« demander », définition dans le dictionnaire Littré

demander

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

demander

(de-man-dé) v. a.
  • 1Exprimer à quelqu'un qu'on souhaite obtenir quelque chose de lui. Je vous demande votre appui. Toutes les dignités que tu m'as demandées, Je te les ai sur l'heure et sans peine accordées, Corneille, Cinna, V, 1. Que vous me fatiguez avec un tel caprice ! Ce que vous demandez a-t-il de la justice ? Molière, Mis. V, 2. On demande à Dieu les choses ; on demande aux saints des prières ; qui s'avisa jamais de demander ou des prières à Dieu, ou les choses mêmes aux saints comme à ceux qui les donnassent ? Bossuet, Var. XIII, 28. Mais sans cesse ignorants de nos propres besoins, Nous demandons au ciel ce qu'il nous faut le moins, Boileau, Épît. V. Faut-il que mes soupirs vous demandent sa vie ? Racine, Androm. III, 7. … C'est un exil que mes pleurs vous demandent, Racine, ib. I, 4. Je vous ai demandé des oreilles, des yeux, Racine, Bérén. II, 2. Mes soldats, dont je veux tenter la complaisance, Dans ce même moment demandent ma présence, Racine, Mithr. II, 5. Puisqu'enfin ma prière a si peu de pouvoir, Vous avez entendu ce que je vous demande, Madame ; je le veux et je vous le commande, Obéissez…, Racine, Iphig. III, 1. Je dois quatre cents francs ! c'est une fourberie… Je ne sais pas, au vrai, si vous les lui devez, Mais il me les a, lui, mille fois demandés, Regnard, Légat. V, 7. Je demande en tremblant une grâce de vous, Voltaire, Zaïre, IV, 2. Je n'aurais point aux cieux demandé d'autre père, Voltaire, Mérope, V, 1.

    Absolument. Il est toujours à demander. Il demandait pour les pauvres en un lieu [la cour] où l'on se fait un point d'habileté de ne demander que pour soi, Fléchier, Lamoignon.

    Demander la bourse ou la vie, se dit d'un voleur qui, vous présentant une arme, exige que vous lui remettiez l'argent que vous avez.

    Fig. Ne demander que plaie et bosse, se plaire dans le trouble et dans le désordre.

    Familièrement. Ne demander pas mieux, acquiescer à une résolution, ne pas s'y opposer.

  • 2Demander son pain, demander l'aumône.

    Absolument. Mendier. On rit du fou qui sur sa lyre Chante à la porte en demandant, Béranger, Indépend.

  • 3 Terme de palais. Former une demande en justice. Demander des aliments.

    Conclure à. Demander une remise, une enquête, solliciter des délais, une information, un examen.

    Avoir le rôle de demandeur. Tant en demandant qu'en défendant.

  • 4Demander à, suivi d'un infinitif, exprimer le désir de. Il demande à parler, à venir vous voir. Philoclès demanda au roi à se retirer auprès de Salente dans une solitude, Fénelon, Tél. XI. Ses yeux baignés de pleurs demandent à vous voir, Racine, Bérén. V, 7. Cette femme éperdue à vos sacrés genoux demande à se jeter, Voltaire, Orphel. III, 1.

    Ne demander qu'à, suivi d'un infinitif, désirer uniquement. Il ne demande qu'à s'amuser.

    Fig. La terre ne demande ici qu'à anrichir les habitants, Fénelon, Tél. XI.

    Demander de, avec l'infinitif, ou que, avec le subjonctif, même sens que demander à. Il demande d'être reçu dans cette compagnie. Il demande de ne pas vous suivre. Ils demandèrent au roi qu'il leur fût permis de retourner dans leur patrie. On ne leur demande pas qu'ils soient plus fidèles à leurs devoirs, La Bruyère, XI. On ne vous demande pas de vous récrier : C'est un chef-d'œuvre, La Bruyère, I.

