« demeurer », définition dans le dictionnaire Littré

demeurer

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

demeurer

(de-meu-ré) v. n.
  • 1S'arrêter, se tenir, rester en quelque endroit. Mon cheval est demeuré en chemin. Nous demeurâmes en arrière. Mais plutôt demeurez pour me servir d'otage, Corneille, Nicom. V, 7. … Le vieillard était Fou de sa femme, et fort peu la quittait, Sinon les jours qu'il allait à la chasse ; Son fauconnier, qui pour lors le suivait, Eût demeuré volontiers en sa place, La Fontaine, Coc. Il est renvoyé à Lyon, le roi n'a pas voulu qu'il soit demeuré, Sévigné, 149. Demeurons toutefois pour troubler leur fortune, Racine, Andr. II, 1. Pour cacher mon départ je demeure un moment, Racine, Phèd. V, 1. Auprès du fils des rois si j'étais demeurée…, Voltaire, Orphel. II, 3.

    Absolument. Vous, Cinna, demeurez, et vous, Maxime, aussi, Corneille, Cinna, II, 1.

    Demeurer chez soi, ne pas sortir de sa maison, et, par extension, ne pas quitter son pays, son genre de vie. Un homme qui a assez de bien pour vivre, s'il savait demeurer chez soi, n'en sortirait pas pour aller sur la mer ou au siége d'une place, Pascal, Pensées, XXVI, 1. Il faut en France beaucoup de fermeté et une grande étendue d'esprit pour se passer des charges et des emplois, et consentir ainsi à demeurer chez soi et à ne rien faire, La Bruyère, II.

    Demeurez chez vous, qu'il demeure chez lui, se dit à quelqu'un, de quelqu'un qu'on veut ne pas voir chez soi. Servez-vous du mot de madame, je vous prie, ou demeurez chez M. votre père, Dancourt, Chev. à la mode, II, 4.

    Demeurer ferme, ne pas être ébranlé, ne pas reculer ; et, figurément, persister avec fermeté. L'opiniâtreté de son caractère se joignant à toutes ces vraisemblances, il demeura ferme dans l'opinion qu'on voulait le trahir et le livrer à ses ennemis, Voltaire, Charles XII, 6.

    Demeurer en repos, se tenir tranquille ; et, figurément, ne rien faire, ne pas se donner du travail. Que faire donc quand on est malade ? - Rien, mon frère ; il ne faut que demeurer en repos ; la nature d'elle-même, quand nous la laissons faire, se tire doucement du désordre où elle est tombée, Molière, Mal. imag. III, 3.

    Ne pas demeurer en place, être continuellement en mouvement. J'ai peine, je l'avoue, à demeurer en place, Molière, Éc. des f. IV, 1. Nous reverrons Ménechme aujourd'hui, quelle joie ! Je ne puis demeurer en place ni chez moi, Regnard, Ménechmes, I, 3.

    Fig. Demeurer en arrière, demeurer en reste, rester débiteur. Ne pas demeurer en reste, rendre la pareille.

    Demeurer pour gage, pour les gages, en parlant de personnes, être tué ou pris ; en parlant des choses, être perdu. Dans cette bataille la moitié des siens demeura pour gage. Dans la foule mon manteau est demeuré pour gage.

    Demeurer sur la place, être tué sur la place où l'on combattait. Sans la valeur de ce jeune guerrier Martian demeurait ou mort ou prisonnier, Corneille, Héracl. I, 1.

    Demeurer sur la bonne bouche, ne plus rien prendre après une chose qui laisse un goût agréable ; et, figurément, s'en tenir à une chose qui plaît.

    Demeurer sur son appétit, ne pas se rassasier de quelque chose ; et, figurément, imposer un frein à ses désirs.

    Demeurer d'accord, convenir, avouer. Il faut demeurer d'accord, mon frère, qu'on peut aider la nature par de certaines choses, Molière, Mal. imag. III, 3. Nous vous ferons demeurer d'accord que, si quelquefois un peu d'absence fait grand bien, une trop longue fait grand mal, Sévigné, Lett. 17 juin 1687.

    Se dit aussi des choses qui restent. Une pluie acheva l'affaire : Il fallut se mettre à l'abri ; Je laisse à penser où ; le reste du mystère Au fond de l'antre est demeuré, La Fontaine, Fianc.

  • 2S'arrêter par fatigue, blessure, embarras. En 1809, dans la marche rapide de Napoléon sur Vienne, un grand nombre de soldats demeurèrent. Un de mes beaux chevaux demeura dès Palaiseau, Sévigné, 56.

