« fantôme », définition dans le dictionnaire Littré

fantôme

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

fantôme

(fan-tô-m') s. m.
  • 1Image des morts qui apparaît surnaturellement. Ou le fantôme affreux d'une mère sanglante, Ou l'aspect importun d'une mère vivante, Legouvé, M. de Nér. I, 1. J'ai d'un géant vu le fantôme immense Sur nos bivouacs fixer un œil ardent, Béranger, Ch. du cosaque.

    Par extension, ce qui a l'apparence d'un fantôme. L'ombre croissait, et déjà dans le crépuscule mes regards ne distinguaient plus que les fantômes blanchâtres des colonnes et des murs, Volney, Ruines, 1.

  • 2Il se dit poétiquement de personnages fictifs qui occupent l'imagination. Il revoit près de lui, tout à coup animés, Ces fantômes si beaux, à nos pleurs tant aimés, Dont la troupe immortelle habite sa mémoire : Julie, amante faible et tombée avec gloire ; Clarisse, beauté sainte où respire le ciel…, Chénier, Élég. XI. Si je pouvais d'un mot évoquer devant toi Les fantômes divins dont ta plume féconde…, Lamartine, Réponse aux adieux de W. Scott.
  • 3Il se dit aussi du simulacre surnaturel d'une personne. Un fantôme pareil et de taille et de face, Tandis que vous fuirez, remplira votre place, Corneille, Médée, IV, 6. D'un fantôme odieux, soldats, délivrez-moi, Racine, Athal. v, 5.
  • 4 Par extension, personne très maigre. Ce n'est plus qu'un fantôme.
  • 5Personne qui n'a que l'apparence de ce qu'elle devrait être. Faire un roi d'un enfant pour être son tuteur, C'est… mettre sur le trône un fantôme pour roi, Corneille, Perthar. III, 3. Si tout meurt avec nous, les lois sont une servitude insensée ; les rois et les souverains, des fantômes que la faiblesse des peuples a élevés, Massillon, Carême, Avenir. Un nonce fut envoyé à ce congrès pour être un fantôme d'arbitre entre des fantômes de plénipotentiaires, Voltaire, Louis XIV, 9. Vois l'homme en Mahomet, conçois par quel degré Tu fais monter au ciel ton fantôme adoré, Voltaire, Fanat. I, 4. Lépide est un fantôme aisément écarté, Voltaire, Triumv. I, 3. Oubliez un époux… Fantôme de lui-même, indigne de vous voir, Lemercier, Charles VI, I, 2.

    Par extension. Un imposteur, un fantôme de pénitent, Massillon, Carême, Rechute. C'est-à-dire, vous êtes un fantôme de chrétien, Massillon, Carême. Vérit. culte.

  • 6Vaine apparence que présentent les choses. Estimer le fantôme autant que la personne, Molière, Tart. I, 6. Ce fantôme d'honneur que vous prétendez, tout vain qu'il soit, être une excuse légitime pour les meurtres, Pascal, Prov. XI. Sans s'effrayer de ce qu'on dirait, sans craindre, comme autrefois, ce vain fantôme des âmes infirmes dont les grands sont épouvantés plus que tous les autres, la princesse palatine parut à la cour si différente d'elle-même, Bossuet, Anne de Gonz. Les hérétiques faisaient un fantôme de l'Incarnation, Bossuet, Var. X. Combien de fantômes de conversion ! Bourdaloue, Carême, III, Résurrect. 317. Au lieu du fantôme de la pénitence, je les aurais réduits à en avoir la pratique solide, Bourdaloue, Dominic. IV, Rechute. Ils courent après un fantôme d'une fausse gloire, Fénelon, Tél. XI. Je croyais que la probité était un beau fantôme, Fénelon, ib. XII. L'amour-propre ne cesse de nous rappeler nos mœurs irrépréhensibles, de nous présenter un fantôme de vertu et de régularité qui nous endort et nous rassure, Massillon, Confér. Retr. des curés. Méprisez le monde et la vie ; tout cela n'est qu'un fantôme d'un moment, Voltaire, Lett. Mme du Deffant, nov. 1768.
  • 7Chimères. Tous ces fantômes qui l'abusaient s'évanouiront, Massillon, Carême, Riche. Elle n'est plus troublée par les fantômes des sens, Massillon, Carême, Prière. Fier mortel, bannis ces fantômes ; Sur toi-même jette un coup d'œil ; Que sommes-nous, faibles atomes, Pour porter si loin notre orgueil ? Malfilâtre, Ode, le Soleil immobile.

