« gage », définition dans le dictionnaire Littré

gage

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

gage

(ga-j') s. m.
  • 1Dépôt qu'on fait de quelque objet entre les mains d'autrui, pour sûreté d'une dette, d'un emprunt. Un gage suffisant. Prêter sur gages. Emprunter sur gage. Brancas me demanda hier de bonne foi si je ne voudrais pas prêter sur gages, et m'assura qu'il n'en parlerait point, Sévigné, 106. Il lui a fait mettre en gage ses perles, Sévigné, 400. L'ordonnance du roi Asychis ne permettait [chez les Égyptiens] d'emprunter qu'à condition d'engager le corps [momie] de son père à celui dont on empruntait ; c'était une impiété et une infamie tout ensemble de ne pas retirer un gage si précieux, Bossuet, Hist. III, 3. Je me mettrais en gage en mon besoin urgent. - Sur cette nippe-là vous auriez peu d'argent, Regnard, Joueur, II, 14. Elle est d'accord de tout, du temps, des arrérages ; Il ne faut maintenant que lui donner des gages, Regnard, ib. I, 6. Sanci, dans cette négociation, dépensa une partie de ses biens ; il mit en gage ses pierreries et, entre autres, ce fameux diamant, nommé le Sanci, qui est à présent à la couronne, Voltaire, Henriade, VIII, Variantes. Vingt fois pour vous [plaisirs] j'ai mis ma montre en gage, Béranger, Grenier.

    Terme de jurisprudence. Contrat de nantissement d'une chose mobilière, par opposition à antichrèse.

    Fig. Demeurer pour les gages ou pour gage, périr dans une circonstance où d'autres s'échappent.

    Demeurer pour gages, signifie encore simplement être arrêté dans quelque querelle, pendant que s'échappent les autres qui y avaient participé ; et aussi être pris d'une façon quelconque. Chacun peut sur un lit Se tenir toujours prêt sans quitter son habit ; Qui ne le sera point restera pour les gages, Th. Corneille, D. Bertr. de Cigarr. II, 4.

    Demeurer pour gage, se dit aussi d'une chose que l'on a perdue. La presse fut si grande qu'un pan de mon habit y est demeuré pour gage.

    Laisser pour les gages, pour gage, c'est-à-dire perdre. Échappé Non pas franc, car pour gage il y laissa sa queue, La Fontaine, Fabl. v, 5.

    Fig. Donner des gages à un parti, faire une démarche décisive, éclatante, pour être accepté dans un parti.

  • 2 Par extension, tout meuble ou immeuble qui assure le payement d'une dette. Il a affecté sa maison comme gage de sa dette. Les meubles du locataire sont le gage du propriétaire.
  • 3Dans les petits jeux ou jeux de société, objet qu'on dépose quand on s'est trompé, et qu'on ne peut retirer qu'après avoir subi une pénitence. Jouer au gage touché.
  • 4Ce que l'on consigne et met en main tierce, pour garantie d'une somme à payer, quand, dans une contestation entre deux ou plusieurs personnes, il est convenu que celle qui sera condamnée payera cette somme. Donner des gages. Rendre les gages.
  • 5Autrefois, gage de bataille, ou gage du combat, engagement de combattre manifesté par l'offre d'un gant pour gage, et contracté quand l'ennemi, en ramassant le gant, avait accepté le gage. Je jette devant toi le gage du combat ; L'oses-tu relever ? Voltaire, Tancr. III, 6. Le parlement décréta que le cas [duel de Legris et Carrouge] ne requérait pas gage de bataille, Voltaire, Mœurs, 100.
  • 6 Fig. Tout ce qui est assimilé à un gage comme garantie. D'une paix mal conçue on m'a faite le gage, Corneille, Rodog. III, 3. Ces lettres de ma foi vous seront de bons gages, Corneille, Sertor. V, 6. Vous en aviez déjà sa parole pour gage, Corneille, Hor. v, 2. Ces deux grâces me sont un gage de la présence de l'époux, Bossuet, Lett. Corn. 161. Ainsi la première victoire fut le gage de beaucoup d'autres, Bossuet, Louis de Bourbon. Elle reçut ce dernier gage de son amour, Fléchier, Dauph. Je réponds d'une paix jurée entre mes mains, Néron m'en a donné des gages trop certains, Racine, Brit. v, 3. De votre obéissance elle ne veut qu'un gage, Racine, Athal. III, 4. Vous avez de ses feux un gage solennel, Racine, Mithr. II, 1. Je vous le livre [Télémaque] comme le gage le plus précieux qu'on puisse vous donner de la fidélité des promesses d'Idoménée, Fénelon, Tél. X. Épée que Laërte lui avait donnée comme un gage de sa tendresse, Fénelon, ib. XVI. Prions ; le jour au jour ne donne point de gage, Et le dernier rayon, en sortant du nuage, Ne nous a pas juré de remonter demain, Lamartine, Harm. II, 6.
  • 7Gage de l'amour, enfant. …Et qu'il en [de cet hymen] eut pour gage une jeune princesse, Racine, Iphig. IV, 4. Ce fils que de sa flamme il me laissa pour gage, Racine, Andr. III, 8.
  • 8 S. m. pl. Ce qu'on paye aux domestiques par an pour leurs services, ainsi dit parce que c'est la somme payée par suite de l'engagement. On ne renvoie pas un domestique sans lui payer ses gages. S'il se casse quelque chose, je le rabattrai sur vos gages, Molière, l'Avare, III, 1. …S'il avait quelques deniers comptants, Ne me paierait-il pas mes gages de cinq ans ? Regnard, Joueur, III, 7. Je sers un maître sans bien ; ce qui suppose un valet sans gages, Lesage, Crisp. riv. de son maître, sc. 2.

