« il », définition dans le dictionnaire Littré

il

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

il, au singulier, ils, au pluriel [1]

(il, au pluriel et au singulier ; dans plusieurs provinces, le pluriel se prononce î ; au pluriel l's se lie : il-z ont. Voici les règles de la prononciation au XVIIe siècle d'après CHIFFLET, Gramm. p. 209 : L'l ne sonne point devant les consonnes : il dit, prononcez i dit ; ni aux interrogations, quoi qui suive : que dit-il ? prononcez que dit-i ? Parle-t-il à vous ? dites : parle-t-il à vous ? mais hors de l'interrogation il sonne l'l devant les voyelles : il a, il aime ; au pluriel, il ne sonne que l's : ils ont, dites : iz ont. On voit en quoi ces règles anciennes diffèrent de la prononciation actuelle. Cette ancienne prononciation, qui supprimait plus les consonnes que nous ne faisons, s'est conservée en grande partie dans la conversation : quelle heure est-i ? quel temps fait-i ?)
  • 1Pronom masculin qui désigne la troisième personne. Votre père va venir, il est prêt. J'ai lu cet ouvrage, il est bien écrit. Ces gens-là sont pressés, ils courent.

    Il se met ordinairement avant le verbe, dans les phrases affirmatives, sans qu'il y ait rien entre deux, si ce n'est des particules et des pronoms. Il lui parle. Il ne veut pas.

    Il se met après le verbe dans les interrogations et dans certaines phrases exclamatives. Que fait-il ? Est-il insensé !

    Avec le t euphonique : A-t-il ? parle-t-il ? va-t-il ?

    Il se met également après le verbe dans certaines phrases affirmatives. Quoi ! dit-il, s'écria-t-il, répondit-il. Vous avez, paraît-il, réussi dans vos projets. Aussi est-il vrai. Toujours est-il certain que je l'avais dit. Son cœur, pour se livrer, à peine devant moi S'est-il donné le temps d'en recevoir la loi, Molière, Femmes sav. IV, 1.

  • 2Quand une phrase interrogative contient le nom masculin qui est le sujet du verbe, on n'en met pas moins le pronom il après le verbe. Ce fruit est-il bon ? Votre père est-il venu ?

    Dans certaines inversions dubitatives, le même pléonasme est obligatoire. Ce projet dût-il échouer, nous serons loués pour l'avoir conçu.

  • 3Dans certaines phrases le verbe est précédé du pronom il et suivi du sujet ; ces phrases sont surtout du style soutenu, et impliquent une certaine passion qui fait qu'on prononce le pronom avant le nom auquel il se rapporte. Il me fuit, l'ingrat. Seront-ils plus heureux ceux qui…
  • 4Il se met avec les verbes impersonnels, ou employés impersonnellement. Il faut que… Ne faut-il pas que… ? Faudra-t-il donc que… ? Il doit s'y attacher de l'intérêt. Quel intérêt ne doit il pas s'y attacher ? Il fait beau temps. Il fut un temps où…

    Il pleut à verse. Il m'en doit bien souvenir, ma foi ! Molière, Préc. rid. 12. À déboucher la porte il irait trop du vôtre, Molière, Remerc. au roi. Il est aujourd'hui le six de mars, Sévigné, 6 mars 1671. Et ces fleurs qui là-bas entre elles se demandent S'il est fête au village…, Boileau, Épît. X.

    Dans ces constructions, il ne laisse pas de gouverner le verbe au singulier, bien que ce verbe soit suivi d'un nom au pluriel (l'ancienne langue mettait le pluriel en ces circonstances : Il sont six heures). Il est six heures. Il est arrivé deux mille hommes. Il est survenu des circonstances fâcheuses. Nous n'avons qu'un honneur, il est tant de maîtresses ! Corneille, Cid, III, 6. Je veux qu'on dise un jour aux siècles effrayés : Il fut des Juifs, il fut une insolente race, Racine, Esth. II, 1. Il s'avance sur le théâtre d'autres hommes, La Bruyère, VIII.

    Un il de ce genre a été sous-entendu par la Fontaine : De tous côtés lui vient des donneurs de recette, Fabl. VIII, 3.

  • 5Il se rapportant au mot rien. Ayant appris dès le collège qu'on ne saurait rien imaginer de si étrange et si peu croyable, qu'il n'ait été dit par quelqu'un des philosophes, Descartes, Méth. II, 4.

