« envi (à l') », définition dans le dictionnaire Littré

envi (à l

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

envi (à l') [1]

(an-vi) loc. adv.
  • 1À qui mieux mieux, en rivalité. Ils servent à l'envi la passion d'un homme, Corneille, Cinna, III, 1. Un noyau vint frapper Harpagème au visage, Il leur dit de n'y plus retourner davantage ; Eux sans daigner l'ouïr, et jetant à l'envi, Cet agaçant noyau de plusieurs fut suivi, La Fontaine, le Florentin, sc. 8. Esther a triomphé des filles des Persans ; La nature et le ciel à l'envi l'ont ornée, Racine, Esth. III, 9. Tout vous livre à l'envi le rebelle Hippolyte, Racine, Phèdre, II, 2. Ils se haïssent, mais ils aiment l'État ; ce sont des amants jaloux qui servent à l'envi la même maîtresse, Voltaire, Princ. de Babylone, 8. De là sur l'Hélicon deux partis opposés Règnent, et l'un par l'autre à l'envi déprisés…, Gilbert, Le 18e s.

    Il se dit aussi des choses qui semblent rivaliser. Et qu'ensuite à l'envi mille autres hyménées…, Corneille, Sert. I, 2. Et tandis qu'à l'envi leur amour se déploie…, Racine, Iphig. II, 1.

    Il se dit même d'une seule personne qui rivalise comme avec elle-même. La flotte qu'à l'envi favorisait Neptune, Corneille, Pomp. III, 1.

  • 2 Loc. prépos. À l'envi de, en rivalisant avec. Toutefois mon cœur à l'envi de Chimène adore ce vainqueur, Corneille, Cid, v, 4. Et ses yeux qui brillaient sous son front assuré Éclataient à l'envi de son armet doré, Tristan, M. de Chrispe, I, 3.

HISTORIQUE

XIIe s. À Marsile en alai ad enviz ou de gré, Ronc. p. 199. Ignaures si très biel s'acointe à chascune, quant il i vient, Que de l'autre ne li souvient, Ne nul semblant k'il l'ait envie, Lai d'Ignaurès.

XIIIe s. Mais mout envis leur donne [le congé] l'emperere et otroie, Audefroi le Bastard, Romanc. p. 26. Une grant pece [il] fu od lui, Moult à envis s'en departi, Lai del desiré. Calendres i ot amassées En ung autre lieu, qui lassées De chanter furent à envis, la Rose, 657. Car tor [une tour] de toutes pars assise [assiégée], Envis eschape d'estre prise, ib. 8638.

XIVe s. Ce doit il faire enviz et à poine, Oresme, Eth. 123. Il lui dit : rendez-vous, ou vous serez occis ! Lors se rendi Thomas volentiers ou envis, Guesclin. 18483.

XVe s. Trop envis s'y consentit le roy de France, mais toutefois l'accorda il, Froissart, I, I, 54.

XVIe s. Et si je suis entre les hommes vifs, C'est malgré moy, certes, et bien envis, Saint-Gelais, 90. Qui estoit la seule cause que Sa Majesté moult envie descendoit à ce party : mais que force luy estoit de ce faire, Du Bellay, M. 266. Ceux qui courent à l'envy doibvent…, Montaigne, I, 29. La saveur se treuve excellente, à l'envi des nostres, en divers fruicts de de ces contrées là, Montaigne, I, 234. Il y a des pertes triumphantes à l'envy des victoires, Montaigne, I, 243. Il s'obstina à se mocquer et à rire, à l'envy des maulx qu'on luy faisoit, Montaigne, I, 307. J'engageois mes hardes… avecques bien moins de contraincte, et moins envy que lors je ne faisois bresche à cette bourse, Montaigne, I, 316. Il fault retarder l'inclination vers le mal, suyvre envy cette pente, Montaigne, IV, 134. Les philosophes mesmes se desfont plus tard et plus envy de cette humeur [l'amour de la gloire] que de nulle autre, Montaigne, I, 320. Quand ilz font à l'envy les uns les autres à qui chantera le mieulx, Amyot, Péric. 1. Or je t'aimeray donc, bien qu'envis de mon cœur, Si c'est quelque amitié que d'aimer par contrainte, Ronsard, 179.

ÉTYMOLOGIE

Bourguig. anvi, involontairement ; wallon, evis', malgré soi ; namur. evis (s muette) ; provenç. a envis, malgré soi ; du latin invitus, qui paraît composé de in, privatif, et vitus, formation contracte de vicitus, rattaché au sanscrit vaç, vouloir. L'historique montre la série des sens : à l'envi, malgré la volonté de, puis en rivalité de, ce qui est une sorte de lutte contre la volonté de quelqu'un. La dérivation par invicem est impossible, tant à cause de l'accent qui est sur in, qu'à cause du sens primitif d'envi.