    Être aux gages de quelqu'un, être payé pour faire l'office de domestique. Je ne suis pas à ses gages, Sévigné, 117. Il y en a bien d'autres que lui qui ont été aux gages des gens, et puis qui ont eu des gens à leurs gages, Marivaux, Pays. parv. 2e part.

    Cet homme ne vole pas ses gages, se dit d'un domestique qui fait bien son service ; et fig. de toute personne qui s'acquitte bien de ce qu'elle a à faire. Hom ! si vous le payez pour vous faire haïr, Il ne vous vole pas ses gages, Favart, Soliman II, I, 10.

    Dans un sens plus général, être aux gages de quelqu'un, être payé par lui pour certains offices. Il a, le croirait-on ? des comtes à ses gages, à qui, pour le servir selon ses intérêts, Il fournit équipage et carrosse et laquais, Hauteroche, Bourg. de qualité, v, 3. Vous supposiez qu'on ne pouvait être bon français sans être à vos gages, Fénelon, Dial. des morts mod. Richel. et Mazarin.

    On dit dans un sens analogue : tenir à ses gages. Les grands [de Rome], pour s'affermir achetant des suffrages, Tiennent pompeusement leurs maîtres [les gens qui votent] à leurs gages, Corneille, Cinna, II, 1. Un faquin orgueilleux qui vous tient à ses gages, Boileau, Sat. I.

    Familièrement. Casser aux gages, retirer à quelqu'un son emploi, ses appointements. Et que pour sa paresse il faut casser aux gages, Scarron, dans LE ROUX, Dict. comique.

    Il se dit aussi d'un supérieur qui retire sa confiance à un inférieur. Il a eu longtemps quelque crédit auprès du ministre ; mais il a été cassé aux gages. Enfin, pour l'inconnue, elle est cassée aux gages, Th. Corneille, Galant doubl. III, 1.

    À gages, qui reçoit des gages. Ce gouverneur n'est pas un homme à gages, Rousseau, Ém. I.

    En mauvaise part. À gages, qui est payé pour faire quelque service peu honorable. Des applaudisseurs à gages. La Cleveland [maîtresse de Charles II], dont il ne se souciait plus, ne laissait pas de le déshonorer par des inconstances réitérées, par des choix indignes, et le ruinait par des amants à gages, Hamilton, Gramm. 11.

    La Fontaine a dit à gage au singulier. Notre souffleur à gage Se gorge de vapeur, s'enfle comme un ballon, Fabl. VI, 3.

  • 9Gages se dit quelquefois du salaire d'un capitaine de navire, d'un matelot.
  • 10Gages se disait autrefois du payement que le roi ordonnait par an aux officiers de sa maison, aux officiers de justice et de finance.

SYNONYME

GAGES, APPOINTEMENTS, HONORAIRES. Appointements se dit pour tout ce qui est place, ou qu'on regarde comme tel. Honoraires a lieu pour les maîtres qui enseignent quelque science, et pour ceux à qui on a recours dans l'occasion à l'effet d'obtenir un conseil salutaire, ou quelque autre service que leur doctrine ou leur fonction met à portée de rendre. Gages est d'usage à l'égard des domestiques de particuliers et des gens qui se louent pendant quelque temps au service d'autres personnes, Encycl. VIII, 291. Traitement peut être ajouté à ces trois mots examinés par l'Encyclopédie ; il est synonyme d'appointements et diffère par conséquent de gages et d'honoraires. Il y a en outre une différence qui n'est pas notée, c'est que les appointements, le traitement, les gages sont quelque chose de fixe, tandis que les honoraires s'entendent mieux de ce qui est occasionnel : un prêtre assistant à un service, un médecin, un avocat ont des honoraires ; le prêtre qui dessert une église, le médecin qui est attaché à un hôpital ont un traitement.

HISTORIQUE

XIe s. Il durra [donnera] wage, e truverad plege, Lois de Guill. 6. Devant iceo que [avant que] [le bétail] seit mis en guage, ib. 25.

XIIe s. Donner son gage, Ronc. p. 13. La teste [il] i pert, n'i laissa autre gage, ib. p. 64. Pur ço [cela] s'ala à Turs cele nuit herbergier, E saveir se li reis le voldreit là baisier ; Mais il ne porta là ne maille ne denier ; Ses guages li covint rachater ou laissier ; Ne li reis nel baisa, n'il nes fist desguaigier, Th. le mart. 117.

