« dette », définition dans le dictionnaire Littré

dette

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dette

(dè-t') s. f.
  • 1Ce qu'on doit à quelqu'un. Être criblé de dettes. être noyé de dettes, avoir des dettes par-dessus la tête, devoir beaucoup plus qu'on n'a vaillant. Eh bien ! je prends sur moi la dette tout entière, Tristan, Mort de Chrispe, I, 3. Un tas d'hommes perdus de dettes et de crimes, Corneille, Cinna, V, 1. Je dis une vérité sur le malheur d'avoir des dettes : ceux qui nous pressent sont pressants ; ceux qui ne nous pressent pas le sont encore davantage, Sévigné, 591. Je veux premièrement qu'on acquitte mes dettes, Regnard, Légat. IV, 6. Affranchissez-les tous de la dette usuraire Dont vos cruels secours accablent leur misère, Chénier M. J. Gracques, II, 3.

    Dettes criardes, sommes dues à des ouvriers, à de petits marchands, à des fournisseurs de tous les jours, et qui sont réclamées avec insistance.

    Dettes d'honneur, dettes contractées sur l'honneur, et, particulièrement, dettes de jeu (les dettes de jeu étant ainsi nommées parce qu'on ne peut les faire valoir en justice). Mes dettes de Venise, dettes d'honneur, si jamais il en fut, me pesaient sur le cœur, Rousseau, Conf. VII.

    Dette véreuse, celle dont le remboursement n'est pas sûr.

  • 2 Terme de jurisprudence. Dette privilégiée, celle pour laquelle on a un privilége, de sorte qu'elle est payée avant toutes les autres.

    Dette réelle, dette à laquelle on n'est tenu qu'à raison d'un immeuble que l'on détient. Dette propre, celle à laquelle l'un des conjoints est tenu sur ses biens personnels.

    Avouer une dette, avouer la dette, nier, désavouer la dette, convenir, nier qu'on doit la somme dont il est question.

    Fig. Avouer la dette, nier la dette, avouer une chose qu'on voudrait cacher, la nier. La princesse : Non je ne puis souffrir qu'il soit heureux avec une autre, et, si la chose était, je crois que j'en mourrois de déplaisir. - Moron : Ma foi, madame, avouons la dette, vous voudriez qu'il fût à vous, Molière, la Princ. d'Élide, IV, 5. Parlons à cœur ouvert, et confessons la dette : Je suis un peu coquet, tu n'es pas mal coquette, Regnard, le Distr. IV, 3.

    J'en fais ma dette, je m'en rends caution.

    Dette hypothécaire, dette garantie par hypothèque.

    Dettes actives, celles dont on a le droit d'exiger le payement ; dettes passives, celles qu'on est obligé de payer.

  • 3 Terme de finances. Dettes publiques, les sommes que l'État a empruntées et pour lesquelles il paye un intérêt annuel nommé rente. Il est étonnant, mais il est vrai, que cette immense dette [2 600 000 000, à la fin de Louis XIV] n'aurait point été un fardeau impossible à soutenir, s'il y avait eu alors un commerce florissant, un papier de crédit établi, et des compagnies solides qui eussent répondu de ce papier comme en Suède, en Angleterre, à Venise et en Hollande, Voltaire, Louis XIV, 30. Les dettes publiques ont, de l'aveu de tous les hommes éclairés, sensiblement affaibli les Provinces-Unies et altéré la félicité générale par l'augmentation progressive des impôts dont elles ont été la source, Raynal, Hist. philos. II, 26. Le poids de la dette publique pesait sur les contribuables de manière à attaquer tous les moyens de reproduction, Montesquiou, Rapport, 27 août 1790, p. 1. La dette arriérée dont vous avez ordonné la liquidation, ID. ib. p. 5. La dette constituée, tant perpétuelle que viagère, dont 3 522 694 livres seraient éteints par le remboursement de la dette exigible, ib. p. 7.

    Dette flottante, la partie de la dette publique qui se compose d'emprunts momentanés remboursables dans des termes assez rapprochés. Les bons du trésor font partie de la dette flottante.

    Dette consolidée, l'ensemble de la dette qui se trouve inscrite au grand-livre. M. de la Place a demandé une explication sur le sens de l'expression dette consolidée, employée pour la première fois depuis 1814, Disc. de la loi du 10 juin 1833, Duvergier, Collect. des lois, t. XXXIII, p. 196, note 1.

