« gueule », définition dans le dictionnaire Littré

gueule

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

gueule

(gheu-l') s. f.
  • 1La bouche, dans la plupart des quadrupèdes carnassiers et des poissons. La gueule d'un brochet. Ô le fâcheux objet, sitôt qu'on n'entend rien, De voir ouvrir ainsi tant de gueules de chien ! Scarron, D. Japhet d'Arm. III, 4. J'ai été délivré de la gueule du lion, Sacy, Bible, St Paul, Épît. à Timoth. IV, 17. Dans la gueule en travers on lui passe [à la tortue] un bâton, La Fontaine, Fabl. X, 3. [Il] Se roule et leur présente une gueule enflammée Qui les couvre de feu, de sang et de fumée, Racine, Phèd. V, 6.

    En un tour de gueule, se dit d'un animal qui mange quelque chose avec promptitude et voracité.

    Terme de chasse. On dit qu'un chien chasse de gueule, pour dire qu'il aboie sur ses voies ; et qu'il a fait sa gueule, lorsque, après avoir été bien nourri de lait, il prend de la vigueur au bout de cinq mois.

    Sa gueule est faite, se dit du porc, quand toutes ses dents sont venues.

    Fig. La gueule du loup, voy. LOUP.

    Terme de tératologie. Gueule de loup, scissure congénitale de la voûte palatine et de la lèvre supérieure.

    Gueule pavée, nom donné par les habitants de l'île Maurice à deux poissons, l'un une daurade, l'autre qui paraît être un sciénoïde.

    Poétiquement. Gueule de certains êtres mythologiques ou monstrueux. Lorsqu'il entend de loin, d'une gueule infernale, La chicane en fureur mugir dans la grand'salle, Boileau, Sat. VIII.

  • 2Populairement et par mépris. La bouche, en parlant des personnes. Il a la gueule fendue jusqu'aux oreilles.

    Fig. Quelle gueule il a ! c'est-à-dire comme il bavarde, comme il crie ! Garder toujours un homme, et l'entendre crier ? Quelle gueule ! pour moi, je crois qu'il est sorcier, Racine, Plaid. I, 2.

    Donner sur la gueule à quelqu'un, lui paumer la gueule, c'est-à-dire lui donner un coup sur la face. Je ne me soucie guère de lui… J'ai bien pensé lui donner sur la gueule, Hauteroche, Crispin médecin, I, 8. J'ai la volonté de vous paumer la gueule, monsieur de Lépine, Dancourt, le Mari retrouvé, sc. 10.

    Fig. Donner à quelqu'un sur la gueule, le faire taire.

    Bassement. Il en a menti par la gueule ou par sa gueule.

    Fort en gueule, bavard et insolent. Vous êtes, ma mie, une fille suivante Un peu trop forte en gueule et fort impertinente, Molière, Tart. I, 1.

    Gueule ferrée, homme qui a l'injure à la bouche, qui a de l'impudence. Il eût fallu y trouver [dans le parlement] des gueules bien fortes et bien ferrées pour vouloir opiner haut contre les formes, en face du roi, Saint-Simon, 512, 18.

    Il a toujours la gueule ouverte, se dit d'un homme qui crie beaucoup.

    Avoir la gueule morte, ne rien dire, être triste, et être réduit au silence.

    Il n'a que la gueule, que de la gueule, il ne sait, ni ne peut que crier, c'est un hâbleur.

    Fig. et bassement. La gueule du juge en pétera, il faut que la gueule du juge en pète, se dit quand on ne veut entendre à aucun accommodement sur une affaire, et qu'on exige qu'elle soit jugée.

    Venir la gueule enfarinée, venir inconsidérément et avec une sorte de confiance. Cette gueule enfarinée [une confiance trop grande en une nouvelle], qui m'a obligée de vous dire de si bon cœur une fausseté, ne m'empêchera pas de vous en mander peut-être encore, car je suis toujours la dupe des circonstances, et cette nouvelle en était toute pleine, Sévigné, Lett. du 1er mai 1686.

  • 3 Fig. Gueule, en tant qu'elle sert à manger. Les chiens du lieu, n'ayant en tête Qu'un intérêt de gueule, à cris, à coups de dents Vous accompagnent ces passants [les chiens étrangers], La Fontaine, Fab. X, 15. Surtout certain hâbleur à la gueule affamée, Boileau, Sat. III.

    Avoir la gueule pavée, manger très chaud, ou des choses très épicées.

    On dit aussi en ce sens : avoir la gueule ferrée.

    Ce ménage a la gueule bien grande, il faut beaucoup d'argent pour l'entretenir.

    Gueule fraîche, grand mangeur, parasite.

    Venir la gueule fraîche, venir avec un bon appétit. S'en reviennent la gueule fraîche, Afin d'en faire la dépêche, Scarron, Virg. dans LE ROUX, Dict. comique.

    Gueule fine, se dit d'une personne qui se connaît en bons morceaux.

