« habile », définition dans le dictionnaire Littré

habile

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

habile

(a-bi-l') adj.
  • 1Dispos, apte à agir, expéditif (ce qui est le sens propre). Ce copiste est habile, il aura bientôt fini. Mais demain, du matin, il vous faut être habile à vider de céans jusqu'au moindre ustensile, Molière, Tart. V, 4.

    Adverbialement. Habile, habile ! dépêchez-vous.

  • 2 Par extension, en termes de jurisprudence, qui a la capacité, le droit de faire une chose. Être habile à succéder.

    Fig. et familièrement. Être habile à succéder, être vif et alerte pour ses intérêts.

    Habile à se porter héritier, se dit de l'héritier présomptif.

  • 3 Fig. Qui sait faire, capable d'appliquer ce qu'il sait. Être habile à profiter de ses avantages. Esdras vint de Babylone : il était docteur et fort habile dans la loi de Moïse, que le Seigneur Dieu avait donnée à Israël, Sacy, Bible, Esdras, I, VII, 6. Tu prétends être fort habile ; En sais-tu tant que moi ? j'ai cent ruses au sac, La Fontaine, Fabl. IX, 14. Nous nous croyons bientôt les plus habiles, quand nous sommes les plus heureux, Bossuet, Reine d'Anglet. Il tenait pour maxime qu'un habile capitaine peut bien être vaincu, mais qu'il ne lui est pas permis d'être surpris, Bossuet, Louis de Bourbon. Du plus habile chantre un bouc était le prix, Boileau, Art. p. III. Je crois que le plus habile homme doit se rendre le maître et puis gouverner sagement, Fénelon, Dial. des morts anc. dial. 41. Il était habile pour assaisonner une louange délicate qui fût bien reçue des hommes les plus modestes, Fénelon, Tél. XVI. L'honnête homme (au sens du XVIIe siècle ; voy. HONNÊTE) tient le milieu entre l'habile homme et l'homme de bien, quoique dans une distance inégale de ces deux extrêmes ; la distance qu'il y a de l'honnête homme à l'habile homme s'affaiblit de jour à autre et est sur le point de disparaître ; l'habile homme est celui qui cache ses passions, qui entend ses intérêts, qui y sacrifie beaucoup de choses, qui a su acquérir du bien ou en conserver, La Bruyère, XII. L'habile homme est celui qui fait un grand usage de ce qu'il sait ; le capable peut, et l'habile exécute, Voltaire, Dict. phil. Habile. Un homme peut avoir lu tout ce qu'on a écrit sur la guerre ou même l'avoir vue, sans être habile à la faire, Voltaire, ib. On ne dit pas un habile poëte, un habile orateur ; et, si on le dit quelquefois d'un orateur, c'est lorsqu'il s'est tiré avec habileté, avec dextérité, d'un sujet épineux, Voltaire, ib. Un habile homme dans les affaires est instruit, prudent et actif ; si l'un de ces trois mérites lui manque, il n'est point habile, Voltaire, ib. Habile courtisan emporte un peu plus de blâme que de louange ; il veut dire trop souvent habile flatteur ; il peut aussi ne signifier qu'un homme adroit qui n'est ni bas ni méchant, Voltaire, ib.

    Dans un sens péjoratif, il se dit de celui qui a quelque industrie mauvaise, quelque habileté fâcheuse. Un habile fripon. Car tu ne seras pas de ces jaloux affreux, Habiles à se rendre inquiets, malheureux, Boileau, Sat. X. Habile seulement à noircir les vertus, Rousseau J.-B. Ode contre les hypocrites.

    Mal habile, voy. MALHABILE, orthographe que l'on préfère aujourd'hui.

  • 4En parlant des actions. Où il y a de l'habileté, qui témoigne de l'habileté. Cette démarche est habile. Et puisque, pour notre malheur, ce qu'il y a de plus fatal à la vie humaine, c'est-à-dire l'art militaire, est en même temps ce qu'elle a de plus ingénieux, de plus habile…, Bossuet, Louis de Bourbon.
  • 5 S. m. Celui qui est habile. Il faut que les habiles soumettent leur esprit à la lettre, Pascal, dans COUSIN. Il y a des artisans ou des habiles, dont l'esprit est aussi vaste que l'art et la science qu'ils professent, La Bruyère, I. Vous entendez par art et par éloquence ce que tous les habiles d'entre les anciens ont entendu, Fénelon, t. XXI, p. 86.

    Demi-habile, celui qui n'est habile qu'à moitié. Le peuple honore les personnes de grande naissance ; les demi-habiles les méprisent, disant que la naissance n'est pas un avantage de la personne, mais du hasard, Pascal, Pensées div. 130, édit. FAUGÈRE.

    Les habiles, se dit quelquefois, dans un sens péjoratif, de ceux qui ont pour habileté l'intrigue. Les habiles en littérature sont ceux qui, comme les Jésuites de Pascal, ne lisent point, écrivent peu et intriguent beaucoup, Courier, Lett. à M. Renouard.

HISTORIQUE

XIVe s. Li religieus seroient tenut de laissier trente piés de let [large], hables et souffisans pour charier au lés devers nos bos de Crespy, Du Cange, habilius. De tous les langaiges du monde, latin est le plus abille pour mieux exprimer et plus noblement son intention, Oresme, Prol.

XVe s. Bien quatre cent [compagnons] tous habiles et legers, Froissart, I, I, 135. Et y eut un Anglois qui cuida faire l'habile et passa par dessus la barriere et entra au champ, Juvénal Des Ursins, Charles VI, 1419.

XVIe s. Je qui souloye estre habile, Suis debile, Cassé de corps, pieds et mains, Marot, IV, 282. Tant la faveur qui les fautes efface, Fait que le sot pour habile homme passe ! Ronsard, 651.

ÉTYMOLOGIE

Bourg. haubile, haibile ; wallon, abèie, habile, alerte ; namur. abie ; provenç. habil, abilh ; esp. habil ; ital. abile ; du latin habilis, de habere, avoir ; le sens propre de habilis est souple, dispos ; de là les sens figurés. La formation régulière est hable (qui a donné able à l'anglais), de hábilis, avec l'accent sur ha ; habile, où il n'est plus tenu compte de l'accent, est calqué sur le latin.