  • 4Prison où les créanciers font détenir leurs débiteurs. Il est à la dette.
  • 5 Fig. Tout devoir dont l'accomplissement est indispensable. Acquitter la dette de la reconnaissance. La dette que nous contractons envers nos parents.

    Payer sa dette à la patrie, se dit du jeune homme qui entre au service militaire, ou bien de l'homme qui, se mariant, donne des enfants au pays. [Il] … cesse de devoir quand la dette est d'un rang à ne point l'acquitter qu'aux dépens de son sang, Corneille, Pomp. I, 1. Si vous lui devez tant, ne me devez-vous rien ? Et lui faut-il payer vos dettes de mon bien ? Corneille, Sertor. II, 2. À présent que la gratitude Ne peut passer pour dette en qui s'est acquitté, Corneille, Agésil. V, 7. Elle rend cette dette volontiers, Bossuet, Char. frat. 2. Les Juifs oublièrent que sa bonté seule [de Dieu] les avait séparés des autres peuples, et regardèrent sa grâce comme une dette, Bossuet, Hist. II, 5. Si la modération est une vertu, l'exécution des lois est une dette et une justice, Mirabeau, Collection, t. III, p. 15.

    Payer sa dette à la nature, payer la dette de la nature, mourir.

PROVERBES

Cent ans de chagrin ne payent pas un sou de dettes, ou le chagrin ne paye point les dettes, c'est-à-dire se chagriner d'une dette ne sert à rien, il faut s'évertuer pour la payer.

Qui paye ses dettes s'enrichit.

Qui épouse la veuve épouse les dettes.

HISTORIQUE

XIIe s. E tote la dette real e ço que est à venir au rey de dete des ore en avant, je te pardoing, Machab. I, 15. Cil sevent la deite e l'onor Qu'il [Dieu] quiert, qu'il volt que l'om li face, Benoit de Sainte-Maure, I, V. 204. De mil soupirs que je lui doi par dete, Couci, VI.

XIIIe s. Tere [il] avoit bien cinq cens livrées, Se toutes fuissent delivrées De detes et d'assenemens, Bl. et Jeh. 59. Si avint que li rois lor peres moru, et li convint paier le debte que nous paierons tous, Chron. de Rains, p. 2. Chevalier ne puet ne ne doit, par l'assise dou reaume de Jerusalem, estre aresté por dette que il deit, Ass. de Jér. I, 188. Cil à qui les dettes sont deues, ne poent pas toutes lor detes demander à l'un des oirs, Beaumanoir, VI, 27.

XIVe s. Il avoit emprunté autrui argent, et soy obligié à grosse debte, Bercheure, f° 35, verso.

XVe s. Et quand on nous aura rendu et restitué ce en quoi le roi d'Angleterre et le royaume est par dette endetté et obligé envers nous, le roi d'Angleterre et ses gens auront belle entrée de venir en Flandre [Philippe d'Artevelle aux Gantois], Froissart, II, II, 166.

XVIe s. Lesquels sans gehenne et contrainte confesserent librement la dette, et fut leur procès fait et rapporté au roi, Marguerite de Navarre, Nouv. I. Il s'en retourna à sa femme, à laquelle il confessa sa dette [sa faute, et combien il lui étoit obligé] ; et que, sans le moyen de cette grande douceur et bonté, il estoit impossible qu'il eust jamais laissé la vie qu'il menoit, Marguerite de Navarre, ib. XXXVIII. Dettes privilegiées sont celles qui sont adjugées par sentences, salaires des mercenaires, louages de maisons, Loysel, 684. Une dette n'empesche point l'autre, Loysel, 704. Compensation n'a lieu, si la dette qu'on veut compenser n'est liquide et par escrit, Loysel, 705. Toutes dettes du roi sont payables par corps, Loysel, 908. Il y avoit dangier qu'un marchand luy feist mettre la main sur le collet à cause d'un vieux debte, Montaigne, I, 296. Un si gros debte comme celuy de ma totale conservation, Montaigne, IV, 99. C'est autant d'acquit et descharge de ma debte, Montaigne, IV, 95.

ÉTYMOLOGIE

Latin, debitum, chose due, de debere (voy. DEVOIR, v. a.). Le genre de dette a varié ; tantôt on l'a fait masculin à cause de l'étymologie ; tantôt on l'a fait féminin à cause de la finale féminine ; c'est ce genre qui a prévalu.