« extrême », définition dans le dictionnaire Littré

extrême

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

extrême

(èk-strê-m') adj.
  • 1Qui est tout à fait au bout. L'extrême limite. À l'extrême frontière. Mon extrême vieillesse ne me peut permettre de jouir plus longtemps de sa bonté, Vaugelas, Q. C. liv. VI, dans RICHELET. Son extrême jeunesse donne un nouveau prix à tous ses talents, Voltaire, Princ. de Babyl. 5.
  • 2Porté au dernier point, au plus haut degré. La préface m'a semblé parfaitement belle, et j'ai eu un extrême plaisir à la lire, Voiture, Lett. 30. Nos sens n'aperçoivent rien d'extrême, Pascal, Pens. part. I, art. 4. Mais enfin, qu'ai-je fait en ce malheur extrême ? Racine, Théb. II, 1. Modérez donc, seigneur, cette fureur extrême, Racine, Andr. III, 1. Jugez de ma douleur, moi dont l'ardeur extrême, Je vous l'ai dit cent fois, n'aime en lui que lui-même, Racine, Bérén. I, 4. Ce changement est grand, ma surprise est extrême, Racine, ib. III, 2. Des extrêmes périls l'ordinaire signal, Racine, Bajaz. 1, 2. Je vois qu'à l'excuser votre adresse est extrême, Racine, ib. III, 6. Votre gloire est perdue, et cette honte extrême…, Voltaire, Alz. IV, 3. Il ne peut y avoir que deux sortes d'esprits qui se suffisent à eux-mêmes, l'extrême génie qui n'existe point, et l'extrême cottise qui n'existe que trop, D'Alembert, Essai sur la soc. des g. de lett. Œuv. t. III, p. 31, dans POUGENS. C'était sur l'âme de ce jeune homme que l'extrême vertu dans l'extrême malheur avait fait le plus d'impression, Marmontel, Bélisaire, ch. I.
  • 3Parti extrême, parti violent, hasardeux. Tout ce qui est extrême demande une résolution extrême, Raynal, Hist. phil. XVIII, 44.

    Les voies extrêmes, ce qui est le plus à la rigueur. Il y a des circonstances où un tel arrangement [le partage égal des terres dans une démocratie] serait impraticable, dangereux, et choquerait même la constitution ; on n'est pas toujours obligé de prendre les voies extrêmes, Montesquieu, Esp. v, 7.

    Remèdes extrêmes, remèdes hasardeux auxquels on n'a recours que quand ils paraissent être devenus la seule ressource du malade.

  • 4Qui est éloigné de l'état modéré. Toutes ses affections sont extrêmes, tous ses excès sont impunis, Barthélemy, Anach. ch. 14.

    Les climats extrêmes, les climats très chauds ou très froids ; se dit aussi des climats où les différences sont très grandes entre l'été et l'hiver, par exemple, la Russie, le Canada. Enfin un ciel dévorant l'arrêtait [Napoléon] ; car tel est ce climat [de Russie], le ciel y est extrême, immodéré ; il dessèche ou inonde, brûle ou glace cette terre et ses habitants qu'il semble fait pour protéger, Ségur, Hist. de Nap. V, 1.

  • 5Qui outre, qui n'a point de mesure, en parlant des personnes. Vardes est tout extrême [ou tout l'un ou tout l'autre], Sévigné, 422. Et il connaissait, dans le parti [la Fronde], de ces fiers courages dont la force malheureuse et l'esprit extrême ose tout et sait trouver des exécuteurs, Bossuet, le Tellier. Les femmes sont extrêmes, elles sont meilleures ou pires que les hommes, La Bruyère, III. Extrême dans la débauche, dans la bravoure, dans ses idées, dans ses expressions, Voltaire, Jenni, 7. Avec toutes les vertus n'étant extrême sur aucune, Montesquieu, Rom. 15. Hélas ! pour mon malheur le ciel me fit extrême, Ducis, Abufar, IV, 5.
  • 6Quoique extrême soit un superlatif, l'usage de bons auteurs et l'Académie lui donnent des degrés de comparaison. Les maux les plus extrêmes, Dict. de l'Acad. Mais quand la passion en nous est si extrême, Régnier, Sat. IV. Et prenez-moi les plus extrêmes En sagesse…, Régnier, Épît. III. La gaieté de Pomenars était si extrême que…, Sévigné, 70. Le retour plus extrême qu'auparavant dans le vice, Massillon, Car. Inconst. La nouvelle de l'acceptation du testament [de Philippe IV] avait causé à Madrid la plus extrême joie, Saint-Simon, 83, 89. Ce peuple qui, s'imaginant que la liberté doit être aussi extrême que le peut être l'esclavage, cherchait à abolir la magistrature même, Montesquieu, Dial. de Sylla.
  • 7 S. m. Dernière limite des choses. Quand on veut poursuivre les vertus jusqu'aux extrêmes, Pascal, Pensées div. 14, éd. Faugère. L'Hercule est l'extrême de l'homme laborieux ; l'Antinoüs est l'extrême de l'homme oisif, Diderot, Salon de 1765, Œuvres, t. XIII, p. 132, dans POUGENS. La noblesse et la dignité sont les décences du théâtre héroïque ; leurs extrêmes sont l'emphase et la familiarité, Marmontel, Élém. litt. t. IV, p. 315, dans POUGENS.

    À l'extrême, à la dernière limite, sans mesure n. réserve. Cinna, ne porte point mes maux jusqu'à l'extrême, Corneille, Cinna I, 4. Mais porter dès l'abord les choses à l'extrême, Corneille, Sertor. IV, 2. Après la mort de Clodius, les Èques eux-mêmes ne poussèrent pas leurs avantages à l'extrême, Le P. Catrou, dans DESFONTAINES.

