« demi », définition dans le dictionnaire Littré

demi

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

demi, ie

(de-mi, mie) adj. sing.
  • 1Qui est ou qui fait la moitié d'une chose. Un mètre et demi. Un demi-mètre. Une heure et demie. Une demi-heure.

    Midi et demi, minuit et demi, une demi-heure après midi, après minuit. Il est une heure et demie, deux heures et demie, etc. il est une demi-heure après une heure, après deux heures, etc.

    Fig. En diable et demi, excessivement. Battre quelqu'un en diable et demi. La locution s'explique, parce qu'un diable et demi est encore pire qu'un diable.

    Ni demi, avec un substantif qui précède, sans rien absolument de la chose dont il s'agit. Je ne suis point de moi si mortel ennemi Que je m'aille affliger sans sujet ni demi, Molière, Dép. am. I, 1. Cette infâme, Dont le coupable feu, trop bien vérifié, Sans respect ni demi…, Molière, Sgan. 16. Bref, sans considérer censure ni demie, Je me plais aux livres d'amour, La Fontaine, Ballade sur les romans.

    Sans moitié ni demi, absolument, sans restriction.

    Et demi se met après un substantif pour dire qu'il faut plus que la chose. Songez qu'un vivant qui critique un mort en possession de l'estime publique, doit avoir raison et demie pour parler, et se taire quand il n'a que raison, D'Alembert, Lettre à Volt. 10 oct. 1761.

  • 2Joint à un nom il marque l'infériorité de rang ou de valeur. Un demi-dieu, être mythologique qui tenait le milieu entre les dieux et les hommes (voy. DIEU). Je n'aime ni les demivengeances, ni les demi-fripons, Voltaire, l'Écoss. II, 3, variante.

    Souvent il exprime une idée de dénigrement. Un demi-savant. Les demi-habiles les méprisent, Pascal, P. div. 139. Notre siècle surtout est plein de ces demi-fidèles, Massillon, Car. Vérité de la relig.

    Demi-frère, demi-sœur, celui, celle qui n'est frère ou sœur que du côté paternel ou maternel.

  • 3 S. m. Terme d'arithmétique. Une moitié d'unité. Deux tiers et un demi. Quatre demis valent deux unités.
  • 4Dans le langage général. Demie, s. f. Une moitié d'unité. Un quart, un tiers, une demie.

    Une demie, une demi-heure. La demie vient de sonner.

  • 5Demi, adv. modifiant un adjectif ou un participe, à moitié. Quand déjà demi-clos [englouti] sous la vague profonde, Malherbe, I, 4. Le péché que l'on cache est demi-pardonné, Régnier, Sat. XII. Lassé, demi-rompu, vainqueur, mais pour tout fruit, Dénué d'un secours par lui-même détruit, Corneille, Hor. I, 4. [Il] Se retourne, et déjà les croit demi-domptés, Corneille, ib. IV, 2. Elle, à cette prière, encor demi-tremblante, Corneille, Théodore, IV, 6. Fussiez-vous demi-pourri dans le tombeau, il vous ressuscitera, Bossuet, II, Pénit. 2. Près du temple sacré les Grâces demi-nues, Voltaire, Henr. IX. L'armée était demi-ruinée avant que d'arriver en Médie, Montesquieu, Rom. 15. Des traits demi-méchants, quelques noirceurs obscures, Lanoue, Coquette, III, 5.
  • 6À demi, loc. adv. À moitié. Et jamais insolent ni cruel à demi, Corneille, Cinna, I, 3. L'épouvante les prend à demi descendus, Corneille, Cid, IV, 3. Quant à moi, je ne suis malheureux qu'à demi ; Car, si je perds un gendre, il me reste un ami, Collin D'Harleville, Optim. IV, 8.

