« froid.2 », définition dans le dictionnaire Littré

froid

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

froid [2]

(froi, le d ne se lie pas dans la conversation ; au pluriel, l's se lie : des froi-z excessifs ; Vaugelas recommande de prononcer freid ; et Chifflet, Gramm. p. 201, dit que plusieurs prononcent ainsi) s. m.
  • 1Manque de chaleur, sensation que fait éprouver toute déperdition de calorique. Sentir du froid. Avoir froid aux mains. J'ai froid, faites du feu. Le froid de l'eau, de la glace, du marbre. Déjà jusqu'à mon cœur le venin parvenu Dans ce cœur expirant jette un froid inconnu, Racine, Phèdre, V, 7.

    Mettre un liquide hors le froid, faire qu'il ne soit plus froid sans être chaud.

    Prendre froid, avoir un refroidissement Ote-toi de cette fenêtre, tu prendras froid.

    Cette locution, reçue dans le langage usuel, a été condamnée par les puristes, qui ont dit qu'il fallait avoir froid. Mais avoir froid et prendre froid ne sont pas synonymes ; avoir froid, c'est éprouver la sensation du froid ; prendre froid, c'est se refroidir d'une manière nuisible à la santé.

    Souffler le chaud et le froid, souffler de manière que le souffle qui sort de la bouche est, à volonté, chaud ou froid ; quand on souffle doucement, la main près de la bouche, l'haleine paraît chaude à la main ; quand on souffle fort, la main s'éloignant, l'haleine paraît froide. Ne plaise aux dieux que je couche Avec vous sous même toit ! Arrière ceux dont la bouche Souffle le chaud et le froid ! La Fontaine, Fabl. v, 7.

    Fig. Souffler le froid et le chaud, approuver et blâmer, être tour à tour d'avis contraire.

    Familièrement. Cela ne fait ni froid ni chaud, cela ne sert ni ne nuit.

    Cela ne lui fait ni chaud ni froid, se dit d'une personne qui reste indifférente sur une affaire.

    Je n'ai jamais senti ni froid ni chaud pour vous, ni amour, ni haine.

    Populairement. Il n'a pas froid aux yeux, c'est un homme brave et résolu (c'est-à-dire il a les yeux ardents, pleins de feu, ce qui dénote le courage, la résolution).

    Faire froid, battre froid, voy. FROID 1, n° 9.

  • 2Dans l'ancienne physique, une des qualités élémentaires qui constituaient les choses. Plutôt on verra le froid et le chaud cesser de se faire la guerre, que les philosophes convenir entre eux de la vérité de leurs dogmes, Bossuet, 2e sermon, quinquagés. I.
  • 3 Particulièrement. Basse température. Le froid de l'hiver. Un froid cuisant, pénétrant, âpre. S'habituer au froid. La violence du froid produit l'effet du feu. …Un pauvre souffreteux Se plaint là-bas ; le froid est rigoureux, La Fontaine, Orais. Je vois peu de santés à l'épreuve du froid hors de saison que nous essuyons, Maintenon, 9 juin 1685. Quand vient l'astre des nuits ou le vent des hivers, Mon esprit comprimé se glace au froid des airs, Lemercier, Charles VI, IV, 4. Le jour s'avançait ; on s'épuisait en efforts inutiles ; la faim, le froid et les cosaques devenaient pressants, Ségur, Hist. de Nap. IX, 13.

    Tant de degrés de froid, se dit du nombre de degrés au-dessous de 0 dans le thermomètre. Ce fut au travers de vingt-six degrés de froid que nous atteignîmes, le 4 décembre, Bienitza, Ségur, Hist. de Nap. XI, 12.

    Familièrement. Un froid noir, le froid d'un temps sombre.

    Il fait froid, la température est froide.

    Il se dit aussi en ce sens au pluriel. Les froids de cette année. Les froids du printemps ont fait du mal à la vigne.

