« fardeau », définition dans le dictionnaire Littré

fardeau

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

fardeau

(far-dô) s. m.
  • 1Chose plus ou moins pesante destinée à être transportée ou élevée soit par l'homme, soit par les bêtes de somme, soit par un véhicule. Les fardeaux les plus extraordinaires que l'on ait élevés en France sont les deux pierres qui forment le fronton de la colonnade du Louvre. Ésope prit le panier au pain ; c'était le fardeau le plus pesant ; chacun crut qu'il l'avait fait par bêtise ; mais, dès la dînée, le panier fut entamé, et le Phrygien déchargé d'autant, La Fontaine, Vie d'Ésope. Moitié de ce fardeau ne vous sera que jeu, La Fontaine, Fabl. VI, 16. Un homme qu'on soulage d'un fardeau accablant, Fénelon, Tél. XI. C'est une chose étonnante de voir de quels fardeaux ils [les soldats romains] étaient chargés dans une marche, Rollin, Traité des Ét. 3e part. ch. 1er.

    Se dit de l'enfant dans le sein de la mère.

  • 2 Fig. Il se dit, dans le langage élevé, d'impôts trop lourds. Un roi sage… Craint le Seigneur son Dieu… Et d'injustes fardeaux n'accable point ses frères, Racine, Ath. IV, 2.
  • 3Dans le langage poétique, fardeau de la terre, homme, race inutile au monde. Voudrais-je, de la terre inutile fardeau, Trop avare du sang reçu d'une déesse, Attendre chez mon père une obscure vieillesse ? Racine, Iph. I, 2. Et ce peuple, autrefois vil fardeau de la terre, Semble apprendre de nous le grand art de la guerre, Voltaire, Alz. III, 6.
  • 4Ce qui pèse moralement. Ce [d'indignes favoris] sont des fardeaux et des empêchements des royaumes, qui pèsent à toutes les parties de l'État, Guez de Balzac, De la cour, 2e disc. Me voilà délivrée d'un pesant fardeau [dit la femme d'Argan, en apprenant sa mort supposée], Molière, Mal. imag. III, 18. S'étant déchargé du fardeau de son scrupule, Pascal, Prov. 8. Mon discours, dont vous vous croyez peut-être les juges, vous jugera au dernier jour ; ce sera un nouveau fardeau, comme parlaient les prophètes ; et, si vous n'en sortez plus chrétiens, vous en sortirez plus coupables, Bossuet, Anne de Gonz. Le crime d'une mère est un pesant fardeau, Racine, Phèdre, III, 3. C'est un pesant fardeau qu'avoir un gros mérite, Regnard, le Joueur, II, 8. Chacun ne portera-t-il pas son propre fardeau devant la majesté terrible de celui…, Massillon, Carême, Resp. hum. Je ne vous ennuie point de mes autres misères ; il ne faut pas appesantir son fardeau sur les épaules de l'amitié, mais savoir le porter avec un peu de courage, Voltaire, Lett. d'Argental, 14 sept. 1773. Se délivrer, par la calomnie, du fardeau de la reconnaissance, Marmontel, Mém. x. Ce fardeau de malheur qu'en naissant j'ai porté, Delavigne, Paria, I, 1. Déposer le fardeau des misères humaines, Est-ce donc là mourir ? Lamartine, Médit. I, 27.

    Poétiquement. Le fardeau des ans.

  • 5Ce qui exige beaucoup de soin et engage la responsabilité. Le fardeau était trop pesant pour une seule tête, Vaugelas, Q. C. livr. X, dans RICHELET. Le fardeau l'empire] que sa main est lasse de porter, Corneille, Cinna, II, 1. Mais je sais peu louer ; et ma muse tremblante Fuit d'un si grand fardeau la charge trop pesante, Boileau, Disc. au roi. Mais à peine le ciel eut rappelé mon père… Je sentis le fardeau qui m'était imposé ; Je connus… que le choix des dieux, contraire à mes amours, Livrait à l'univers le reste de mes jours, Racine, Bérén. II, 2. Mon cœur peut-il porter, seul et privé d'appui, Le fardeau des devoirs qu'on m'impose aujourd'hui ? Voltaire, Zaïre, III, 4.
  • 6Il se dit de ce que coûtent les guerres en hommes et en argent. Ils soutinrent le fardeau de tant de guerres, Bossuet, Hist. I, 10. Ce qu'il y eut de plus étrange, c'est qu'étant entré dans Dresde le 18, il y fit la paix le 25 avec l'Autriche et la Saxe, et laissa tout le fardeau au roi de France, Voltaire, Louis XV, 17.
  • 7 Terme de mines. Terres, roches qui menacent d'ébouler.
  • 8 Terme de brasserie. L'eau et la farine que contient une cuve à faire de la bière.