    Pousser, porter tout à l'extrême, n'avoir de modération en rien.

  • 8Les extrêmes, les deux dernières limites d'une chose qui sont l'une à une extrémité et l'autre à l'autre, et, par suite, les contraires. Entre plusieurs opinions également reçues [pour la conduite de la vie], je ne choisissais que les plus modérées, tant à cause que ce sont toujours les plus commodes pour la pratique et vraisemblablement les meilleures, comme aussi afin de me détourner moins du vrai chemin, en cas que je faillisse, que si, ayant choisi l'un des extrêmes, c'eût été l'autre qu'il eût fallu suivre, Descartes, Méth. III, 2. La religion, comme toutes les vertus, est entre deux extrêmes, le libertinage [l'incrédulité] et la superstition, Du Marsais, Œuv. t. VII, p. 59. La Fontaine est peut-être celui de tous les poëtes qui passe d'un extrême à l'autre avec le plus de justesse et de rapidité, Marmontel, Élém. litt. Œuv. t. VII, p. 382, dans POUGENS. Je m'étonne presque de prononcer son nom dans cet ermitage, au milieu d'un désert, à l'autre extrême des impressions que fait naître la plus active population du monde, Staël, Corinne, XII, 1.

    Les extrêmes se touchent, c'est-à-dire il arrive souvent que des choses opposées sont pourtant très voisines, ou reviennent l'une à l'autre, comme l'enfance et l'extrême vieillesse. Les extrêmes, ma sœur, sont bien près l'un de l'autre, Ducis, Abufar, III, 2.

  • 9 Terme d'arithmétique. Le premier et le dernier terme d'une proportion. Dans toute proportion arithmétique, la somme des extrêmes est égale à la somme des moyens ; dans toute proportion géométrique le produit des extrêmes est égal au produit des moyens, Condillac, Lang. calc. I, 12.
  • 10Dernière extrémité. Des ennemis la défaite et la fuite Semblaient nous donner Rome à l'extrême réduite, Du Ryer, Scévole, I, 3.

    Parti violent. Les extrêmes sont toujours fâcheux ; mais ce sont des moyens sages quand ils sont nécessaires, Retz, Mém. t. I, liv. II, p. 209, dans POUGENS.

    PROVERBE

    Aux maux extrêmes, les extrêmes remèdes.

REMARQUE

Les grammairiens ont remarqué que, dans extrême, l'accent circonflexe, ne représentant point une s supprimée, serait plus régulièrement remplacé par un accent grave, d'après l'analogie qui veut que, quand dans les dérivés l'accent devient aigu (extrémité), le mot primitif prenne l'accent grave et non l'accent circonflexe, par exemple : problème, problématique, système, systématique.

HISTORIQUE

XIVe s. Et entendement des extremes ou termes en chascune des sciences, Oresme, Eth. 185. Si que en l'extreme de ceste mort l'ennemi d'enfer [le diable] ne puisse avoir pouvoir de me tenter, Boutillier, Somme rural, p. 874, dans LACURNE.

XVe s. Vinrent au Dauphin, qui avoit passé la premiere extreme angoisse, et luy demanderent comment il se sentoit, Perceforest, t. IV, f° 31.

XVIe s. Evite comme deux extremes vicieux …, Montaigne, III, 13. Jusques à la premiere entrée et extreme barriere, Montaigne, I, 70. Les choses qui sont à nostre cognoissance les plus grandes, nous les jugeons estre les extremes que nature face en ce genre, Montaigne, I, 201. Jusques à son extreme vieillesse, Montaigne, I, 208. Amour est sans milieu ; c'est une chose extreme Qui ne veut (je le sçay) de tiers ny de moitié, Ronsard, 254. Il s'enfuit à la plus extreme diligence qui luy fut possible, Amyot, Crassus, 7.

ÉTYMOLOGIE

Bourg. estrême ; provenç. extrem, estrem ; espagn. extremo ; ital. stremo ; du latin extremus, superlatif, par le suffixe imus, de l'adjectif exterus (voy. EXTÉRIEUR), avec retranchement d'un e, extremus pour exterimus, comme extra pour extera.

SUPPLÉMENT AU DICTIONNAIRE

EXTRÊME.
1Ajoutez :

Terme de mathématique. Moyenne et extrême raison, voy. RAISON, n° 13.

8Dernier, qui accompagne la fin d'une chose. Comme le fils d'Alcmène en me brûlant moi-même ; Il suffit qu'en mourant dans cette flamme extrême, Une gloire éternelle accompagne mon nom, Malherbe, Lexique, éd. L. Lalanne. Je vois mon heure extrême qui se prépare…, Rousseau, Lett. au général Conway, Douvres, 1767.

REMARQUE

Ajoutez :

2. J. J. Rousseau l'a employé, à tort, au sens d'excessif, en parlant de choses. M. Lambercier était un homme fort raisonnable qui, sans négliger notre instruction, ne nous chargeait point de devoirs extrêmes, Rousseau, Confess. I.

HISTORIQUE

Ajoutez : XIIIe s. Si li a dit : mes ciers amis, L'estreme desir que vos aie…, Li biaus desconneus, V. 2354.

XVIe s. Ajoutez : Ô Dieu, toujours vivant, j'ay ferme confiance, Qu'en l'extreme des jours, par ta toute-puissance, Ce corps… prendra nouvelle vie…, Desportes, Œuv. chrest. XVIII, Plainte.