« interdire », définition dans le dictionnaire Littré

interdire

Définition dans d'autres dictionnaires :

Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

interdire

(in-tèr-di-r'), j'interdis, nous interdisons, vous interdisez, ils interdisent ; j'interdisais ; j'interdis ; j'interdirai ; j'interdirais ; interdis, qu'il interdise, interdisons, interdisez ; que j'interdise, que nous interdisions ; que j'interdisse ; interdisant, interdit v. a.
  • 1Empêcher d'user de. … et je vous l'ai tant dit, Prince, que ce discours vous dût être interdit, Corneille, Nicom. I, 2. L'effroi me saisit l'âme et m'interdit la voix, Rotrou, Bélis. III, 7. Le P. Caussin, défendant cette proposition [que le confesseur doit absoudre celui qui avoue que l'espérance d'être absous l'a porté à pécher], dit que, si elle n'était véritable, l'usage de la confession serait interdit à la plupart du monde, Pascal, Prov. X. On voit quelle est la nature des actes qui sont suspendus et comme interdits dans l'oraison positive et de quiétude, Bossuet, Ét. d'orais. VII, 11. …Cotin nous peut-il nuire, Et par ses cris enfin que saurait-il produire ? Interdire à mes vers, dont peut-être il fait cas, L'entrée aux pensions où je ne prétends pas ? Boileau, Sat. IX. Ils n'ont qu'à m'interdire un reste d'espérances, Racine, Andr. II, 2. Et depuis quand, seigneur, entre-t-on dans ces lieux Dont l'accès même était interdit à nos yeux ? Racine, Baj. I, 1. Tout nous interdisait, dans nos préventions, Une indigne alliance avec les nations, Voltaire, Orphel. I, 1. Qu'il ne cherche point à interdire à personne la liberté d'une juste défense, Voltaire, Diatribe doct. Akakia.

    S'interdire une chose, l'interdire à soi-même. Il est obligé de s'interdire toute lecture.

    Interdire le feu et l'eau, formule usitée chez les Romains dans les sentences de bannissement.

    Fig. En parlant des choses auxquelles on attribue la faculté d'interdire, d'empêcher. Mes occupations m'interdisent ce plaisir, cet espoir.

  • 2Particulièrement, défendre, par une sentence, à un ecclésiastique l'exercice de ses fonctions, ou à tout ecclésiastique la célébration des sacrements et du service divin dans les lieux marqués par la sentence. On lui a interdit cette église. On voit que saint Hildebert, évêque du Mans, répondit à Yves de Chartres qu'il a eu raison d'interdire un prêtre pour toute sa vie qui, pour se défendre, avait tué un voleur d'un coup de pierre, Pascal, Prov. XI.
  • 3Défendre à quelqu'un, temporairement ou pour toujours, de continuer l'exercice de ses fonctions. On les a interdits pour deux ans. Sa Majesté, ayant trouvé que ledit sieur comte de Sourdis a eu tort… l'a interdit de sa charge, Seignelay à Demain, dans JAL à mot.

    On disait de même autrefois : interdire un présidial, un bailliage.

    Fig. Les dieux de ce haut rang te voulaient interdire, Puisqu'ils m'ont élevé le premier à l'empire, Racine, Théb. IV, 3.

  • 4En jurisprudence, ôter à quelqu'un la libre disposition de ses biens et même de sa personne. Le majeur qui est dans un état habituel d'imbécillité, de démence ou de fureur, doit être interdit, même lorsque cet état présente des intervalles lucides, Code Nap. art. 489. Le fils était imbécile ; ils le firent interdire juridiquement et enfermer à Paris, à Saint-Lazarre, Saint-Simon, 16, 185. Nous avons résolu, d'une commune voix, De vous faire interdire, en observant les lois, Regnard, Légat. III, 8.
  • 5Figurément. Ôter l'usage de la raison, étonner, troubler. Et ce brusque discours a de quoi m'interdire, Regnard, Ménechm. III, 5. Le passé m'interdit et le présent m'accable, Voltaire, Œdipe, IV, 1. Excusez-moi si je suis interdite De vos discours et de votre visite, Voltaire, Enf. prod. II, 3.
  • 6S'interdire, v. réfl. Être interdit, défendu. Cela ne s'interdit pas.
  • 7Se priver soi-même de certaines fonctions. Le chancelier les interdit des fonctions de leurs charges ; ils s'interdisaient eux-mêmes, Voltaire, Hist. parl. ch. 55.
  • 8S'interdire, devenir interdit, confus. Il s'interdit facilement. Achevez de lire ; Votre âme, pour ce mot, ne doit point s'interdire, Molière, D. Garcie, II, 6.

HISTORIQUE

XIIe s. E quant à saint iglise e à Deu s'umilie, N'i ad lei ne decré ne rien qui l'entredie, Th. le mart. 84. Se pape u arcevesques nului entredesist, ib. 67.

XIIIe s. Pour ce que la cité de Loon estoit entredite de l'evesque de Loon, de qui les bourgois avoient apelé à l'arcevesque de Rains, Miracles St Loys, p. 165.

XIVe s. N'as-tu entendu que j'ay dict Que mon secret t'est interdict ? Nat. à l'alch. 646.

XVe s. Escharceté [lésine] est à noble interdite ; Tout gentil cueur tient au large sa bende, Chartier, Bréviaire des nobles.

XVIe s. Clodius le fist declarer [Cicéron] par affiches publiques interdict, avec defense de le recevoir à couvert à cinq cents mille à la ronde de toute l'Italie, Amyot, Cicér. 41. Et sommes tous enclins, quand tout est dict, à desirer ce qui est interdit, Saint-Gelais, 200. Sa majesté en demeura comme entredicte, sans advancer aulcune replique, Carloix, IV, 15. Ayant interdict aux habitans de porter les armes, Montaigne, I, 311. Le reculer leur estant interdict par la foule qui les suyvoit, Montaigne, II, 38.

ÉTYMOLOGIE

Provenç. entre-dire ; espagn. entredecir ; ital. interdire ; du lat. interdicere, de inter, entre, et dicere, dire ; interdicere jus, dire entre, invoquer une loi, contester, et par suite défendre.