HISTORIQUE

XIIIe s. Lors se sont andui [tous deux] esveillié ; Si ont moult bien apareillié, Comme marcheanz, lor fardel ; Et Primaut a pris un hardel, Et si l'a à son col pendu, Ren. 3691. Cil qui metent fardiaus en l'iaue en Greve pour aler à Corbuel à la foyre… si ne doivent noient, Liv. des mét. 285.

XVe s. Dont St Christophe et son fardel [J. Christ qu'il porta]…, Deschamps, Poésies mss. f° 393, dans LACURNE. Adonc luy rendit ses lettres toutes telles que elles estoient, liées en un fardeau, Bouciq. II, 25.

XVIe s. Fardeau de robes ou trosseau [trousseau des nouvelles mariées], Nouv. coust. génér. t. II, p. 1237.

ÉTYMOLOGIE

Bourguig. fadeà ; provenç. fardel ; cat. fardell ; espagn. fardo, fardillo ; ital. fardello. Origine incertaine. Du Cange le tire de φόρτος, fardeau, faix ; mais le changement de voyelles (o en a) dans toutes les langues romanes fait difficulté. Génin pense que fardel est dit pour hardel, de hart, lien ; mais, ici aussi, le changement de h en f dans toutes les langues est un obstacle qu'on ne peut laisser de côté. Le simple fardo se trouve dans le portugais, et les étymologistes portugais le tirent de l'arabe fard, qui signifie vêtement, drap. Dans le fait, il y a aussi dans le portugais farda, habit ; dans l'espagnol et le portugais, fardar, et, dans le vieux français, fardes, habillement (De poures fardes se vesti, Rou, ms. p. 182, dans LACURNE). Diez admet, comme la vraie origine, que du sens de vêtement on ait passé à celui de bagage, et de celui de bagage à celui de fardeau ; c'est ainsi que, inversement, robe, qui signifiait butin, a passé au sens de vêtement. Cependant toute incertitude n'est pas écartée, vu qu'on ne trouve pas le passage du sens d'habillement à fardeau.

SUPPLÉMENT AU DICTIONNAIRE

FARDEAU. Ajoutez :
8Réunion de plusieurs colis en un seul. L'article 16 [de la loi de douanes du 27 juillet 1822] défend de réunir par une même ligature plusieurs colis, soit ballots, caisses ou surons fermés, pour en former un fardeau qu'on déclare comme unité, Circulaire des douanes, 28 juill. 1822, 20 740.

En fardeau, expression consacrée en parlant de colis réunis en un seul par un moyen quelconque. Sur quelques points, les fabricants ou marchands qui emportent ou font des livraisons à des établissements industriels de l'intérieur sont dans l'usage de réunir diverses caisses en fardeau sous un seul lien ; pourvu que la réunion des caisses soit formée de manière à rendre toute substitution impossible, il ne sera, dans ce cas, apposé qu'un seul plomb, Circul. des contrib. indir. 13 fév. 1871, n° 114, p. 4.

ÉTYMOLOGIE

Ajoutez : M. Devic, Dict. étym., reconnaît l'origine arabe de fardeau, mais non pas telle que Diez l'indique. Il le tire de l'arabe farda, ballot, qu'il rattache à la racine fard. Fard signifie chacune des deux parties d'un objet unique. Or farda, outre ballot, marque de plus : chacun des deux battants d'une porte, chacune des deux étrivières d'une selle, chacun des deux arbalétriers d'une ferme. Facilement, il a pris le sens de chacun des deux ballots formant la charge d'un chameau. En effet la farde est la demi-charge du chameau. C'est de là qu'il a passé dans les langues de l'Occident.