    Les deux compléments à et de sont réunis dans la phrase suivante : Je demande par grâce à sortir de Byzance Et d'aller exercer mon courage et mon bras, Campistron, Andronic, III, 2.

  • 5Enjoindre, prescrire, en parlant de celui qui exige. Dieu demande que nous secourions nos semblables.

    Exiger, en parlant des choses qui exigent. Faites ce que la vertu demande. Cela demande de grandes dépenses. Cela demande explication. Ne pensez qu'aux devoirs que vos pays demandent, Corneille, Hor. II, 8. … L'État demande aux princes légitimes Des prix pour les vertus, des peines pour les crimes, Corneille, ib. V, 2. Va marcher à leur tête où l'honneur te demande [t'appelle], Corneille, Cid, III, 6. J'ai quelques intérêts Qui demandent ici des entretiens secrets, Corneille, Sertor. V, 6. Toutes les affaires qui demandent de la probité, Fénelon, Tél. XX. Il n'avait ni l'équité ni la modération ni le désintéressement que demandait un tel projet, Rollin, Hist. anc. Œuvres, t. VI, p. 68, dans POUGENS.

    Absolument. Si c'est le devoir qui demande, tout doit céder.

  • 6Dire, prier de donner, d'apporter, d'expédier une chose, de venir. Demander le journal. Demander son déjeuner sa canne, ses gants. On demanda le médecin.

    Il se dit aussi pour exprimer qu'on a besoin de. La terre est sèche, on demande de la pluie.

  • 7Chercher quelqu'un pour le voir, lui parler. Ils demandent le chef, je me nomme, ils se rendent, Corneille, Cid, IV, 3. Qu'est-ce que vous me voulez, mon papa ? ma belle maman m'a dit que vous me demandez, Molière, Mal. imag. II, 11.
  • 8Demander une jeune fille, la demander en mariage. Sans doute, et je l'ai demandée à son père, Molière, Mar. forcé, 2.
  • 9Interroger sur ce que l'on veut savoir, s'enquérir. Demander des nouvelles. Demander le nom, la demeure de quelqu'un. On m'a demandé qui j'étais. On lui a demandé pourquoi il parlait ainsi. Pourquoi donc me donner un semblable conseil ? - Pourquoi m'en demander sur un sujet pareil ? Molière, Tart. II, 4. La chose quelquefois est fâcheuse à connaître ; Et je tremble à la demander, Molière, Amph. II, 3. Si nous osions demander au grand prince qui lui rend ici avec tant de piété les derniers devoirs, quelle mère il a perdue, il vous répondrait par ses sanglots, Bossuet, Marie-Thér. Pourquoi le demander, puisque vous le savez ? Racine, Iphig. IV, 6.

    Demandez-moi pourquoi, se dit pour exprimer qu'on ne sait pas plus que celui à qui on parle, la raison de ce dont il s'agit. J'ai vu dans le palais une robe mal mise Gagner gros ; les gens l'avaient prise Pour maître tel qui traînait après soi Force écoutants ; demandez-moi pourquoi, La Fontaine, Fabl. VIII, 15.

    Se demander, demander à soi-même, chercher à se rendre compte, raison d'une chose. Je me demande d'où cela peut venir.

    Se demander, se faire réciproquement une question. Ils se demandèrent leur adresse.

    Terme de manége. Demander à un cheval, s'adresser à son intelligence au moyen des aides.

  • 10Avoir besoin. Les terres demandent de l'eau.

    Familièrement. Cet habit en demande un autre, il ne peut plus servir longtemps.

    Terme de marine. Un navire qui mouille demande du câble, lorsque, culant, il a besoin d'en filer.

  • 11 Terme d'économie politique. Être au nombre des acheteurs d'un produit ou d'un service, au regard des vendeurs. Demander des blés. Demander des employés pour un chemin de fer.

