« envoyer », définition dans le dictionnaire Littré

envoyer

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

envoyer

(an-vo-ié ; plusieurs disent an-voi-ié), j'envoie, tu envoies, il envoie, nous envoyons, vous envoyez, ils envoient ; j'envoyais, nous envoyions, vous envoyiez ; j'enverrai ; j'enverrais ; envoie, envoyons, envoyez ; que j'envoie, que tu envoies, qu'il envoie, que nous envoyions, que vous envoyiez, qu'ils envoient ; que j'envoyasse ; envoyant ; envoyé v. a.
  • 1Mettre en voie, en chemin ; faire partir. Envoyer un courrier, un exprès. Ils se sont envoyé des présents. Et pour vous y conduire Assuérus m'envoie, Racine, Esth. III, 2. On m'envoie à Pyrrhus, j'entreprends ce voyage, Racine, Andr. I, 1.

    Par extension. Envoyer quelqu'un aux honneurs, l'envoyer là où il trouvera des honneurs. Prince que j'ai peine à quitter, à quelques honneurs qu'on m'envoie, Corneille, Œdipe, III, 1.

    Envoyer à la mort, remettre quelqu'un à ceux qui doivent lui ôter la vie.

    Fig. Envoyer à la mort, exposer à un péril mortel. Prononcer mon nom serait m'envoyer à la mort, Genlis, Théât. d'éduc. Zélie, v, 4.

    Fig. et familièrement. Envoyer promener, paître, coucher, c'est-à-dire renvoyer, congédier quelqu'un avec humeur, avec colère.

    Envoyer quelqu'un au diable, à tous les diables, le repousser avec colère, avec impatience.

    Envoyer dans l'autre monde, envoyer ad patres, faire mourir.

    Absolument. J'enverrai ce soir chez lui. De crainte qu'après moi vous n'eussiez envoyé, Corneille, Cinna, v, 3. La reine envoie en vain pour se justifier, Corneille, Rodog. I, 6. Pour dresser le contrat elle envoie au notaire, Molière, Fem. sav. IV, 7. On envoie aux nouvelles [on envoie chercher des nouvelles], Sévigné, 401. On envoie chez Pecquet, qui eut de moi des soins extrêmes ; on envoie chez l'apothicaire ; on envoie querir un demi-bain ; on envoie chercher de certaines herbes, Sévigné, 58. Elle envoie vers son père, La Bruyère, XIV.

    Envoyer avec un infinitif. On craignait qu'Amurat par un ordre sévère N'envoyât demander la tête de son frère, Racine, Baj. I, 1.

  • 2Faire porter. Envoyer une lettre, un ballot. Ils se sont envoyé un défi.

    Fig. Tu dois envoyer par avance Tes bonnes œuvres devant toi, Qui de ton juge et de ton roi Puissent préparer la clémence, Corneille, Imit. I, 23.

  • 3Lancer. La lumière que le soleil nous envoie.

    Terme de marine et de guerre. Envoyer un coup de canon. Envoyer une bordée. Il lui envoya un coup de fusil.

    Par extension. Envoyer un coup de pied, un soufflet, donner un coup de pied, un soufflet.

    Fig. Envoyer un mot piquant, adresser à quelqu'un un mot piquant.

  • 4Envoyer se dit quelquefois familièrement pour jeter à bas, renverser. Il l'envoya d'un coup de pied au bas de l'escalier.
  • 5 Fig. Faire parvenir. Pour envoyer l'effroi sous l'un et l'autre pôle, Corneille, Tite et Bérén. II, 1. Marchons, et dans son sein rejetons cette guerre Que sa fureur envoie aux deux bouts de la terre, Racine, Mithr. III, 1. Ah ! qu'un seul des soupirs que mon cœur vous envoie, S'il s'échappait vers elle, y porterait de joie ! Racine, Andr. I, 4. La vue, privée des secours du tact, n'envoie à l'âme que des modifications simples qu'on nomme couleurs, Condillac, Trait. sens. Extr. rais. Œuvres, t. III, p. 33, dans POUGENS.
  • 6Il se dit de ce que l'on attribue à une volonté divine. Dieu nous a envoyé de grandes tribulations. Le ciel sait qu'au milieu des honneurs qu'il m'envoie Je n'attendais que vous pour témoin de ma joie, Racine, Bérén. I, 4.

    Par extension, il se dit, dans le même sens, de la nature, du sort, etc. N'ajoutons pas à tous les maux que la nature et la fortune peuvent nous envoyer la ridicule et inutile vanité de nous croire invulnérables, Fontenelle, Bonh.

  • 7Députer à une assemblée. Paris a envoyé un tel à l'assemblée.