    Il se rapportant à ce que. Si ce que je dis ne sert à vous éclairer, il servira au peuple, Pascal, dans COUSIN. Ce qu'on appelle une oraison funèbre, n'est aujourd'hui bien reçu du plus grand nombre des auditeurs, qu'à mesure qu'il s'éloigne davantage du discours chrétien, La Bruyère, XV. Il y a une éloquence qui consiste à rendre aisément et convenablement ce que l'on pense, de quelque nature qu'il soit, Vauvenargues, De l'éloge. Il se rapportant à tout ce que… Tout ce qu'il fait doit se trouver à la place et dans l'ordre où la règle, c'est-à-dire la loi de Dieu, veut qu'il se trouve, Massillon, Profess. relig. Serm. 3.

    Il se rapportant à tout. Une raison première et universelle, qui a tout conçu avant qu'il fût…, Bossuet, Connaiss. V, 2.

    Il se rapportant à cela, ceci. Tout cela ne convient qu'à nous. - Il ne convient pas à vous-même, Repartit le vieillard…, La Fontaine, Fabl. XI, 8. Ceci n'est pas humble ; mais il faut qu'il passe, Sévigné, 10 août 1680.

  • 6Il pour cela. Iris, je vous louerais ; il n'est que trop aisé, La Fontaine, Fabl. X, 1. Il est trop véritable, Molière, l'Ét. II, 7. C'est qu'il sent le bâton du côté que voilà, Molière, le Dép. V, 4. Le premier effet de l'amour est d'inspirer un grand respect ; l'on a de la vénération pour ce que l'on aime ; il est bien juste : on ne reconnaît rien au monde de grand comme cela, Pascal, Passions de l'amour. De vous dire que tout cela se passe sans larmes, il n'est pas possible, Sévigné, 19 nov. 1688.

    Cet emploi, qui tombe en désuétude, est conservé dans : il est vrai. Vous avez dû partir, il est vrai, mais…

  • 7Il surabondant. Et qui, jeune, n'a pas grande dévotion, Il faut que pour le monde à le feindre il s'exerce, Régnier, Sat. XII. Qui se contraint au monde, il ne vit qu'en torture, Régnier, ib. X. Un [cierge] d'eux voyant la terre en brique au feu durcie Vaincre l'effort des ans, il eut la même envie, La Fontaine, Fabl. IX, 12. La source de tout le mal est que tous ceux qui n'ont pas craint de tenter au siècle passé la réformation par le schisme, ne trouvant point de plus fort rempart contre leurs nouveautés que la sainte autorité de l'Église, ils ont été obligés de la renverser, Bossuet, R. d'Angl. Ceux qui commençaient à le goûter, n'osant avaler le morceau qu'ils ont à la bouche, ils le jettent à terre, La Bruyère, V. Un noble, s'il vit chez lui dans sa province, il vit libre, La Bruyère, VIII. Les Romains se destinant à la guerre et la regardant comme le seul art, ils mirent tout leur esprit et toutes leurs pensées à le perfectionner, Montesquieu, Rom. 2.

    Ce pléonasme était reçu des écrivains du XVIIe et du XVIIIe siècle ; aujourd'hui il l'est beaucoup moins. Toutefois ces exemples font voir dans quel cas un il surabondant peut être placé, non sans grâce ou sans clarté.

  • 8Ils se dit quelquefois d'une façon indéterminée pour indiquer les gens qu'on a dans l'esprit. L'autorité, l'autorité, ils n'ont que ce mot, Diderot, Père de famille, II, 6. Voilà comme ils sont tous ; c'est ainsi qu'ils nous aiment ; s'ils étaient nos ennemis, que feraient-ils de plus ? Diderot, ib.
  • 9Ce qu'il y a, ce dont il s'agit. Or sus, mon fils, savez-vous ce qu'il y a ? c'est qu'il faut songer, s'il vous plaît, à vous défaire de votre amour, Molière, l'Av. IV, 3.
  • 10Il n'est que de, la seule chose qui importe, qui soit utile, nécessaire. Ma foi, il n'est que de jouer d'adresse en ce monde, Molière, Mal. im. Interm. I, 6.
  • 11Il n'est pas que vous n'ayez vu, certainement vous avez vu. Mais peut-être il n'est pas que vous n'ayez bien vu Ce jeune astre d'amour, de tant d'attraits pourvu, Molière, Éc. des fem. I, 6.
  • 12Il suivi du relatif qui ou quiconque, signifiant celui qui ; tournure usitée au XVIIe siècle, qui est tombée en désuétude, mais qui pourrait être reprise. Il passe pour tyran quiconque s'y fait maître, Corneille, Cinna, II, 1. Pour la première fois il me dupe qui veut ; Mais, pour une seconde, il m'attrape qui peut, Corneille, Mél. V, 5. Chacun fait ici-bas la figure qu'il peut, Ma tante ; et bel esprit, il ne l'est pas qui veut, Molière, Femm. sav. III, 2. Il est bien heureux qui peut avoir dix mille écus chez soi, Molière, l'Av. I, 5.
  • 13 Terme de chasse. Il bat l'eau, terme pour avertir les chasseurs et les chiens lorsque la bête entre dans l'eau.

