« garçon », définition dans le dictionnaire Littré

garçon

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

garçon

(gar-son) s. m.
  • 1Enfant mâle. Cette femme est accouchée d'un garçon. Il n'y a point de princesse de Cachemire ; son père n'a jamais eu que deux garçons qui sont actuellement au collége, Voltaire, Blanc et noir. Si l'on s'en rapporte sur cela au travail de M. l'abbé d'Expilly, il se trouve un treizième plus de garçons que de filles, et je ne serais pas éloigné de croire que ce résultat est assez juste, Buffon, Probab. de la vie.

    Familièrement. Il se dit pour fils. Mon garçon est au collége. Par malheur, c'est le plus brave qui y trouve le plus de dangers… et mon garçon est si hardi, si entreprenant ! Genlis, Théât. d'éduc. Tendr. matern. sc. 7.

  • 2 Familièrement. Un jeune homme, un homme. Ce garçon-là finira mal. Bon jour, mon garçon, dit-elle, quand je l'abordai ; hé bien, comment te trouves-tu à Paris ? Marivaux, Paysan parvenu, 1re part. C'est un garçon fort doux et de bonnes mœurs, Marivaux, Marianne, 7e part. Si vous saviez combien j'aime ce garçon-là, Piron, Métrom. v, 5. Je ne sais si la Borde est assez heureux pour être connu de vous ; c'est un bon garçon, complaisant et aimable, et dont le caractère mérite qu'on s'intéresse à lui, Voltaire, Lett. d'Argental, 10 août 1769. Elle aura le temps de faire donner, par le clergé qu'elle gouverne, un bon bénéfice à ce grand garçon de Varicourt, qui est un des plus beaux prêtres du royaume et un des plus pauvres, Voltaire, Lett. Mme de St-Julien, 20 déc. 1775.

    Un beau garçon, un enfant, un jeune homme de belle tournure et figure. On m'avait bien dit qu'il était beau garçon, et on avait raison, Marivaux, Pays. parv. 4e part. Joli garçon se dit dans le même sens.

    Ironiquement. Joli garçon, beau garçon, homme qui s'est mis dans un embarras quelconque, qui a fait quelque faute. Vous êtes de jolis garçons dans vos choix, Hamilton, Gramm. 11.

    On le dit aussi d'un homme qui s'est enivré. Il était bien beau garçon, joli garçon.

    Se faire beau garçon, manger son bien en débauches, et aussi s'embarrasser en de méchantes affaires.

    Bon garçon, homme serviable et facile à vivre. Il est bon garçon au dernier point, Sévigné, 316.

    Brave garçon, celui qui a fait une chose dont on est satisfait. Vous êtes un brave garçon d'être venu.

    Déjeuner, dîner de garçons, déjeuner, dîner où il n'y a que des hommes.

    Les garçons de la noce, les jeunes gens chargés de faire les honneurs de la noce. L'homme du monde qui a le moins l'air d'un garçon de la noce, c'est moi, Voltaire, Lett. marquis de Florian, 3 août 1770.

    Garçons d'honneur, les deux jeunes gens qui, dans la cérémonie du mariage, tiennent le poêle sur la tête des mariés. Ce sont ordinairement les plus proches jeunes parents du marié et de la mariée.

    Familièrement. Mauvais garçon, méchant garçon, homme déterminé, brave, querelleur. Faire le mauvais garçon. Enfonce ton bonnet en méchant garçon, Molière, Scapin, I, 7. Autrement il viendra quelque méchant garçon Qui vous étrillera de la bonne façon, Th. Corneille, l'Amour à la mode, III, 9. Je me considérai avec cette épée à la main, et avec mon chapeau enfoncé en mauvais garçon, Marivaux, Pays. parv. 5e part.

    Être petit garçon, bien petit garçon auprès de quelqu'un, lui être fort inférieur. Cela humilierait les plus forts esprits, et Aristote ne paraîtrait plus qu'un petit garçon, Marivaux, Marianne, 1re part.

    Traiter quelqu'un en petit garçon, le traiter comme si on avait une grande supériorité sur lui. Mme de Bullion, aussi avare que riche et glorieuse, traitait son mari comme un petit garçon, Saint-Simon, 55, 175. M. le duc l'avait traité [le prince de Conti] un peu trop en petit garçon à sa première campagne, Saint-Simon, 220, 215.