    Fig. Il est demeuré au-dessous de son sujet, il n'a pas fait ce que le sujet exigeait. Il est demeuré au-dessous de lui-même, il n'a pas fait ce qu'il était capable de faire, ce qu'il faisait autrefois.

    Demeurer en chemin, ne pas achever le trajet qu'on avait commencé ; et, figurément, ne pas venir à bout de. Si je demeure en chemin, ce ne sera pas manque d'argent, Maintenon, Lett. à M. d'Aubigné, 10 févr. 1681.

    Fig. Demeurer en beau chemin, abandon. ner un dessein qu'on avait entrepris, sans qu'il y ait de notable difficulté qui nous arrête.

    En demeurer là, ne pas continuer. Je serai bien aise que vous me donniez ces vers par écrit. - C'est assez de vous les avoir dits, et je dois en demeurer là, Molière, Escarb. 1. Faut-il en demeurer là ? Sévigné, 457. Je vis bien que le roi n'était pas persuadé, mais je crus qu'il n'y avait qu'à en demeurer là, Maintenon, Lettr. au card. de Noailles, 25 mai 1695. Après avoir supputé longtemps sa dépense et ses forces, selon le mot de l'Évangile, elle en demeure là et ne jette pas même les premiers fondements de l'édifice, Massillon, Car. Enf. prod. Et ne présume pas que Vénus ou Satan Souffre qu'elle en demeure aux termes du roman, Boileau, Sat. X.

    L'affaire n'en demeurera pas là, elle aura des suites, des conséquences. Ils se sont insultés ; l'affaire n'en demeurera pas là, c'est-à-dire ils auront un duel.

    Demeurons-en là, n'en parlons pas davantage, cessons, et aussi, tenons-nous-en à ce parti, à ce choix. En ce dernier sens on dit aussi demeurons-en à cela.

    On l'emploie dans la même acception sans la particule en. Il écrivit sa surprise, son désespoir d'avoir pu déplaire, représenta huit enfants sans nul bien ; voilà où tout est demeuré, Sévigné, 392.

    Demeurer court ou tout court, manquer de mémoire. Il est demeuré court au milieu de sa période. Elle est demeurée court et n'a plus su que dire. C'est le plus petit inconvénient du monde que de demeurer court dans un sermon ou dans une harangue, La Bruyère, XII. Le féliciter [un prédicateur] sur l'agrément et la politesse de son langage, lui remettre l'esprit sur un endroit où il a couru risque de demeurer court, La Bruyère, XV.

    Terme de jeu de boule. Demeurer, ne pas pousser la boule jusqu'au but. Je suis demeuré. Ma boule est demeurée.

  • 3Suivi d'un qualificatif, il exprime un état prolongé. Je chauvis de l'oreille, et demeurant pensif…, Régnier, Sat. VIII. Et, par une constance admirable, demeurer ferme au milieu d'un péril qui fait trembler les plus courageux, Voiture, Lett. 13. Abondante en richesse, ou puissante en crédit, Je demeure toujours la fille d'un proscrit, Corneille, Cinna, I, 2. Autrement si le sort demeure encor douteux…, Corneille, Héracl. V, 5. Je souhaite que vous ne demeuriez pas mal édifié de nous, Pascal, Prov. 5. De même que ces fleuves tant vantés demeurent sans nom et sans gloire, mêlés dans l'océan avec les rivières les plus inconnues, Bossuet, Duch. d'Orl. Seigneur, avec raison je demeure étonnée, Racine, Brit. II, 3. Après avoir quitté la suprême puissance, vous êtes demeuré avili, obscur, inutile, abattu, Fénelon, Dial. des morts anc. 38.

    Ce qualificatif peut être un nom précédé d'une préposition. Je demeurai dans une sorte de stupeur. Grand roi, si jusqu'ici, par un trait de prudence, J'ai demeuré pour toi dans un humble silence, Boileau, Disc. au roi.