  • 4 Poétiquement. Ce qui est comparé au froid des hivers. Un cœur déjà glacé par le froid des années, Racine, Mithr. IV, 5. Malgré le froid des ans dans sa mâle vieillesse, Voltaire, Œdipe, IV, 1. Quel est sur moi le froid qui tombe ? C'est le froid du soir de mes jours, Béranger, Sciences. Ah ! l'homme en vain se rejette en arrière Lorsque son pied sent le froid du cercueil, Béranger, Treize à table.
  • 5Refroidissement du corps, par l'effet d'une cause corporelle ou morale. Elle a eu des froids et des faiblesses, Sévigné, 149. Un froid mortel a passé dans mon cœur, Voltaire, Enf. prod. IV, 3. Cette femme à ces mots d'un froid mortel saisie…, Voltaire, Orphel. II, 7. Dis-moi donc… Que voulais-je ? ah ! dans mon trouble extrême, Je veux… je crains… j'ai froid, Ducis, Abufar, IV, 5.
  • 6Air sérieux et sévère. Il est d'un froid glacial. À leurs noms, un grand froid, un front triste, un œil bas, M'ont fait voir aussitôt qu'ils ne lui plaisaient pas, Corneille, Othon, I, 3. Il traite mon neveu avec un froid inouï, Bossuet, Lett. quiét. 453. M. de Chaulnes raisonnait en ambassadeur, avec le froid et l'accablement d'un courage étouffé par la douleur, Saint-Simon, 36, 160. Le comte de Toulouse avec son froid lui répondit [à Beringhem] que M. de Torcy le lui apprendrait [ce qui avait été décidé], Saint-Simon, 426, 157.
  • 7Indifférence. Quoi ! l'amour, l'amitié, tout va d'un froid égal ! Corneille, Attila, V, 3. Et nous-même, comment en parlons-nous ? avec le même froid que si nous n'y prenions nul intérêt, Bourdaloue, Pensées, t. I, p. 35.
  • 8Mésintelligence, mécontentement. Il y a du froid entre eux. Eh bien ! monsieur, la façon dont nous sommes ensemble depuis six semaines, le froid que je vous marque…, Collé, Part. de chasse, I, 6.
  • 9Manque de chaleur et de vie dans les ouvrages d'esprit. Cela jette du froid sur cette scène. Si l'auteur ou l'acteur d'une tragédie ne le sait pas émouvoir [le spectateur] et le transporter de la passion qu'il veut exprimer, où tombe-t-il, si ce n'est dans le froid, dans l'ennuyeux, dans le ridicule ? Bossuet, Comédie, 4. Dangereux modèles, propres à faire tomber dans le froid, La Bruyère, I. Des chansons en quatre points Le froid nous désole, Béranger, Gaudriole.

    PROVERBE

    Dieu donne le froid selon l'habit, il mesure les épreuves des hommes à leurs forces.
    Dieu donne le froid selon la robe : de tous les maux que je pouvais avoir, j'ai eu précisément le moins périlleux, Sévigné, 15 mars 1676.

HISTORIQUE

XIe s. Et endurer et granz chauz et granz freiz, Ch. de Rol. LXXVII.

XIIIe s. Por ce que j'ai grant froit, en mon mantel [je] m'enclo, Berte, XXXII. Li oisel qui se sont teü, Tant cum il ont le froid eü, Et le tens divers et frarin, la Rose, 68. Et il me dit : Par m'ame, sire, je aurai plus chier que nous feussions touz naiez, que ce que une maladie vous preit de froit, dont vous eussiez la mort, Joinville, 283. Et sachiez, froit a à la fie Qui plus estent son pié que son mantel, Bibl. des chartes, 4e série, t. v, p. 317.

XVIe s. Uses donc hardiment de l'adjectif substantivé, comme le liquide des eaux, le vuyde de l'air… pourveu que telle maniere de parler adjouste quelque grace, et vehemence ; et non pas le chault du feu, le froid de la glace, le dur du fer, et leurs semblables, Du Bellay, J. I, 32, verso. Le mari, sachant que c'estcit de vivre, ne se montroit point avoir du froid aux pieds [être jaloux], Despériers, Contes, XVIII. Le corps est plus fort et mieulx composé, qui supporte mieulx les mutations de l'ardeur du chault et de la rigueur du froit, Amyot, Timol. et P. Aem. comp. 3. Perdre son habit un jour de froid, Génin, Récréat. t. II, p. 247.

ÉTYMOLOGIE

Besançon, freid ; Berry, fret, la fret, le froid ; norm. la fred ; environs de Paris, la frei ; provenç. freg, freit ; catal. fred ; espagn. et portug. frio ; ital. freddo ; du lat. frigidum (voy. FROID 1).

SUPPLÉMENT AU DICTIONNAIRE

2. FROID. - REM. La locution : cela ne lui fait ni chaud ni froid, se trouve dès le XIVe siècle : Sire, de vous ay eü maint Tel parler, dont petit me chaut ; Il ne me font ne froit ne chaut, Miracles de nostre Dame par personnages, Paris, 1876, p. 320. Voy. aussi la même locution dans le XVe siècle à l'historique de FROID 1.