  • 3Celui qui demeure dans le célibat, qui ne se marie pas. Il est encore garçon. …Je suis garçon ; le ciel m'a fait la grâce, De même qu'au phénix, d'être seul de ma race, Boursault, Ésope à la cour, IV, 5.

    Faire vie de garçon, mener une vie indépendante, s'affranchir de tout devoir, de toute réserve.

    Logement, appartement de garçon, logement, appartement qui ne convient qu'à un homme seul et non marié.

    Un mari garçon, un homme marié qui vit en garçon.

  • 4Ouvrier qui travaille pour le compte d'un maître. Il a plusieurs garçons. Garçon tailleur. Mon gentilhomme, donnez, s'il vous plaît, aux garçons quelque chose pour boire, Molière, Bourg. gent. II, 9. Suivant de Démocrite et garçon philosophe, Regnard, Démocrite, II, 7. Il est plaisant qu'un garçon horloger [J. J. Rousseau], avec un décret de prise de corps, soit à Paris, et que je n'y sois pas, Voltaire, Lett. Richelieu, 11 juillet 1770.
  • 5Il s'est dit pour domestique. Il n'est pas jusqu'au fat qui lui sert de garçon Qui ne se mêle aussi de nous faire leçon, Molière, Tart. I, 2. Les balles passèrent sur la tête [de moi], mais fort près à nos deux garçons qui se promenaient derrière la tente, Saint-Simon, 2, 39.

    Terme de marine. Domestique du patron d'une barque de commerce.

  • 6Nom donné en général à ceux qui servent les acheteurs chez certains marchands ; aux domestiques de collége, de restaurant, de café ; aux employés subalternes dans certains établissements, dans certaines administrations. Un garçon de café. Garçon de bain. Garçon épicier. Les garçons d'un collége, d'un hôtel. Garçon limonadier. Donner quelque chose aux garçons. N'oubliez pas le garçon. Un garçon de bureau. Un garçon de caisse. Garçon de théâtre. Il n'y a plus que des garçons de boutique à la comédie, Sévigné, 145. Laissez-moi vous donner un garçon qui me rapportera l'argent, Brueys, Avoc. Pat. I, 6. Duverney ayant été garçon cabaretier dans son enfance, Voltaire, Louis XV, 3.

    Garçons de pelle, manœuvres qui, avec de grandes pelles de bois ferrées, remplissent les mesures dont on se sert pour le charbon.

    Terme de pêche. Garçon de bord, jeune homme qui se loue pour aider à la pêche. Garçon de cour, ouvrier préposé aux salaisons des harengs.

  • 7 Anciennement. Garçons de la chambre, garçons de la garde-robe, petits officiers qui étaient dans la chambre du roi pour recevoir ses ordres.

    Garçon-major, officier qui faisait le détail du régiment sous le major et l'aide-major.

    PROVERBE

    Vieux garçons, vieux coquins, c'est-à-dire il arrive souvent que les gens qui passent leur vie dans le célibat ont de mauvaises mœurs.

HISTORIQUE

XIe s. Ne n'i adeist escuyer ne garçun, Ch. de Rol. CLXXIV.

XIIe s. Tuit le regardent et serjant et garzon, Ronc. p. 183. À la cort le manda l'hostes par un garçon, Sax. XXII. Li malveis… quidierent [crurent] le rei servir à gré, E garçuns et putains unt saint Thomas hué, Th. le mart. 46. Li arcevesques est encontre lui levez ; Cum s'il fust uns garçuns, li est al piez alez, ib. 34. Voir, dist Berniers, or oi [j'entends] parler bricon ; Del manecier te taign-je por garçon, Raoul de C. 156. E li garz cuillid [ramassa] les sajetes, portad les à son seignur, Rois, p. 82.