    Il va là, chiens, terme pour parler aux chiens, lorsqu'ils chassent à la discrétion et à la prudence du piqueur.

    Il perce, l'animal va en avant.

REMARQUE

Ce pronom se répète quand il y a deux propositions de suite où l'on passe de l'affirmation à la négation, et de la négation à l'affirmation : Je lis rapidement ce livre, il n'est pas malaisé à comprendre, et il est court.

HISTORIQUE

IXe s. In o quid [pourvu que] il mi altresi fazet [il m'en fasse autant], Serment.

Xe s. Si cum il semper solt haveir [il a coutume d'avoir], Frag. de Val. p. 468. Si astreient [seraient] li Judei perdut, si cum il ore sunt, ib. p. 468. Poscite li que cest fructum que mostret nos habemus, que el nos conservet, ib. p. 469.

XIe s. Assez est mielz qu'il i perdent les chiefs [têtes], Ch. de Rol. III. Ne vous ne il n'i porterez les piez, ib. XVIII.

XIIe s. Et s'il i va tels hom qui sagement leur die, Sax. X. S'en va Grandoine, il et si compeignon, Roncis. p. 71. Il n'i fist joie, ne chevelus ne chauz, ib. 149. Conviendra il qu'à la fin congié prenne, Couci, XXII. Et s'il ne fust de remanoir viltance, ib. XXIV.

XIIIe s. Bele Isabeaus, pucele bien aprise, Aima Gerart, et il lui, en tel guise Qu'onc de folour par lui ne fu requise, Audefroi le Bastard, Romancero, p. 5. Il semble à sa maniere qu'elle doive desver, Berte, XVII. Et li rois il meïsmes les prent à redresser, ib. CXXIX. Il atendirent jusqu'au quart jour et il revindrent au palais, Villehardouin, XII. Mès ge sai bien qu'il en sunt maintes Qui ne vuelent pas estre ençaintes, la Rose, 4567.

XVe s. Que voulez-vous ? il faut songer [prendre de la peine] Qui veut vivre, et soutenir peine, Pathel. Les Allemaignes, qui est chose si grande et si puissante qu'il est presque incroyable, Commines, IV, 1. Tous les seigneurs d'Allemaigne y [à la guerre] estoient à leurs despens, comme il est de coustume quant il touche le fait de l'empire, Commines, IV, 3. Vous savez qu'ilz sont six jours ouvriers en la sepmaine, Les évangiles des quenouilles, p. 10.

XVIe s. Or advint il qu'au sortir de son enfance…, Amyot, Cimon, 2. Il se presenta sur l'eschaffault des joueurs devant le peuple un de ses serviteurs habillé en forme de Bacchus, Amyot, Nicias, 5. Il semble que ce soient les habillemens qui eschauffent l'homme, et toutefois ce ne sont ils pas qui l'eschauffent ne qui luy donnent la chaleur, Amyot, Du vice et de la vertu, 1. Ce sont ils qui cherchent d'esblouir les yeux des simples ignorans, et cependant descouvrent leur bestise, Calvin, Inst. 61. Iceux ne pouvant penser que ce fust il, disoyent que c'estoit son ange, Calvin, ib. 107. Cela est estimé pour niant, combien qu'il ne soit point de petit poids au jugement de Dieu, Calvin, ib. 290. Il se veoit en plusieurs lieux la forme de leurs licts, Montaigne, I, 238. De vray il est parfois que j'ay grand'pitié de toy, La Boétie, 116. On ne le croira pas du premier coup, toutes fois il est vray, ce sont tousjours quatre ou cinq qui maintiennent le tyran, La Boétie, 62. Ha, ha ! il n'a pas paire de chausses qui veult, Rabelais, Garg. I, 9.

ÉTYMOLOGIE

Wallon, i devant une consonne, il devant une voyelle (i se dit pour il et ils) ; Berry, i, il, î, ils ; provenç. il, ils ; catal. ell ; espag. él ; ital. il ; du latin ille, celui-là. La forme archaïque de ille est ollus, qu'on a supposé être un diminutif d'un radical an ou on, rattaché au sanscrit ana, celui-là, qu'on retrouve dans anya, autre, et dans alius. On remarquera que, dans l'ancienne langue, il est toujours nominatif ; on y dit donc : tu et il, et non toi et lui. Le pluriel y est il sans s, comme le singulier ; le singulier vient de ille, le pluriel vient de illi. Au XIVe siècle on a dit il, ils, pour le féminin el, elles : Les choses semblent estre involontaires quand ilz sont faites par violence ou quant il sont faittes par ignorance, Oresme, Eth. 47. (voy. ELLE).