMOLOGIE

Provenç. devotio ; catal. devoció ; espagn. devocion ; ital. devozione ; du latin devotionem (voy. DÉVOT).