XIIIe s. Fol est et gars qui à dame se done, Quesnes, Romanc. p. 86. Il n'avoit pris de nule part Nului fors solement Lietard Et un gars qui avec lui fu Qui les buez [bœufs] chaçoit de vertu, Ren. 15465. Ices [ces] deus ars tint DousRegars, Qui ne sembloit mie estre gars, Avec dix des floiches son mestre, la Rose, 924. Fi ! or ai je trop vescu, quant li garchons de France, fius [fils] au mauvais roi, m'est venu courre sus, Chr. de Rains, p. 16. Ne furent pas ce jour garcon [lâches], Car vuidier firent maint arçon, Roman d'Athis, dans DU CANGE, garcio. Et dont s'en veit à tel eure parmi tel ville come Paris est, toute seule entre li et son garçon ou sa garce … parmi rues foraines, dessi à son ostel, Liv. des mét. 204. Quant Renart cil rous, cil puanz, Cil viz lechierres, cil garçons, Ren. 503.

XIVe s. Et avec ce lui dist plusieurs injures et villenies, en l'appellant garçon, Du Cange, garcio.

XVe s. …Il ne peut estre que en un tel ost que le roi d'Angleterre menoit, qu'il n'y ait des vilains garçons et des malfaiteurs assez, Froissart, I, I, 272. Et firent demeurer tous les garçons en leurs logis pour garder les chevaux, Froissart, I, I, 3. Ainçois en souffrirons nous telle mesaise que oncques gens n'endurerent ne souffrirent la pareille, que nous consentissions que le plus petit garçon ou varlet de la ville eust autre mal que le plus grand de nous, Froissart, I, I, 320. Si tira l'espée, et embrassa l'escu, et s'appareilla de monstrer la graigneur proesse qu'il onques pourra ; car il sçavoit bien que celluy à qui il a jousté n'est pas garçon, Lancelot du lac, t. III, f° 59, dans LACURNE. Dieu garde des chevaliers qui vont à pied parmi les forests estranges, comme garçons trottereaulx, ib. f° 14.

XVIe s. J'ay un bon garcon de tailleur à qui…, Montaigne, I, 37. L'une travestie en garson, coiffée d'un morion luisant, Montaigne, I, 177. Lefit de Montauban, qui estoit katholique, descouvrit l'affaire et y fit tuer plusieurs mauvais garçons [braves soldats], D'Aubigné, Hist. II, 62. Mais Besmes, aiant crié : tu sçais que je suis mauvais garçon, tire son coup de pistolet, D'Aubigné, ib. II, 169.

ÉTYMOLOGIE

Picard, guerchon ; franc-comtois, gaichon ; bourg. gaçon ; prov. gart, guart, garsi, garso, gasso, guarzon ; catal. garsó ; esp. garzon ; ital. garzone ; bas-lat. garcio. Mot très difficile. On remarquera d'abord qu'en vieux français le nominatif est gars, et le régime garçon ; au pluriel, le nominatif est li garçon, et le régime les garçons ; de même en provençal le nominatif est gart, et le régime garson. Il faut donc que ce mot vienne d'un bas-latin garcio, où l'accent se déplace par l'effet de la déclinaison : gércio, garciónem. Diez en a donné une étymologie fort ingénieuse : il a remarqué que dans le patois milanais garzon signifie à la fois garçon et une espèce de chardon ; il en a conclu que c'était le même mot, et qu'il répondait à un dérivé du latin carduus, chardon. Pour la forme du mot, il rapproche l'italien guarzuolo, cœur de chou, milanais garzoeu, bouton, qui, tenant à carduus, témoignent du changement de c en g. Pour le sens, il suppose qu'un jeune garçon a été dit, par métaphore, un bouton, un cœur de chou, quelque chose de non développé. Cette dérivation ne porte pas dans l'esprit une conviction complète, vu que les intermédiaires manquent pour montrer le passage du sens de cœur de plante à celui de jeune garçon. Aussi, dans l'état de la question, ne peut-on abandonner absolument la dérivation celtique : bas-bret. gwerc'h, jeune fille ; le gu se trouve dans quelques formes provençales et dans le picard. Mais cela aussi est incertain ; et l'étymologie reste en suspens. Garçon n'a pas plus que garce, par soi, un mauvais sens ; pourtant il y eut un temps dans le moyen âge où il prit une acception très défavorable, et devint une grosse injure, signifiant coquin, lâche. Aujourd'hui il ne s'y attache plus rien de pareil, et c'est garce qui seul est tombé très bas.