    Idées noires. Vous qui avez tant de raison et de courage, faut-il que vous soyez la dupe de ces vains fantômes ? Sévigné, 333.

    Fig. Combattre des fantômes, se méprendre et discuter ce qui n'a pas été dit. Comment est-ce que Jésus-Christ se détermine à prier pour les uns plutôt que pour les autres, c'est sur quoi je ne veux pas dire quel est le sentiment de l'auteur [Malebranche], de peur qu'il ne se plaigne que j'ai formé des fantômes pour les combattre, Fénelon, t. III, p. 7.

    Familièrement. Se faire des fantômes de rien, s'exagérer une difficulté, un péril.

  • 8 Terme de chirurgie. Mannequin propre à l'étude de certaines opérations. Ces commissaires interrogèrent onze jeunes paysannes tant sur la théorie que sur la pratique des accouchements ; ils les firent manœuvrer sur le fantôme, Bachaumont, Mém. secrets, Londres, 1786, t. XXXII, p. 27.
  • 9 Terme de scolastique. Images produites dans le cerveau par l'impression des objets extérieurs.
  • 10 Terme de physique. Fantôme magnétique, figure qu'on obtient à l'aide d'un courant magnétique lorsqu'on laisse tomber de la limaille de fer sur une feuille de papier tendue, imprégnée d'empois d'amidon préparé à la gélatine.
  • 11 Terme de zoologie. Nom de quelques insectes du genre des mantes.

HISTORIQUE

XIIe s. Tant leur a dit fantosmes que decheüs [déçus] les a, Rou, ms. p. 75, dans LACURNE.

XIIIe s. Si font [les verres] fantosmes aparens à ceux qui regardent par ens, la Rose, 18381. Fantosme nous va fauvoiant [fourvoyant], Rutebeuf, 324.

XIVe s. Or entendez, royne, et tout chil qui sont cha [çà] ; Ne tenez à fantasme tout che [ce] c'on vous dira, Baud. de Seb. III, 104.

XVIe s. Accoustumer un cheval à ne craindre les cors mortz, en luy mettant un phantosme [mannequin] parmy son foin, Rabelais, Garg. I, 36. La cour du parlement fit le procez de ce duc, et le fit mettre en figure et en representation en fantosme, comme on dit, à quatre quartiers, D'Aubigné, Hist. III, 337. Ilz se transfigurerent en plusieurs fantasmes terribles et espouvantables, Amyot, Numa, 27. Estant si facile d'imprimer touts phantosmes en l'esprit humain, c'est injustice de ne le paistre plustost de mensonges proufitables que de mensonges ou inutiles ou dommageables, Montaigne, II, 244.

ÉTYMOLOGIE

Provenç. fantasma, fantauma ; esp. et ital. fantasma ; du latin phantasma, du grec φάντασμα (voy. FANTAISIE).

SUPPLÉMENT AU DICTIONNAIRE

FANTÔME. Ajoutez :
12Il s'est dit pour effigie d'un homme condamné à mort. Lorsque Théophile fut pris au Châtelet, se sauvant en Angleterre, après l'exécution de son fantôme, Fr. Garasse, Mémoires, publiés par Ch. Nisard, Paris, 1861, p. 78.