XIIIe s. Par la beneoite mere Dieu, j'ai biaus enfans de mon seigneur, je les meterai en gage et bien trouverai qui me prestera sour aus [eux], Chron. de Rains, 158. Mais la qeue remest en gages, Dont moult li poise et moult li grieve, Ren. 1250. Cil qui apele par gages de bataille ne pot contremander, Beaumanoir, LXIX. La tierce maniere de proeve si est par gage de bataille, Beaumanoir, XXXIX, 4. Et cil qui presta sor le gage ne pot avoir son garant de celi qui li bailla en gages, Beaumanoir, XXV, 23. Je dis au roy que Mons. Pierre de Courcenay me devoit quatre cens livres de mes gajes, lesquiex il ne me vouloit paier, Joinville, 253. Mestiers fu à l'umain lignaige, Que plus fort de li mist en gaige Souffisant pour li acquiter Vers Dieu qui l'ot fait à s'ymaige, J. de Meung, Tr. 278.

XIVe s. Se un rent à l'autre son gage ou son depost, non pas de volenté, mais par paour, l'en ne doit pas dire que il face juste operacion fors tant solement par accident, Oresme, Eth. 158. Mais il sont pluseurs gens, en che [ce] siecle regnant, Qui ne croient en Dieu, le pere royaumant, Se che n'est sus bon gaige qu'avoir voelent devant, Baud. de Seb. v, 86.

XVe s. [Le capitaine apprend à sa garnison que le château est miné] Les compagnons ne furent mie bien assurés de ces paroles ; car nul ne meurt volontiers, puisqu'il peut finer sur autres gages [quand il peut sortir d'embarras autrement], Froissart, I, I, 326. Ainsi amour me mist en son servaige, Mais pour seurté retint mon cueur en gaige, Orléans, 1. [Maison] Où serviteurs ot en grant habondance Qui gaiges ont excessis sans raison, Deschamps, Admin. de l'ostel du prince. En ladicte bataille estoient mors huyt mil hommes du party dudit duc prenans gages de luy, et autres menues gens assez, Commines, V, 3. Je veiz le bonhomme vieil presenter le gage à son filz [le duc de Gueldres et son fils comparaissaient devant le duc de Bourgogne pour un différend qu'ils avaient entre eux], Commines, IV, 1. Voulezvous faire un gage [pari] à moi ? Oui, vraiment, dit-il ; quel sera-t-il ? Louis XI, Nouv. XXVII. Pensez que le pauvre gentilhomme rendoit bien gage [payait cher] du bon temps qu'il avoit eu en ce jour, Louis XI, ib. LXXII. Lesdits capitaines… casseront des gages d'un quartier ceulz qu'ilz trouveront avoir excedé et delinqué ; et s'ilz y renchéent une autre fois, ilz les casseront du tout et mectront d'autres en leurs lieux, Ordonn. 6 oct. 1486.

XVIe s. Il y a deux sortes de gages vif et mort. Vif gage est qui s'acquitte des issues [dont le revenu vient en déduction de la dette], mort-gage, qui de rien ne s'acquitte [dont le revenu est absorbé en pure perte pour le débiteur], Loysel, 483, 484. Telle estoit la coustume que celui qui appelloit jettoit un gant pour gage, et l'appellé le levoit, et s'appeloit gage de bataille, Brantôme, Sur les duels, p. 17, dans LACURNE. Alors du dit combat, l'armée venitienne estoit en bataille… lesquels Venitiens gardoient les gages [demeuraient simples spectateurs du combat] ; car, s'ils eussent voulu assaillir de leurs costés, les ennemis eussent esté contraints de separer leurs forces en divers lieux, Du Bellay, M. Mém. liv. II, f° 41, dans LACURNE. De gage qui mange, nul ne s'en arrange, Leroux de Lincy, Prov. t. II, p. 131. Gager est s'obliger à payer les rentes et redevances dues pour l'année suivante ; si le vassal n'est pas resseant sur le fief, à raison duquel il les doit, il doit donner plege qui y demeure et qui s'oblige de les payer ; de ces deux mots, gage et plege, on a composé celuy de gage-plege, Laurière, Gloss. du droit fr. L'un l'avoit nourri et avoit pour gages de son amitié la nourriture de son enfance, La Boétie, Servitude volontaire.

ÉTYMOLOGIE

Wallon, voig ; prov. gatge, gatghe, gaje ; espagn. gage ; ital. gaggio ; du bas-latin vadium, wadium, dans les lois barbares. Il y a deux étymologies aussi probables l'une que l'autre : la première latine, vas, vadis, répondant, garant ; bien que le g ou gu réponde ordinairement au w germanique, l'objection n'est pas absolue, car vagina, entre autres, a donné gaîne ; la seconde germanique : goth vadi ; anc. haut-allem. wetti ; frison, ved, gage, caution, promesse. Il est probable que les deux étymologies ont concouru pour former le mot roman.