    Absolument. Les classes qui demandent sont d'autant moins nombreuses que la valeur du produit va en s'élevant, Say, Traité, 1841, p. 318.

  • 12Se dit à certains jeux de cartes pour annoncer qu'on est disposé à faire un certain nombre de levées sous la condition d'écarter les cartes qu'on jugera à propos.

    Se dit à d'autres jeux quand on se propose de jouer dans une couleur.

    Se dit à l'écarté, quand on demande à l'adversaire s'il veut qu'on jette ses cartes ou quelques-unes pour en prendre d'autres dans le talon. Demander des cartes, ou, absolument, demander.

  • 13Se demander, v. réfl. Être sollicité. Une telle faveur ne se demande pas.

    Être l'objet d'une question. Cela ne se demande pas. Est-ce que cela se demande ?

PROVERBES

Qui nous doit nous demande, c'est-à-dire nous sommes souvent attaqués par ceux que nous devrions attaquer.

Faut-il demander à un malade s'il veut la santé ?

Ne demander qu'amour et simplesse, vouloir vivre en repos et y laisser vivre les autres.

REMARQUE

1. Des grammairiens ont voulu distinguer demander à et demander de suivis d'un infinitif, disant que le premier s'emploie lorsque l'objet de la demande est une action : il demande à venir ; et le second, lorsque l'objet de la demande n'est pas de faire une action : il demande d'être reçu dans votre compagnie. L'usage ne ratifie pas cette distinction ; et l'on met à ou de suivant les exigences de l'oreille.

2. On dit je vous demande pardon ; et on ne dit pas : je vous demande excuse ou des excuses, mais je vous fais excuse ou des excuses. La raison en est que le pardon est relatif à la personne à qui on le demande ; tandis que l'excuse est relative à celui qui la fait. Votre pardon m'est nécessaire ; mon excuse est dans ma jeunesse.

HISTORIQUE

XIe s. S'est quil demandet [s'il y en a qui le demandent], ne l'esteut enseigner [il n'est besoin de le montrer, il se reconnaît de lui-même], Ch. de Rol. VIII. [Ils] Demanderont où est li quens cataines [capitaine], ib. CCV. Suer [sœur], chere amie, d'home mort [tu] me demandes, ib. CCLXX.

XIIe s. Consel vel demander [je veux demander conseil], Ronc. p. 2. Armes [il] demande por son cors conraer, ib. p. 51. [Il] Va demandant pris de chevalerie, ib. p. 58. [L'épée] Que vous m'avez en mi mains demandée [confiée], ib. p. 66. Du premier cop je vous demant le don [je vous demande l'octroi de frapper le premier coup], ib. p. 126. Congié demandent, et il leur a doné, ib. p. 203. Que d'obtenir d'une autre quanqu'on peut demander, Couci, X. Et s'il ne fust de remanoir viltance Et reproche, j'alasse demander à ma dame congé de demeurer, ib. XXIV. Son pere et sa mere [il] salue, Puis leur demande de sa drue [nouvelles de son amie], Romancero, p. 60. De tout vostre gaain ne vous demantje mie, Sax. VII. Se l'offrande fu riche, ne fait à demander, ib. XII. Il leur a demandé : Quels nouveles, baron ? ib. XXII. Et chose [il] nous demande que nous ne povons faire, ib. XXX.

XIIIe s. Pour aler en Hongrie la dame demander, Berte, III. Il lui a demandé s'ele estoit de part Dieu, ib. XLV. [Il] A souvent du roi Flore nouvele demandée, ib. LXXXII. Or ne demandez mie s'il furent esbaubi, ib. LXXXIX. De la chose qu'il quierent [ils] vont partout demandant, ib. CVII. Mandé l'avez, bien un mois a, Mes onques tant ne vos prisa Qu'il vos daingnast contremander, Ne jor ne respit demander, Ren. 17966. Ung baisier dous et savoré Ai pris de la rose erraument ; Se j'oi joie, nus nel dement [que nul ne le demande], la Rose, 3490. Qui ne le set, si le demant à ceus qui sunt loial amant, ib. 2343. Les demandes qui sont personix tant solement doivent estre demandées par devant le segneur desoz lesquix li deffendeur sont couquant [couchant] et levant, Beaumanoir, VI, 33. Aussi comme nous mangions ou pavillon, une grande tourbe de poures gens nous demandoient pour Dieu et fesoient grant noise, Joinville, 259.