  • 4Employer un certain temps à faire quelque chose. Il a demeuré longtemps en chemin. Il demeure longtemps à venir. Vous avez trop demeuré à faire ce qu'on vous avait ordonné. …Au reste vous saurez Que je n'ai demeuré qu'un quart d'heure à le faire [un sonnet], Molière, Mis. I, 2.
  • 5Habiter, faire sa demeure. Le ciel nous fit ce bien qu'encor d'assez bonne heure Nous vînmes au logis où ce monsieur demeure, Régnier, Sat. X. Quel temps avez-vous demeuré en Angleterre ? - Sept ans, Molière, Mar. forc. 2. Démophile demeurait aux environs de Constantinople, et ceux de sa secte le reconnaissaient toujours pour évêque de cette ville impériale, Fléchier, Hist. de Théod. II, 30.
  • 6Ne pas se faire, ne pas être employé. Et faute de servir ce plat [des chardons] Rarement un festin demeure, La Fontaine, Fabl. VIII, 17. Les soins publics seraient abandonnés ; les affaires demeureraient, Massillon, Pet. car. Écueils.
  • 7Subsister, rester. Tout le soin qui me demeure N'est que d'obtenir du sort…, Malherbe, V, 3. Je vois bien… Du naufrage d'amour ce qui m'est demeuré, Régnier, Plainte. Qu'il vive et s'il se peut que l'ingrat me demeure, Corneille, Médée, II, 1. La gloire m'en demeure, Corneille, ib. II, 5. Quoi ! madame, en vos mains elle [une croix] était demeurée ? Voltaire, Zaïre, II, 3.
  • 8 Fig. Persister, se borner, en parlant des personnes. Eh bien ! puisque vous ne voulez pas m'écouter, demeurez dans votre pensée, et faites ce qu'il vous plaira, Molière, Bourg. gent. III, 10. S'ils [les anciens] fussent demeurés dans cette retenue de n'oser rien ajouter aux connaissances qu'ils avaient reçues…, Pascal, Pens. I, art. 1. On ne doit pas refuser l'absolution à ceux qui demeurent dans les occasions prochaines de péché, s'ils…, Pascal, Prov. 5. C'est qu'aujourd'hui l'on pèche beaucoup plus hardiment, que l'on demeure dans son péché beaucoup plus tranquillement, Bourdaloue, Pénitence, 2e avent, p. 503. Jusqu'à quand demeurerez-vous dans votre impureté ? Sacy, Bible, Jérémie, XIII, 27.
  • 9Demeurer à, rester la propriété, l'acquisition, le propre. Dans la vente à l'encan, ce livre, très poursuivi, m'est demeuré. Vous demeurez à vous, madame, en les perdant, Corneille, Suréna, I, 2. Afin que la force demeure toujours au souverain, Bossuet, Polit. S'ils choisissent un poste incommode, il leur demeure, La Bruyère, IX. À qui doit demeurer cette noble conquête ? Racine, Alex. IV, 5. Ecbatane est du moins sous mon obéissance ; C'est tout ce qui demeure aux enfants de Cyrus, Voltaire, Scythes, II, 4.
  • 10Être à demeure, tenir, persister, durer, en parlant des choses. Et trois ou quatre seulement, Au nombre desquels on me range, Peuvent donner une louange Qui demeure éternellement, Malherbe, III, 2. Et si la moindre tache en demeure à mon nom, Corneille, Nicom. IV, 1. Paix dont le déshonneur vous demeure éternel, Corneille, Médée, II, 2. C'est une vérité qui demeure éternellement, Massillon, Car. Élus. Elle [la foi] s'en rement pour les faveurs temporelles et les autres dons qui ne doivent pas demeurer, aux desseins éternels que le Seigneur a formés sur nos destinées, Massillon, ib. Prière 2. On feuillette son livre, on le discute, on le confronte ; ce ne sont pas des sons qui se perdent en l'air et qui s'oublient ; ce qui est imprimé demeure imprimé, La Bruyère, XV. Tout s'imprime, tout s'écrit, rien ne demeure, Voltaire, l'Écossaise, III, 3.

    Terme de jardinage. À demeurer, se dit de plantes qu'on sème en pleine terre pour y rester jusqu'à ce qu'on les consomme. On sème d'ordinaire à demeurer le cerfeuil, les carottes, les panais.

    Demeurer sur le cœur, sur l'estomac, se dit d'un aliment qui ne passe pas, qui cause des soulèvements.

    Fig. Cela lui est demeuré sur le cœur, c'est-à-dire il en conserve du ressentiment.