    Des mots de gueule, des mots trop libres, paroles déshonnêtes, qui se disent parfois dans les repas abondants et joyeux. Il ne faut pas s'enquérir comment il fut morfé [mangé goulûment], ni combien on dit de bons mots de gueule, Francion, V, p. 191. Une farce garnie de mots de gueule, Prologue de Brusquambille, Hist. du théât. fr. 1745, t. IV, p. 144.

    Une gueule béante, une gueule ouverte, et qui demande de quoi manger, dévorer. De Mesmes, bien éveillé, bien averti, avait tourné vers cette première charge de la robe [chancelier] une gueule béante, Saint-Simon, 358, 229.

  • 4 Par analogie, ouverture. La gueule d'un four. La gueule de la fournaise. La gueule d'une cruche. Là c'est l'artillerie aux cent gueules de fonte, Hugo, Voix, 4.

    Futaille à gueule bée, futaille défoncée par un bout.

    Gueule bée, se dit, dans quelques provinces, d'un tonneau défoncé par un bout, dans lequel on jette le raisin quand on fait les vendanges.

    Terme d'hydraulique. Gueule bée, décharge d'un bassin supérieur qui fournit une nappe à un réservoir. Une usine marche à gueule bée quand la vanne motrice est levée de toute sa hauteur hors de l'eau ; c'est l'opposé de marcher à vanne trempante.

  • 5 Terme de botanique. Fleur en gueule, corolle gamopétale divisée en deux lèvres, la supérieure ordinairement bifide, l'inférieure le plus souvent trilobée, et présentant une forme comparée à une gueule.

    Gueule de loup, un des noms vulgaires donnés au muflier à grandes fleurs, dit aussi muflier des jardins et mufle de veau (antirrhinum majus, L.).

    Gueule noire, fruit de l'airelle myrtile qui noircit les lèvres quand on le mange.

  • 6 Terme d'architecture. Partie de la cymaise, dite aussi doucine.

    Gueule de loup, entaille angulaire faite dans l'extrémité d'une pièce de bois, pour qu'elle puisse embrasser l'angle de deux faces adjacentes d'une autre pièce.

    Gueule de loup, coude de tuyau sur le haut d'une cheminée, tournant sur un pivot, de manière que la fumée sort dans la même direction que le vent.

  • 7 Terme de marine. Pont sur gueule, le pont supérieur.

    Gueule de loup, gueule de raie, sortes de nœuds.

  • 8Gueule de four, mésange à longue queue, dans la Sologne.

    PROVERBE

    La gueule [la gourmandise] tue plus de gens que l'épée.

HISTORIQUE

XIIe s. Pinabel ont saisi, qui gist goule baée, Ronc. p. 196.

XIIIe s. Sire, dist li escuiers, pendez moi par la geule, se ce n'est voirs [vrai], Chr. de Rains, p. 172. Mais Male-Bouche trop forfait Par s'orde vil langue despute, Qui ne puet, dès que il l'a dite, De sa goule mal renomée Restorer bonne renomée, la Rose, 7411. Ou que dedens sa goule trible Tout vif me transgloutisse et trible, Cerberus li portiers d'enfer, ib. 21367. Fame doit rire à bouche close, Car ce n'est mie bele chose Quant el rit à geule estendue, Trop semble estre large et fendue, ib. 13565. S'il estoit aperte coze que mes cevaus [mon cheval] m'emportast par dure gole, ou par desroi, je me porroie escuser du meffet, Beaumanoir, LXIX.

XIVe s. Ceux qui ont la plus clere gueule Chantent la tresble sans demeure, Gace de la Buigne, Hist. litt. de la Fr. t. XXIV, p. 751.

XVe s. Lierres [voleur], par la vierge honourée, Vo gueule sera estranglée, Je vous livrerai au frapart [bourreau], Deschamps, Poésies mss. f° 236. Et bien vray le commun dict des maistres, que la gueulle tue plus de gens que les cousteaulx ne font, Jeh. de Saintré, ch. 8. [Les François] churent à la gueule de leurs ennemis, si comme est le fer sur l'enclume, Bouciq. I, 24.

XVIe s. Ils plaisantent en se moquant de Dieu, mesmes ils font gloire de brocarder et dire mots de gueule pour abaisser sa vertu, Calvin, Instit. 12. Estant toute la place environnée de fossés de 60 pieds de gueule, profonds de demie pique d'eau, D'Aubigné, Hist. III, 112. Munitions de guerre et de gueule, D'Aubigné, ib. III, 130. C'estoit un vrai diable qui s'en vint trouver proye, la goule enfarinée, Beroalde de Verv. Moy. de parvenir, dans JAUBERT, Lexique. Il [un maître d'hôtel] m'a faict un discours de cette science de gueule [l'art de manger] avecques une gravité et contenance magistrale…, Montaigne, I, 381.

ÉTYMOLOGIE

Berry et norm. goule ; provenç. gola, guola, goulla ; espagn. portug. et ital. gola ; du lat. gula ; zend, gara, gosier ; sanscrit, gala, cou.

SUPPLÉMENT AU DICTIONNAIRE

GUEULE. Ajoutez :
9 On dit la gueule et non la bouche du cerf, Yauville, Sur la vénerie du cerf, 1788.