    À demi, modifiant un verbe, en partie, imparfaitement. Quand la faveur du ciel ouvre à demi ses bras, Corneille, Hor. III, 3. Le roi ne sait que c'est d'honorer à demi, Corneille, ib. IV, 2. La mort de Séleucus m'a vengée à demi, Corneille, Rodog. V, 1. Qui se venge à demi court lui-même à sa perte, Corneille, ib. V, 1. Mais il n'en sait encor la grandeur qu'à demi, Corneille, Sertor. V, 4. Croquons-les ; le galant n'en fit pas à demi, La Fontaine, Fabl. V, 18. La peine ne se peut remettre à demi, Bossuet, Satisf. Oui, oui, Porus, mon cœur n'aime point à demi, Racine, Alex. V, 3. [Il] N'a rien dit ou du moins n'a parlé qu'à demi, Racine, Mithr. II, 1. Tant qu'il respirera, je ne vis qu'à demi, Racine, Brit. IV, 3. Ma colère à ses yeux n'a paru qu'à demi, Racine, Andr. II, 5. Idoménée que le malheur n'a pu instruire qu'à demi, Fénelon, Tél. X. Je m'imaginais n'être trompé qu'à demi, Fénelon, ib. XII. Un prêtre corrompu ne l'est jamais à demi, Massillon, Car. Commun. Vos forces n'étant encore qu'à demi revenues, Massillon, ib. Pâques. Comme un homme sort du milieu des flots à demi essuyé, Massillon, Panég. St Benoît. C'est ne vivre qu'à demi que de n'oser penser qu'à demi, Voltaire, Lett. Mme du Deffant, 13 oct. 1759. Nous levons à demi ce voile ténébreux, Delavigne, Vêp. sicil. I, 1.

    Il n'y en a pas à demi, il y en a beaucoup.

    Faire les choses à demi, ne pas faire tout ce qu'il conviendrait de faire. Le roi, qui ne sait pas faire les choses à demi, donne à M. d'Agen la survivance du gouvernement de son père, Maintenon, Lettre à Mme de St-Géran, 4 mars 1698.

REMARQUE

1. Demi, placé devant le substantif, est invariable : une demi-douzaine ; mais, placé après, il s'accorde : une douzaine et demie. L'invariabilité est la même au pluriel : des demi-aunes ; ce ne sont que des demi-hommes. Cette règle, qui est une exception consacrée par l'usage, n'existait pas dans l'ancienne langue.

2. Demi, placé après un substantif, ne prend jamais la marque du pluriel, l'accord ayant lieu non avec le substantif qui précède, mais avec un substantif suivant, qui est sous-entendu, et qui est toujours au singulier : il a étudié deux ans et demi, c'est-à-dire il a étudié deux ans et un demi-an.

3. On ne fait point usage de trait d'union dans à demi mort, à demi fait, parce que à demi est un adverbe placé devant un adjectif auquel il n'est pas étroitement uni. Mais on met le trait d'union quand demi est joint à un substantif, à un adjectif ou à un adverbe : demi-vengeance, demi-savant, demi-mort.

HISTORIQUE

XIe s. Li burgeis qi ad en soun propre chatel [bien] demi marc vailant, Lois de Guill. 18. Demie Espagne [il] vous velt [veut] enfin doner, Ch. de Rol. XXXIV.

XIIe s. Arrier [il] se trait demie arbarestrée, Ronc. p. 66. Grant demi pié [il] les a fait alonger, ib. p. 189. De demie lieue [il] ne dist ne o ne non, Sax. XI. De tut n'en pout aveir li sainz une demie, Th. le mart. 64.

XIIIe s. Cinq piés [il] ot et demi de long, plus n'en ot mie, Berte, II. Ains qu'ele i eüst mes [demeuré] anée ne demie, ib. LX. Se fust [fût-elle] demie morte, ib. LXXXIX. Ge n'ai, ce croi, de sens demie ; Ains fis grant folie et grant rage, Quant au Dieu d'Amours fis hommage, la Rose, 4140.

XIVe s. Et quant je sui tout vostre sans demi, Machaut, p. 54.

XVe s. Et là se tint [la roine] tout le jour et toute la nuit, ainsi que une femme demi-morte, Froissart, II, II, 112. Tant plain fu de merencolie Que je ne peuz à lui parler Une parolle ne demie, Et ne cessoye de plourer, Orléans, Départie d'am. en ball. Car heure ne suis ne demie, Qu'en diverse merencolie, Orléans, Rondeau. Et tant estoit en la grace de la reine du pays, qu'elle estoit son demi-lit, les nuits que ladite reine point ne couchoit avec le roi, Louis XI, Nouv. XXVII. Jà Dieu ne me laisse tant vivre qu'autrui [autre] que vous ait part ne demie en ce qui est entierement à vous, Louis XI, ib. XXXIII.