XVe s. De ces nouvelles furent-ils tous resjouis [les barons de Gascogne] et dirent c'estoit tout ce qu'ils demandoient, Froissart, II, II, 5. Quant le roi fu là arresté, les barons et les seigneurs de France et de son conseil qui demandoient pour lui [de ses nouvelles] y arresterent aussi, ainsi qu'ils venoient, Froissart, I, I, 296. Et adonc le dit duc s'escria assez haut en disant : Je suis le duc d'Orleans ; et aucuns d'iceux en frappant sur lui respondirent : c'est ce que nous demandons, Monstrelet, I, ch. 36. Le roy demanda à monseigneur de Charolois ces motz : Mon frere, m'asseurez-vous… ledit conte luy respondit : Ouy comme frere, Commines, I, 12. Manda aucuns des prochains serviteurs dudit duc et qui s'estoient jà trouvez au conseil et leur demanda de la conclusion, Commines, II, 13. Le duc de Bourgongne, contre l'oppinion de ceulx à qui il en demandoit, delibera d'aller au-devant d'eulx, Commines, V, 1. Si je le susse, je ne le demandisse pas, Louis XI, Nouv. XLI.

XVIe s. Ce que je demande de vous, Montaigne, I, 89. Quand Diogene avoit faute d'argent, il disoit qu'il le redemandoit à ses amis, non qu'il le demandoit, Montaigne, I, 216. Si deux en mesme temps demandoient à estre secourus, auquel courriez-vous ? Montaigne, I, 217. Le pape ayant demandé à boire, Montaigne, I, 252. En une paroisse du diocese du Mans, laquelle se demande St-Georges, il y avoit…, Despériers, Contes, XXIV. Il ne fault pas demander si les ambassadeurs se trouverent bien estonnes, Amyot, Nicias, 18. Plus demande qui dit : ce que tu voudras, que qui demande : ce que tu doibs, Génin, Récréations, t. II, p. 247.

ÉTYMOLOGIE

Provenç. demandar ; catal. demanar ; espagn. et portug. demandar ; ital. dimandare ; du latin demandare, confier, de de, et mandare, mander. Le sens propre du latin est confier, qui se trouve en effet dans quelques-uns des vieux exemples. De confier, remettre, les langues romanes ont tiré un sens détourné qui est remettre à l'oreille, à l'esprit de quelqu'un, et, par suite, faire une demande.

SUPPLÉMENT AU DICTIONNAIRE

DEMANDER. Ajoutez :
14 Substantivement. Le demander, l'action de demander. La belle fait bien de garder Ce qui vaut bien le demander, Régnier, Am.
15 Populairement. Demander après quelqu'un, chercher quelqu'un pour le voir, pour lui parler.
16Il s'est demandé, on a demandé. Il s'est demandé trois ou quatre combats [il y a eu trois ou quatre provocations en duel] ; mais tout s'est appointé, Malherbe, Lexique, éd. L. Lalanne.

REMARQUE

Ajoutez :

3. Comme dans demander le verbe dire est implicitement contenu, on l'a quelquefois sous-entendu pour joindre à demander un second membre de phrase. Ils ont demandé avec instance que, s'il y avait quelque docteur qui les y eût vues [les cinq propositions, dans Jansenius], il voulût les montrer ; que c'était une chose si facile, qu'elle ne pouvait être refusée, Pascal, Prov. I.