« esquiver », définition dans le dictionnaire Littré

esquiver

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

esquiver

(è-ski-vé) v. a.
  • 1Éviter adroitement quelque chose ou quelqu'un. C'est un importun que j'esquive autant que je puis. L'autre esquive le coup, et l'assiette volant S'en va frapper le mur et revient en roulant, Boileau, Sat. III. Allons, je ne pourrai pas esquiver l'interrogatoire, Picard, Alcade, IV, 1. Faut-il esquiver la réflexion comme une ennemie, au lieu d'y livrer toute son âme ? Staël, Corinne, I, 3.

    Par extension. Esquiver une difficulté, s'y soustraire, sans la résoudre.

    Absolument. J'esquive doucement, et m'en vais à grands pas, Régnier, Sat. VIII. Les petits, en toute affaire, Esquivent fort aisément ; Les grands ne le peuvent faire, La Fontaine, Fabl. IV, 6. Le lion sort et vient d'un pas agile, Le fanfaron aussitôt d'esquiver, La Fontaine, ib. VI, 2. Je saute vingt ruisseaux, j'esquive, je me pousse, Boileau, Sat. VI.

  • 2S'esquiver, v. réfl. Se retirer d'un lieu, d'un cercle, en évitant d'être remarqué. Je me suis doucement esquivé sans rien dire, Molière, Fâch. I, 1.

    S'éviter l'un l'autre.

HISTORIQUE

XIe s. Jà pur morir n'eschiveront bataille, Ch. de Rol. LXXXV.

XIIe s. À mort serez jugié, se [je] ne vous en eschiu, Sax. XXIV.

XIIIe s. Li cuens [comte] qui chevalier ne doute [craint] ne esquive, Audefroi le Bastard, Romancero, p. 19. [Elle] Ne sait comment le froit [elle] puist avoir eschivé, Berte, XLV. Et l'ourse l'eschiva [l'évita], autre voie est tournée, ib. XLVI. Mais je le connois à si sage Qu'il eskievera ce damage, Bl. et Jeh. 2411. …qui li face voloir le bien et eschuer le mal, Latini, Trésor, p. 280. Fui et eschieve la compaingnie des mauvez, Joinville, 300.

XVe s. Adonc, pour eschever le fossé qui estoit par devant eux, [les Flamands] tournerent-ils autour du bosquet et prirent l'avantage des champs, Froissart, II, II, 195. Sur ces deux ailes, gens d'armes les [les Flamands] commencerent à pousser de leurs roides lances à longs fers et durs de Bordeaux… dont ceux qui en estoient atteints se restreignirent pour eschever les horions, Froissart, II, II, 197. Donc, pour eschiver tous perils, Jean de Hollande s'enferma dans la dite ville, Froissart, II, II, 235.

XVIe s. Beaucoup se sont bien trouvez de mourir, eschevant par là des grandes miseres, Montaigne, I, 89. Il fault eschever aux coups que nous ne sçaurions parer, Montaigne, IV, 164. Le moien d'eschevir tel danger, est d'enfermer et la mere et les petits, De Serres, 336.

ÉTYMOLOGIE

Wallon, hiuver ; provenç. esquivar, eschivar ; espagn. esquivar ; ital. schivare ; du germanique : anc. haut allem. skiuhan ; allem. scheuen, avoir peur. Il y avait un adjectif dans l'ancien français, esquiu ; provenç. eschiu ; espagn. esquivo ; ital. schivo, timoré.

SUPPLÉMENT AU DICTIONNAIRE

ESQUIVER. Ajoutez : - REM. Esquiver a été employé neutralement avec à. Nous espérons de notre bonheur ou de notre adresse d'esquiver à sa malice, Diderot, Lettre LX à Mlle Voland, t. XIX, p. 55, éd. Assézat. Cela n'est plus usité.