  • 11Demeurer au théâtre, ou, absolument, demeurer, en parlant d'une pièce, continuer à être jouée. Il est arrivé de cette pièce ce qui arrivera toujours des ouvrages qui ont quelque bonté : les critiques se sont évanouies, la pièce est demeurée, Racine, Brit. 2e préface.
  • 12V. imperson. Rester. Il lui est demeuré une cicatrice. S'il vous demeure encor quelque espoir pour Flavie, Corneille, Théod. III, 5. Il ne demeura rien de ce grand repas, tout fut bu et mangé, Vaugelas, Nouvelles rem. Il y demeura quelque cinq cents hommes sur la place, Perrot D'Ablancourt, Arrien, liv. I, ch. 10. Il ne lui est pas demeuré de quoi se faire enterrer, La Bruyère, VI.

REMARQUE

Demeurer se conjugue avec l'auxiliaire avoir, quand il marque une action : j'ai demeuré en Angleterre un mois ; avec l'auxiliaire être, quand il marque un état : dans mon saisissement, je suis demeuré incapable de répondre. L'action est marquée dans ces exemples-ci : J'ai demeuré captif en Égypte, Fénelon, Tél. III. Après que l'enfant aura demeuré là plusieurs heures, Rousseau, Ém. II. J'avais demeuré plus d'un an chez mon maître, Rousseau, Conf. I. L'action est beaucoup moins marquée dans ceux-ci ; mais il doit être permis aux poëtes de l'introduire là où l'idée d'état est la première qui se présente à l'esprit : à cet objet d'horreur, l'œil troublé, le teint blême, J'ai demeuré longtemps plus morte que lui-même, Rotrou, Antig. I, 2. Et dès le premier mot ma langue embarrassée Dans ma bouche vingt fois a demeuré glacée, Racine, Bérén. II, 2.

SYNONYME

1° DEMEURER, LOGER. Ces deux mots sont synonymes dans le sens où ils signifient la résidence ; mais demeurer se dit par rapport au lieu topographique où l'on habite, et loger par rapport à l'édifice où l'on se retire. On demeure à Paris, on loge au Louvre, à l'hôtel, etc. GUIZOT.

2° DEMEURER, RESTER., L'idée commune à ces deux mots est de ne pas s'en aller ; et la différence consiste en ce que demeurer ne présente que cette idée simple et générale de ne pas quitter le lieu où l'on est ; et que rester a de plus l'idée accessoire de laisser aller les autres.

HISTORIQUE

XI. s. La nuit [ils] demurent tresque vint al jur clair, Ch. de Rol. X. De ce cui chaut ? demuret i ont trop [ils ont trop tardé], ib. CXXXIV. Li Arabiz de venir ne demurent, ib. CCXXII. Ce qu'estre en deit, ne l'alez demurant [ne retardez pas ce qui en doit advenir], ib. CCLVI.

XIIe s. [Il] Ne va plus demorant, Ronc. p. 17. Ses [si les] vont ferir sans trestout demorer, ib. p. 58. Mort [il] le tresbuche sans plus de demorer, ib. p. 75. Un petitet estes trop demorez, ib. p. 101. Li rois Marsile n'a pas mout demoré, ib. p. 117. Venez o moi, gardez ne demorez, ib. p. 143. Eh ! respont Charles, jà plus ne demorra [tardera], ib. p. 175. Por Dieu [je] vous prie… Que nos convens [conventions] teniez, vienne ou demor [soit que je vienne ou que je demeure], Couci, XXII. Partir m'esteut [il me faut] de vous sans demorer [sans retard], ib. XXIV. Sachez, cil sont trop honni qui n'iront [à la croisade], S'il n'ont poverte ou vieillesse ou malage ; Et cil qui sain et jeune et riche sont, Ne peuvent pas demourer sans hontage, Quesnes, Romancero, p. 94. Mais demorés pour garder cest païs [terre sainte], ib. p. 101. Quant nous lui volons nuire, je ne voi nule part Que il demort en France ne la corone gart, Sax. XXIX. Si metomes un terme prochain, ne demort gaire ; Puis seromes ensemble pour faire au roi contraire [pour nous opposer au roi], ib. XXX.