    On l'a envoyé en province, se dit d'un employé à qui on donne un emploi en province en échange d'un emploi qu'il occupait à l'administration centrale, à Paris.

  • 8S'envoyer, v. réfl. Être envoyé. Les petits paquets s'envoient par la poste.

REMARQUE

1. Envoyer suivi d'un infinitif prend tantôt la préposition pour et tantôt ne la prend pas : j'envoyai mon fils au-devant de lui l'assurer… ou pour l'assurer. Mais il faut dire d'une seule façon : j'envoyai mon fils au-devant de lui pour l'empêcher de venir. On pourra mettre l'infinitif sans préposition quand le régime d'envoyer, exprimé ou sous-entendu, fait lui-même l'action dont il s'agit : envoyer un commissionnaire demander ; envoyer faire des compliments ; envoyer dire. Envoyez donc vos enfants se renouveler, Rousseau, Ém. I. On mettra nécessairement pour si la personne envoyée ne fait pas expressément l'action.

2. Le futur régulier serait j'envoyerai ou j'envoierai ; une contraction ancienne, semblable à celle qui disait je lairrai au lieu de je laisserai, a prévalu, tandis que je lairrai est resté hors du bon usage. J'envoierai était très usité dans le XVIIe siècle : Jusqu'à toi, mon Sauveur, j'envoierai ma prière, Corneille, Imit. II, 9. Envoierez-vous encor, monsieur aux blonds cheveux, Avec des boîtes d'or des billets amoureux ? Molière, Éc. des mar. II, 9. Je l'envoyerais ainsi qu'elle est venue, La Fontaine, Serv. Je vous envoyerai une relation avec cette lettre, Sévigné, 45. J'envoierais remercier son altesse, Hamilton, Gramm. 4.

3. On trouve dans Corneille envoyer des soupirs, pour les faire exhaler : Je ne m'oppose pas à la commune joie, Mais souffrez des soupirs que la nature envoie, Corneille, Héracl. v, 8.

HISTORIQUE

XIe s. Enveions i les filz de nos moillers [femmes], Ch. de Rol. III. I enverrai le mien [fils], ib.

XIIe s. Cist brief vous est de Charlon envoiez, Ronc. p. 14. Chançon, va-t-en là où mes cuers [mon cœur] t'envoie, Couci, XVI. Dame, son cuer vous envoie Li vostres loiaus amis, ib. p. 120.

XIIIe s. Seigneur, li baron de France, li plus haut et li plus puissant, nous ont à vous envoiés, et vous crient merci, Villehardouin, XVI. Et Tybert leur cousin avec [j'] envoierai, Berte, VII. Envoyez pour Tibert [envoyez chercher Tibert], qu'il nous soit conseillere [conseiller], ib. XI. Ce que pleit au prince vaut loi, ausint com se toz li pueples donoit tout son poer et son commandement à la loi que li rois envoie, Liv. de just. 9. Et sitost comme je la mis à ma bouche [l'eau] pour envoier aval [avaler], elle me sailli hors par les narilles, Joinville, 240.

XVe s. Or eurent conseil ceux de l'ost, pour leur besogne approcher et pour plus grever leurs ennemis, que ils envoieroient querre en la Riolle un grand engin qu'on appelle truie, Froissart, II, II, 5. [Coitier disait à Louis XI] Je sçay bien que ung matin vous m'envoyrez comme vous faictes d'autres, mais vous n'y vivrez point huyt jours après, Commines, VI, 12.

XVIe s. Il m'envoya au college de Guienne, Montaigne, I, 196. Ayant envoyé un ambassadeur vers le roi, Montaigne, I, 39. Si la fortune contioue, elle m'en envoyera [me renverra] très content et satisfaict, Montaigne, IV, 142. Je l'envoyai convier à disner chez moy, Montaigne, IV, 320. Elle envoyoit querir un medecin, Montaigne, IV, 321. Le capitaine More l'envoia d'un coup de chevron sur la teste au bas de la riviere, D'Aubigné, Hist. II, 264. Les habitants à la fin furent contraincts d'envoyer devers lui, Amyot, Cimon, 3. Cette reponse ouye, les envoyés reprirent incontinent leur chemin devers la mer, Amyot, ib. 34.

ÉTYMOLOGIE

Norm. et Berry, envier ; bourguig. envié ; provenç. et espagn. enviar ; ital. inviare ; de in, en, et via, chemin (voy. VOIE).

SUPPLÉMENT AU DICTIONNAIRE

ENVOYER. - REM. Ajoutez :

4. Despréaux a été avec Gourville voir Monsieur le Prince ; Monsieur le Prince lui envoya voir son armée, Sévigné, 2 nov. 1673. Cette forme est évidemment incorrecte ; il faut l'envoya voir.