« fier.3 », définition dans le dictionnaire Littré

fier

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

fier, ière [3]

(fièr,-fiê-r') adj.
  • 1Sauvage, farouche. Usité seulement en termes de chasse. Perdrix fières, celles dont il n'est pas facile d'approcher.

    En termes de blason, fier se dit d'un lion qui a le poil hérissé.

    Fig. Il se dit, en termes de sculpture, d'une pierre dure, difficile à tailler, sujette à éclater. Une pierre fière. Un marbre fier.

  • 2Violent, qui a l'audace, l'intrépidité d'une bête farouche. De fiers coursiers. Combien reçut-il d'avis secrets que sa vie n'était pas en sûreté ! et il connaissait, dans le parti, de ces fiers courages dont la force malheureuse et l'esprit extrême ose tout et sait trouver des exécuteurs, Bossuet, le Tellier. Quelque fier qu'il puisse être, il n'est pas invincible, Racine, Théb. IV, 1. Attaquons dans leurs murs ces conquérants si fiers, Racine, Mithr. III, 1. Et le seul nom de Rome étonne les plus fiers, Racine, ib. IV, 6. À la fois fier et rusé, Kutusof savait préparer avec lenteur une guerre tout à coup impétueuse, Ségur, Hist. de Nap. VIII, 11. Si le reste [de l'armée russe] se retirait en si bon ordre, fier et si peu découragé, qu'importait le gain d'un champ de bataille ? Ségur, ib. VII, 12.

    Fig. Brisa les fiers remparts et les portes d'airain, Racine, Esth. III, 4.

  • 3En un sens particulier, qui a un orgueil se montrant dans la contenance, dans les manières. La belle était pour les gens fiers, La Fontaine, Fabl. IV, 1. Certaine fille un peu trop fière Prétendait trouver un mari…, La Fontaine, ib. VII, 5. Est-ce là, dira-t-il, cette fière Hermione ? Racine, Andr. II, 1. Le fier Assuérus couronne sa captive, Racine, Esth. I, 1. L'état le plus libre de la nature [le royaume de l'air] a donc aussi ses tyrans [les aigles], et malheureusement c'est à eux seuls qu'appartient cette suprême liberté dont ils abusent, et cette indépendance absolue qui les rend les plus fiers de tous les animaux, Buffon, Ois. t. XI, p. 110, dans POUGENS.

    Molière a dit fier à quelqu'un, pour signifier : montrant de la fierté à l'égard de quelqu'un. Oh ! qu'elles nous sont bien fières par notre faute ! Dép. am. IV, 2.

    Être fier comme un Écossais, avoir beaucoup d'orgueil, les Écossais qui jadis étaient souvent au service de nos rois, passant pour être très orgueilleux. Ramsay lui répondit qu'on pouvait se rencontrer, et qu'il n'était pas étonnant qu'il pensât comme Fénelon, et qu'il s'exprimât comme Bossuet ; cela s'appelle être fier comme un Écossais, Voltaire, Dict. phil. Plagiat.

    On dit aussi : fier comme Artaban, du nom d'un héros de roman ; et fier comme un gueux.

    Terme de manége. Se dit du cheval pour exprimer qu'il se redresse vivement à la moindre parole qu'on lui adresse.

    Il se dit de la conduite, de la contenance, du ton, des actions, des discours, etc. Une attitude, une démarche fière. Une mine fière. Mon cœur, d'un fier mépris armé contre leurs traits, Racine, Alex. III, 6. Cet air fier et censeur qui juge de tout, Massillon, Avent, Disp. Tout ce que vous vous êtes permis… de légers mépris, de fiers refroidissements contre votre frère, Massillon, Car. Fautes légères.

  • 4Qui s'enorgueillit de. Il est fier de cette préférence. Elle est fière de sa fille. Il se tient fier de ses richesses. Il est tout fier d'avoir réussi. Ses amours qu'un rival tout fier de sa défaite Possédait à ses yeux, La Fontaine, Fabl. VII, 13. En vain, tout fier d'un sang que vous déshonorez, Boileau, Sat. V. S'il fuit, ne doutez point que, fiers de sa disgrâce, à la haine bientôt ils ne joignent l'audace, Racine, Bajaz. I, 1.
  • 5Qui a des sentiments nobles, élevés. Les nuances sont si délicates, qu'esprit fier est un blâme, âme fière est une louange ; c'est que par esprit fier on entend un homme qui pense avantageusement de soi-même, et par âme fière on entend des sentiments élevés, Voltaire, Dict. phil. Fierté. Mais elle est trop fière ; dites-lui que cela n'est pas bien d'être fière, Voltaire, Écoss. II, 5. L'empereur et la grande armée gardaient l'un envers l'autre un triste et noble silence ; on était à la fois trop fier pour se plaindre et trop expérimenté pour n'en pas sentir l'inutilité, Ségur, Hist. de Nap. XI, 13.
  • 6 Terme de peinture. Touche fière, touche vigoureuse et hardie.