XIIIe s. Ileuques [je] demorai de lors jusque mardi, Berte, I. Quant Pepins tint l'espié, ne vot [voulut] plus demourer, ib. III. En iceste matiere [je] ne veuil plus demourer, ib. III. S'en va Berte as grans piés, n'i a plus demouré, ib. XLV. Que il n'est au roi Flore nul enfant demouré, ib. LXVII. Ne doit pas demorer [vous ne devez pas vous dispenser] Que ses enfans et lui [elle] ne doiez gouverner, ib. XCVII. Trop [vous] me faites ici longuement demorer, ib. CXII. Mès ce me torne à grant contraire, Que sa merci trop me demore, la Rose, 3245. Si que par defaute de justice le [la] volentés du mort ne demeure pas à estre fete, Beaumanoir, XI, 10. S'il demeure [s'il ne se fait pas] par l'un des deus, li autres le pot fere contraindre à ce que mariage se face, Beaumanoir, XI, 3. Il ne demora pas en eus que lor sires ne fu hormis par lor porcas, Beaumanoir, XXX, 63. L'empereïs [impératrice] vint querre secours au roy pour son seigneur qui estoit en Constantinoble demourez, Joinville, 212. Moult de gens li loerent [conseillèrent] que il attendit tant que ses gens feussent revenus, pource que il ne li estoit pas demouré la tierce partie de ses gens, Joinville, 214. Le roy reçut moult debonnairement ses messages, et li renvoia les siens, qui demourerent deux ans avant que il revenissent à li, Joinville, 211. Et il demanda, se il demouroit, se je demourroie [en Palestine], et je li respondi : oïl, moult volentiers, Joinville, 228. Et sachiez que il [ce dessein] ne demoura [resta sans effet] que pource que il disoient que le roy estoit le plus ferme crestien que en [on] peust trouver, Joinville, 247. Grant honneur leur est faite, se en eulz ne demeure [s'ils n'y mettent obstacle], ainsi comme je vous ai dit devant, Joinville, 304.

XVe s. Ceux de Mont-Segur y descendirent volontiers [aux conditions de la trêve], et se mirent tantost douze bourgeois des plus suffisans en ostages, pour accomplir les convenances et demeurer la ville en paix, Froissart, I, I, 234. Ne demoura gueres après, que grand infamie issit sur la mere du jeune roy Edouard, Froissart, I, I, 50. Et que nullement ils ne laissassent le roi d'Angleterre repasser, ni prendre port en Flandre ; et si par leur coulpe en demeuroit, il les feroit tous mourir de male mort, Froissart, I, I, 106. Si dit : monseigneur, si nous estions droites gens d'armes et bien apperts, nous burions à ce souper des vins de ces seigneurs de France qui se tiennent en garnison en Bergerac. Si respondit le comte Derby tant seulement : jà pour moi ne demeurera, Froissart, I, I, 217. Nulle cruaulté ne demoura à estre faicte, Commines, VI, 13. Je demeuray à partir aucuns jours, parce que le roy fut malade de la petite verole et en peril de mort, Commines, VII, 6. Cestuy là vouloit que ces entreprises demeurassent de tous points [fussent continuées]. Commines, VIII, 16.

XVIe s. Que nous en chaut ? en douleur ils mourront, Et nos plaisirs tousjours nous demourront, Marot, I, 338. Sur le beau temps ainsi tu partiras, Et en ton lieu regrets demoureront, Marot, II, 294. Demeurer court [à faire quelque chose], Montaigne, I, 190. Il n'est demeuré de luy que ce discours, Montaigne, I, 206. Il fault qu'il y en ait un à qui le champ demeure, Montaigne, I, 269. Le surnom de divin luy en est demeuré, Montaigne, II, 252. Tant qu'elle vesquit, le sobriquet pau d'asne lui demeura, Despériers, Contes, CXXIX. Theseus, qui ne vouloit pas demeurer sans rien faire, se partit pour aller combattre le taureau de Marathon, Amyot, Thés. 16. Pource que les bœufs demouroient trop à venir, ilz se soubmeirent tous deux vouluntairement au joug, Amyot, Solon, 57. Ilz se hasarderent à tous dangers de la guerre, qu'ilz y demourerent presque tous, Amyot, Cimon, 1.

ÉTYMOLOGIE

Berry, demourer ; provenç et espagn. demorar ; ital. dimorare ; du latin demorari, de la préposition de, et morari, demeurer, tarder.

SUPPLÉMENT AU DICTIONNAIRE

DEMEURER. Ajoutez :
13Y demeurer, se dit pour périr dans une bataille, dans un accident. En voici un exemple du XVIe siècle : Posons le cas que l'armée des catholiques, avec l'aide des Espagnols, soit victorieuse et l'hérétique abattu, cela ne peut estre sans qu'un grand nombre y demeurent… après telles victoires sanglantes, le tiers spectateur de la tragédie, qui est frais, a belle occasion de se rendre supérieur des deux partis, Guy Coquille, Œuvres, éd. de 1666, t. II, p. 259.