XVIe s. Avecques ung tiercelet d'autour, demye douzeine d'hespaignolz [épagneuls] et deux levriers, Rabelais, Garg. I, 2. Une messe bien sonnée est à demy dicte, Rabelais, ib. I, 40. Deux escutz et demy d'or, Rabelais, ib. I, 46. Revenge n'en veux, ne demie, Marot, II, 243. Et comme on voit souvent l'obscure nue, Clere à moytié par celestes rayons, Ainsi nous est demy joie advenue, Marot, III, 77. Ceste cogitation, d'autant qu'elle demeure au milieu du chemin, n'est que demie, Calvin, Instit. 432. Ils en ont, à la verité, à demy oublié leur office naturel, Montaigne, I, 109. Il me semble n'estre plus qu'à demy, Montaigne, I, 220. Marcher d'une demie lieue devant quelqu'un, Montaigne, I, 232. Si nostre entendement estoit capable de la verité, il la verroit entiere aussi bien que demie et imparfecte, Montaigne, II, 318. S'il n'y est soudainement remedié, la France s'en ira demi deserte, Lanoue, 12. Et j'estime qu'en six années le royaume se peut demi restablir, et en dix du tout, Lanoue, 38. Une demi douzaine, Lanoue, 75. Dieu ne se contente pas de demi-obeissance, ains la veut toute entiere, Lanoue, ib. Le mal de quoy on a bonne connoissance, est comme demi gueri, Lanoue, 158. Faire un demi tour, Lanoue, 321. On n'y trouvera aucune ville qui soit à demi parfaite selon les regles des ingenieurs, Lanoue, 336. Ils iroyent reconoistre le logis à demi-lieue près, Lanoue, 447. Ceulx qui estoient en sa compagnie retournerent avec leurs galeres demy chemin, Amyot, Timol. 44. Un caveau lequel n'a air ny lumiere de dehors aucunement, ny n'a porte ny demie, sinon une grosse pierre dont on bousche l'entrée, Amyot, Philop. 33. La breche n'estant que demie, ceux de dedans s'espouventerent, D'Aubigné, Hist. III, 439.

ÉTYMOLOGIE

Berry, dimi ; provenç. demi, demicy ; du latin dimidius, du préfixe di, et medius, moyen (voy. MI 1).

SUPPLÉMENT AU DICTIONNAIRE

DEMI.
3 S. m. Ajoutez :

On le trouve dans le langage général. Paresseux s'il en fut, et souvent endormi, Du revenu qu'il faut je n'ai pas le demi, Panard, dans TERZUOLO, Étud. sur le Dict. de l'Acad. franç. Prospectus, p. 17.

4Ajoutez :

Demie, substantif féminin, prend le pluriel. Cette horloge sonne les quarts et les demies.

REMARQUE

Ajoutez :

4. M. Terzuolo, Études sur le Dict. de l'Acad. franç. Prospectus, p. 17, remarque que, si on suit les prescriptions de l'Académie, il faudra écrire : « Il a été frappé des demi et des quarts de sequins ; ce qui choque le bon sens. » Rien n'oblige à écrire demi, puisque, dans le langage de l'arithmétique, demi est substantif masculin ; et l'on écrira des demis, comme on écrit des quarts.

5. Pour se rendre raison des anomalies que demi présente, il faut remonter à l'usage ancien. Dans la langue d'oïl, demi est un adjectif représentant le latin dimidius et s'accordant toujours avec son substantif. Mais, avec le temps, la langue moderne prit l'habitude de rendre demi invariable pour le genre et le nombre, toutes les fois qu'il précédait son substantif. Cela fait, il s'en est suivi inévitablement que demi n'a plus eu d'emploi au féminin que placé après le nom.

6. J. J. Rousseau a dit : On est allé jusqu'à près de demi-lieue, Lett. au maréchal de Luxembourg, 28 janv. 1763. ; et : À demi-lieue de la ville, Lett. à Moultou, 30 déc. 1768. On dit plus ordinairement : près d'une demi-lieue, à une demi-lieue. Mais la suppression de l'article n'a rien d'incorrect.

7. Une pomme et demie me suffit, et non pas me suffisent. La pomme et demie que j'ai mangée, et non que j'ai mangées.