« enjamber », définition dans le dictionnaire Littré

enjamber

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

enjamber

(an-jan-bé)
  • 1 V. a. Franchir avec les jambes seules, soit que l'on coure, que l'on marche ou que l'on saute. Enjamber deux marches à la fois.

    Fig. Enjamber se dit d'un homme qui saute par-dessus un degré, d'un écolier qui saute une classe. Enjamber un grade. Il a enjambé la seconde, et de la troisième il a passé en rhétorique.

  • 2 V. n. Il ne faut qu'enjamber pour passer le ruisseau.
  • 3Marcher à grands pas. Voyez comme il enjambe.
  • 4 Terme d'architecture. Il se dit d'une poutre qui se prolonge sur une autre.
  • 5 Terme de prosodie. On dit qu'un vers enjambe sur un autre quand, le sens n'étant pas fini, il faut rejeter sur le vers suivant un ou deux mots qui en rompent la cadence, comme dans ce vers de Racine : Mais j'aperçois venir madame la comtesse De Pimbesche…, Plaid. I, 6. Les vers de Ronsard et des poëtes contemporains enjambaient souvent les uns sur les autres ; Malherbe corrigea ce défaut. Enfin Malherbe vint… Et le vers sur le vers n'osa plus enjamber, Boileau, Art poét. I. Ce qui ne laisse pas d'être une énigme pour nous, et ce qui nous semble une négligence inexprimable dans un poëte aussi attentif et aussi habile qu'Horace à donner à ses vers lyriques tous les charmes de l'harmonie, c'est de voir, même dans les odes qu'il a divisées en quatrains, le sens enjamber à tout moment d'une strophe à l'autre sans qu'il ait cru devoir se donner aucun soin de les couper par des repos, Marmontel, Élém. litt. Œuvres, t. X, p. 184, dans POUGENS. De lourds alexandrins l'un sur l'autre enjambant Comme des écoliers qui sortent de leur banc, Hugo, Voix int. 22.
  • 6 Familièrement. Empiéter. Il a emjambé sur l'héritage de son voisin. La liberté d'écrire enjambe sur la licence par l'excessive indulgence des magistrats, Courier, II, 22.

HISTORIQUE

XIVe s. Il ont tout l'estatu depecié et faussé, Et ont sur les François si avant enjambé Qu'il ont vers eulx mespris, Guesclin. v. 20962.

XVe s. Pour elles plus haster à venir, chevaucherent grand espace, enjambées sur chevaux trottants, Monstrelet, liv. I, ch. 144. S'il avient que aucun ou aucune engambe par dessus un petit enfant, sachiez que jamais plus ne croistra, se cellui ou celle mesmes ne rengambe au contraire et retourne par dessus, Évangiles des quenouilles, 1re journée, ch. 24.

XVIe s. Et ne me servit cette mienne inaccoustumée institution, que de me faire enjamber d'arriver aux premieres classes, Montaigne, I, 196. Ils entreprinrent d'enjamber jusques sur l'Asie, et subjuguer…, Montaigne, 1, 231. Ce vieillard, ayant pris le temps que les chrestiens enjamboient en Afrique par les divisions des Afriquains, trouva moien…, D'Aubigné, Hist. I, 34. J'ay esté d'opinion en ma jeunesse, que les vers qui enjambent l'un sur l'autre n'estoient pas bons en nostre poesie, Ronsard, 586. Le millet sarrazin a la paille rouge, bas enjambé, le tige branchu, le grain noir, De Serres, 110. Le belier sera choisi de grand corsage, hautement enjambé, beaucoup chargé de laine, De Serres, 317. L'office de sergent major ni de mestre de camp general ne se pouvoit bien exercer, qui ne se peut jamais bien faire à pied, quelque bien enjambé qu'il soit, Brantôme, Cap. fr. t. IV, p. 216, dans LACURNE.

ÉTYMOLOGIE

En 1, et jambe ; Berry, ajamber, égamber, éjamber ; bourguig. egambai.