    On dit aussi : fier ciseau.

  • 7Dans le langage familier, grand, remarquable. Voilà une fière étourderie. À moins qu'on ne l'écorche vif, je prédis qu'il mourra dans la peau du plus fier insolent…, Beaumarchais, Mar. de Fig. I, 4. Tout ça pourtant m'a coûté un fier baiser sur la joue, Beaumarchais, ib. v, 1. Savez-vous que cet homme-là vient recueillir ici un fier héritage ? Picard, Collatéral, I, 4.

    Ironiquement. Voilà un fier marcheur, il se lasse tout de suite. Cinq mille hommes, voilà une fière armée !

    Le passage au sens populaire de grand, fort, s'est fait par le sens de farouche, violent, méchant, comme dans ce vers : Mon mal… pour un temps retenu… est plus fier revenu, Régnier, Élég. V. Cette acception est ancienne, on peut le voir à l'historique.

  • 8 Substantivement. Faire le fier, se montrer fier, orgueilleux. Il fit le fier et ne s'en trouva pas bien, Hamilton, Gramm. 9. Il ne faut point que vous fassiez tant la fière, Dancourt, Bourg. à la mode, III, 6.

    Se tenir sur son fier, garder sa fierté, ne pas condescendre. M. le prince se mit à rechercher Rose, qui se tint longtemps sur son fier, Saint-Simon, 85, 110. Fiers de Neufchâtel, bons barons de Beaufremont, nobles de Vienne, preux de Vergy, riches de Châlons [c'étaient les surnoms des cinq principales maisons de Franche-Comté], Pellisson, Hist. de Louis XIV, t. II, liv. VI, p. 264, dans POUGENS.

HISTORIQUE

XIe s. Mandez [à] Carlon al orgulluz, al fier, Ch. de Rol. III. Moult [il] se fait fier de ses armes porter, ib. LXX. Plus se fait fier que lion ne leupart, ib. LXXXVI.

XIIe s. [Il] dist à son oncle par moult fiere raison, Ronc. p. 40. Moult fier [considérable] doaire [il] lui a fait otrier, ib. p. 160. Dex ! qui vous sert, fer gueredon atent, ib. p. 173. Icestui [jugement] ferons nous, se n'en trouvons plus fier [cruel], ib. p. 200. Bien savons de Herupe [sur les Herupois] qu'onques treü [tribut] [il] n'en ot ; Fier en sont et felon, Sax. XVII. Là veïssiés un fier abateïs ; Il n'a el monde paien ne sarrasin, S'il les veïst, cui pitié n'en prisist, Raoul de C. 253. De Joseph lui souvint cui si altre noef frere Vendirent pur deniers et disrent à lur pere Que devorez estoit d'icele beste fere, Th. le mart. 65.

XIIIe s. Ensi dura li assaus mout durs et mout fiers jusques vers l'eure de none, en plus de cent lius, Villehardouin, CIII. Car moult [elle] doutoit la bise, qui ert [était] tranchans et fiere, Berte, X. Si te dirai fiere merveille, la Rose, 2448. Et si li demandai comment Ele avoit non, et qui ele iere ; El ne fu pas envers moi fiere, Ne de respondre desdaigneuse, ib. 580. Perte d'avoir est moult legiere ; Mais perte d'amis est trop fiere, Partonop. ms. f° 141, dans LACURNE.

XVe s. Et conquirent si fier et si grant avoir, que merveilles seroit à penser et à nombrer, Froissart, I, I, 267. Les faits d'amours ne sont point egaulx ; car souvent il y a du doulx et de l'amer ; tel cuyde avoir bonnes nouvelles, qui les a fieres et mal agreables, Perceforest, t. III, f° 135.

ÉTYMOLOGIE

Provenç. fer ; espagn. fiero ; portug. fero ; ital. fiero ; du lat. ferus, farouche.

SUPPLÉMENT AU DICTIONNAIRE

3. FIER, ÈRE.
6Ajoutez :

Il se dit aussi des artistes eux-mêmes, peintres ou sculpteurs. Si l'un [Raphaël] est dans son dessin d'une sagesse et d'une simplicité qui gagne le cœur, l'autre [Michel-Ange] est fier, et montre un fond de science où Raphaël lui-même n'a pas ou honte de puiser, P. J. Mariette, dans DUMESNIL, Hist. des amat. franç. I, 242. La Fage est un fier dessinateur, ib. I, 281.